C’est officiel, la Seine-Saint-Denis va devenir, en matière d’éducation, « une terre d’excellence ». Madame le ministre de l’Education nationale l’a expliqué doctement mercredi 19 novembre sur France Info, en annonçant 500 postes de professeurs du premier degré d’ici 2017, en plus des 300 déjà créés, par la vertu d’un « concours supplémentaire pour permettre à davantage de candidats de rejoindre la Seine-Saint-Denis ». Car ils se bousculent, les candidats, pour aller enseigner dans le 93, vous n’imaginez pas. L’an dernier, pour les 1050 postes à pourvoir dans l’académie de Créteil, pas moins de 3 892 s’étaient déclarés. Si seulement 1425 ont effectivement composé, c’est probablement faute de place pour accueillir les autres, à moins que ceux-ci n’aient pas trouvé le chemin de la salle d’examen, ou aient été dévorés par un nuage de sauterelles. Reste que sur les 1 425 présents, 980 furent déclarés admis, donc (presque) le quorum requis. Certes, les derniers lauréats, qui frisaient l’illettrisme, obtenaient une moyenne de d’à peine 4/20, mais Madame le ministre, qui a tout prévu, réfléchit pour l’année prochaine à l’interdiction de ces évaluations par les notes, dont on voit bien ici le caractère discriminatoire et stigmatisant.
Les esprits chagrins feront remarquer qu’il manquait tout de même 450 professeurs dans les écoles de Seine-Saint-Denis à la rentrée ; mais c’est qu’il faut également soutenir la politique volontariste du gouvernement en matière de lutte contre le chômage ! Le rectorat a pu ainsi mobiliser toutes ses énergies pour lever un bataillon de vacataires, certes eux aussi sous-payés, mais ô combien motivés, issu des meilleures filières de licence tourisme ou de BTS logistique, par une prompte opération de « phoning » en partenariat avec Pôle Emploi et les annonces du site leboncoin.fr. Ces nouveaux hussards, s’ils peuvent parfois manifester une primesautière rusticité, n’ont pas vocation à demeurer ad vitam dans l’ignorance complète de la chose pédagogique : Madame le Ministre a prévu pour eux un plan d’accompagnement destiné à « en faire des enseignants à proprement parler ». Nous voilà rassurés. Mais alors, que demande le corps professoral en grève du 93 ? Quoi, ils ne sont pas payés depuis deux mois ? Eh bien justement : on vient de penser à leur envoyer des bons d’achat alimentaires…
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