La réforme des institutions présentée, le 4 avril, par le Premier ministre Edouard Philippe prévoit une réduction du nombre de parlementaires. Un projet démagogique qui renforcera la France des villes et le pouvoir du président Macron.
Depuis quelques années, une large majorité des forces politiques, pour une fois en phase avec la majorité des sondés, se prononce pour une réduction du nombre de parlementaires. Un jour, quelqu’un a décrété que députés et sénateurs étaient décidément trop nombreux et que cela coûtait trop cher au contribuable. On en a profité pour expliquer que nous possédions un nombre record de parlementaires payés à ne rien faire, et l’idée s’est installée. Ne craignant aucun paradoxe, certains ajoutaient qu’il valait mieux avoir moins de députés et qu’ils puissent recruter davantage d’assistants, ce qui entrait en collision avec le premier objectif cité de réduire les coûts, tout en favorisant le népotisme par rapport à la démocratie.
La France n’est pas l’Amérique
En fait, nous n’avons pas trop de parlementaires. Au lieu de comparer avec l’Etat fédéral américain – comble de la malhonnêteté intellectuelle -, comparons plutôt avec un pays de taille et structure équivalentes, comme le Royaume-Uni, et on constatera qu’il ne faudrait pas réduire le nombre de parlementaires mais plutôt l’augmenter.
On a l’habitude. Quand il avait fallu réduire le nombre de régions, il avait été martelé pendant des années que nos régions étaient moins peuplées que celles de notre voisin et principal partenaire allemand. Or, les régions françaises d’avant 2015 étaient en moyenne déjà plus peuplées que les Länder. Ce n’était pas la taille des régions allemandes qui faisaient leur force mais les compétences dont elles avaient la charge. A l’heure où le gouvernement prétend lutter contre les fameuses « fake news », peut-être faudrait-il, plutôt que de les entretenir, tordre le cou à ces légendes urbaines.
La « France périphérique » a besoin de parlementaires
En fait, pour se faire bien voir de certains électeurs qui pensent qu’ils sont trop nombreux pour le peu de travail qu’ils semblent effectuer, ce qui est d’ailleurs le plus souvent injuste, les partis politiques avaient quasiment tous intégré cette réduction du nombre de parlementaires dans leurs programmes. Ainsi, il est piquant d’entendre aujourd’hui Bruno Retailleau, l’un des plus proches de François Fillon, s’alarmer du danger que fait peser cette mesure sur la représentation des territoires alors que son ami proposait de tailler à la hache dans les effectifs de députés et sénateurs. Il faut dire que François Fillon proposait de tailler à la hache dans tous les effectifs dont il aurait eu la charge, ce qui n’a d’ailleurs pas été pour rien dans la chute qu’il a subi entre le 1er décembre 2016 et le 25 janvier 2017, chute bien plus forte, rappelons-le, que celle qu’il a connu ensuite après les révélations du Canard enchaîné. Mais puisque Bruno Retailleau et autres anciens soutiens de François Fillon se sentent dorénavant plus soucieux de la représentativité de tous les territoires, ne boudons pas notre satisfaction.
Car l’heure est à la dénonciation – légitime la plupart du temps – de « Macron, l’homme des métropoles ». Diminuer le nombre des députés et sénateurs, c’est augmenter le nombre de communes qu’un parlementaire de la France périphérique devra couvrir dans sa circonscription, alors que celui de la France urbaine aura la partie la plus facile. Diminuer ce nombre, cela se traduira forcément par un avantage pour les métropoles, celle qui a voté le plus pour le président de la République. Diminuer ce nombre, enfin, en ajoutant une dose de 15% d’élus à la proportionnelle désignés par les appareils politiques parisiens, réduira considérablement le poids des territoires dans les choix publics. Tout le contraire de ce qu’il faut faire pour renouer avec une cohésion nationale et réconcilier France des villes et France des champs.
La République au pas
Mais il ne faut pas s’y tromper, la décision d’Emmanuel Macron n’est pas seulement dirigée contre les adversaires de La République En Marche (LREM). Elle est en fait dirigée principalement contre les députés du parti présidentiel. En se réservant le droit de désigner directement, grâce à la proportionnelle, une partie des futurs élus à l’Assemblée nationale, et de diminuer une bonne partie des futurs effectifs du groupe parlementaire LREM élus dans les territoires, il pose sur leur tempe la menace de ne pas être reconduits dans leurs fonctions en 2022. L’investiture sera très chère et on le leur signifie. Quelle meilleure arme pour calmer une majorité hétérogène, faite de membres sélectionnés sans doute très rapidement l’an dernier, et qui pourrait commencer à se montrer un peu remuante voire frondeuse ?
On a beau expliquer à l’Elysée qu’un tiers des parlementaires LREM ne travaille pas ou peu et qu’il ne serait pas illégitime de ne conserver que les députés utiles à la nation, on se montre dubitatif, expérience aidant, sur le fait que le tiers de députés qui disparaîtra de la circulation sera celle qui comprend les moins travailleurs. Les « godillots » seront forcément favorisés. Les personnalités indépendantes et de conviction seront éliminées. Il n’y aura que des perdants à cette réforme démagogique : les territoires, les convictions, le citoyen et même le contribuable. Si, par chance, cette réforme de nos institutions est soumise au référendum, on espère que des personnalités fortes mouilleront leur chemise pour l’expliquer.
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