Les Chinois ont tout inventé, même le pire. A commencer par l’écriture inclusive. Mais si !
À Pékin, on affirme volontiers que les Chinois ont tout inventé, les Occidentaux n’étant que des imitateurs et des spoliateurs de la civilisation chinoise. Il ne fait en effet guère de doute que les quatre « grandes inventions » célébrées par le régime, la boussole, le papier, l’imprimerie et la poudre à canon, trouvent leur origine en Chine.
« Rectifier les noms »
Il est aussi une invention postmoderne que nous devons incontestablement à la Chine : l’écriture inclusive. Les lecteurs du sinologue Léon Vandermeersch le savent : l’écriture préférée des néoféministes fâchés avec la grammaire procède implicitement de la même doctrine que celle de Confucius qui estimait que la première tâche du prince devait être de « rectifier les noms ».
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C’est d’ailleurs ce qu’a fait le Parti communiste lorsqu’il est arrivé au pouvoir il y a soixante-dix ans, en modifiant les caractères qui désignaient certaines minorités ethniques en Chine afin d’effacer leur nature offensante. Fut notamment ôté le radical du chien au caractère signifiant le peuple Yao. À voir la façon dont le Parti traite aujourd’hui certaines minorités (en particulier les musulmans ouïghours), on peut douter des résultats de cette politique.
Christchurch et la réécriture inclusive
Plus fondamentalement, l’idée selon laquelle la langue peut transformer le réel est ancrée dans la civilisation chinoise, mais aussi dans le léninisme du Parti. Selon le catéchisme maoïste, il n’existe en effet pas de vérité en soi, mais seulement des discours concurrents, chacun susceptible de modeler le réel à sa guise s’il parvient à s’imposer. La postvérité est donc une très vieille idée orientale…
Malgré cet ascendant pluriséculaire, l’empire du Milieu passe régulièrement sous les radars des médias occidentaux. Aucun chevalier du Bien n’a ainsi remarqué que le « manifeste » de l’auteur du massacre antimusulman de Christchurch (Nouvelle-Zélande) vantait la « nation ayant les valeurs politiques et sociales les plus proches des siennes ». Or, celle-ci n’est ni l’Amérique de Donald Trump ni la Hongrie de Viktor Orban, mais la République populaire de Chine. La plupart des journalistes se sont contentés de commenter le titre de ce texte indigeste, « Le grand remplacement : vers une nouvelle société », pour incriminer Renaud Camus. À croire que ce dernier exerce un pouvoir de nuisance infiniment supérieur à celui de la future première puissance mondiale.