Le sexe ou le genre, il faut choisir!
Qu’est-ce que le genre ? C’est ce qui doit remettre le sexe à sa place. Attention ! Par « remettre le sexe à sa place », je veux dire que le genre doit remettre le sexe à sa place dans la langue. Ou plutôt, pour éviter toute interprétation mal embouchée, je veux dire que le mot « genre » doit remettre le mot « sexe » à sa place dans la langue que nous parlons et écrivons. Si tant est que le mot « sexe » ait une place légitime dans la langue.
Car je me suis laissé dire que la différence entre les deux sexes, le masculin et le féminin, n’est pas une donnée aussi réelle et précieuse que la littérature nous l’a fait croire, mais qu’elle est essentiellement un artefact sexiste, une construction sociale à déconstruire, une différence à faire disparaître.
« Belges ! Belges ! »
À première vue impulsée par le genre, l’évolution déconstructrice des soi-disant différences sexuelles semblait nous entraîner irrésistiblement vers un genre humain unique et indifférencié. Car, remarquons-le au passage, l’humain aussi est un genre, et donc une construction sociale : comme aurait dit l’autre, on ne naît pas humain, etc.
Bref, tout semblait annoncer que le genre humain serait prochainement indifférencié, homogène et hermaphrodite.
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Mais voilà-t-y pas que surgissent deux clivages qui nous sautent au visage ? L’un est féminin, et l’autre ne l’est pas. Quand le féminin se rebiffe, disons plutôt se re-belle, il impose l’orthographe inclusive qui oblige à faire une place bien voyante, claire, et distincte, au féminin qui était jusque là sous-entendu ou simplement possible. On écrira par exemple « un·e interview », « un·e après-midi », « la·e chienlit », « les citoyen·ne·s de notre pays», et on s’adressera aux « travailleuses ! travailleurs ! » et aux « Françaises ! Français ! » Seul Pierre Desproges échappera à cet oukase grâce à sa fameuse interpellation « Belges ! Belges ! »
Et la masculinitude fut
Certes, l’égalité-entre-les-femmes-et-les-hommes est sauvée par l’écriture inclusive qui met fin à une odieuse exclusion, mais, du coup, elle remet en piste la non moins odieuse différence entre les sexes, que l’on ne voulait plus voir.
Pire encore ! En réaction à ce retour de la féminitude, que voit-on surgir de l’autre côté de cette soi-disant dualité hommes/femmes qui n’existe pas ? On voit le masculin qui se rebiffe, qui se hérisse. Dans sursaut de virilitude, quasiment tous les jeunes mâles se laissent pousser une barbe complètement sexuée et clivante, qu’ils exhibent de façon ostentatoire et provocatrice dans l’espace public.
Pas besoin d’être un enfant de Derrida et de Bourdieu pour comprendre que la barbe, ce caractère soi-disant naturel, est en réalité un signe de distinction, le marqueur d’une discrimination, que dis-je ? une offense à l’égalité-entre-les-femmes-et-les-hommes-et-pas-réciproquement qui doit s’imposer en toute chose.
L’embarbement du genre humain
Il convient donc que la ministre en charge de cette égalité fasse passer une loi autorisant les femmes – qui ont été rendues imberbes par des millénaires de domination machiste -, à se faire médicalement pousser la barbe à laquelle elles ont le même droit que les hommes.
Il va de soi que cette pilosité faciale médicalement assistée devra leur être remboursée, c’est le cas de le dire.
L’embarbement universel du genre humain produira de prodigieux effets, ici et là-bas. Ici, dans nos contrées, la barbe qui était associée jusqu’à présent aux figures symboliques de Dieu le père, de Karl Marx et du Père Noël, ornera également le visage de leurs mères, de leurs épouses et de leurs maîtresses.
Là-bas, en terre d’islam, les femmes barbues n’auront pas plus besoin que les hommes du voile qui masque aujourd’hui leurs visages imberbes.
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