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Les Highlands scotchés à l’Angleterre?


Les Highlands scotchés à l’Angleterre?

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De quoi José Manuel Barroso a-t-il peur ? D’un nouveau Kosovo? De ne pas obtenir l’unanimité au moment de reconnaître le nouvel État ? Ou a-t-il peur que l’indépendance soit synonyme d’églises et de monastères saccagés et de chrétiens persécutés? Rassurons-le: l’Écosse n’est pas le Kosovo. Mais justement: c’est peut-être cela qui l’ennuie.

Les Écossais vont se prononcer en septembre pour ou contre l’indépendance de leur nation, qui fait partie depuis trois siècles du Royaume-Uni. Dimanche soir, mon attention a été retenue par une déclaration de José Manuel Barroso. Interviewé sur la BBC, le président de la Commission européenne jugeait en effet qu’il serait « extrêmement difficile, voire impossible » pour une Écosse indépendante d’adhérer à l’Union européenne.

Alors que l’on reparle de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne et que la Commission européenne envisage d’accorder le statut de candidat à l’Albanie, cet avertissement n’a pas manqué de surprendre les indépendantistes écossais. José Manuel Barroso a précisé que l’adhésion «doit être approuvée par tous les autres membres de l’Union européenne ». On sait que l’Espagne, qui est confrontée aux velléités indépendantistes des Catalans, et peut-être ensuite des Basques, a averti qu’elle s’opposerait à l’entrée d’une Écosse indépendante dans l’Union européenne. Aurait-on peur d’un nouveau réveil des nations? La déclaration de José Manuel Barroso fait d’ailleurs écho à celle de Viviane Reding qui, en 2012, avait déjà mis en garde le gouvernement catalan: «l’Union européenne ne peut reconnaître une indépendance unilatérale». Pourtant, en 2008, lorsque le parlement kosovar proclama unilatéralement l’indépendance du Kosovo, la Commission européenne avait supplié les 27 pays de l’Union européenne de se mettre unanimement d’accord pour reconnaître le nouvel État. En vain. José Manuel Barroso a-t-il donc peur que l’Écosse soit un nouveau Kosovo? En l’écoutant dimanche, on aurait pu le croire. Encore une fois, rassurons-le: l’Écosse n’est pas le Kosovo. Alors que les Serbes, au Kosovo, se sont fait spolier par un siècle d’immigration albanaise, l’Écosse est une vieille nation. Oui, mais c’est justement le problème.

La vice-premier ministre écossaise, Nicola Sturgeon, europhile, a aussitôt réagi aux propos de José Manuel Barroso, qu’elle a qualifiés de «grotesques». Assez naïvement, elle a mis en avant «la volonté démocratique du peuple écossais», comme si cet argument allait faire entendre raison à des technocrates européens qui n’ont, bien souvent, aucune légitimité démocratique. En fait, les déclarations de José Manuel Barroso montrent une fois de plus que l’Union européenne n’aime pas les nations: elle ne peut donc pas applaudir leur émancipation.

En effet, nos élites européennes perçoivent la Nation comme un anachronisme. À un moment où la mondialisation est source d’une insécurité à la fois sociale et culturelle, elles sont incapables de comprendre que la Nation est un ciment nécessaire. Elles préfèrent diaboliser le nationalisme: ne conduit-il pas forcément au racisme, à la guerre et, disons-le, au fascisme?

Aussi, c’est cette volonté d’en finir avec le nationalisme, qui a, en partie, motivé la construction européenne dans une Europe durablement traumatisée par la Seconde guerre mondiale. Très vite, avec le prétexte du commerce, la construction européenne est devenue une entreprise de déconstruction des États-nations. On a remplacé les nations par un marché unique et on a voulu croire que le libéralisme était un universalisme qui permettrait de dépasser les différences culturelles. L’euro, monnaie unique, devait être le symbole de cette nouvelle Europe: les dix-huit États qui l’utilisent forment ce que l’on appelle la zone euro. Avec la zone euro, tout comme avec les eurorégions, qui sont des entités territoriales transfrontalières, on a donc cherché à créer un espace intégré, c’est-à-dire effacer les frontières qui séparent les nations.

Or la zone euro n’apparaît-elle pas aujourd’hui comme un territoire artificiel, sans culture ni passé, c’est-à-dire sans identité? Certains détails sont révélateurs: alors que la menue monnaie continue à faire référence aux différentes nations, les billets d’euro, eux, sont dépersonnalisés et ne représentent rien qui n’existe ou qui n’appartienne à une nation en particulier. On est dans un monde irréel, sans habitants et sans identité, où l’on ne trouve que des fenêtres, des portes ou des ponts qui ne mènent nulle part. Les Écossais sont prévenus: leurs billets d’euro ne pourraient pas être à l’effigie de William Wallace ou de Robert Bruce. Ni même à celle de David Hume ou d’Adam Smith. La Banque Centrale européenne a justifié ce choix: « Les billets en euros représentent les styles architecturaux caractéristiques de sept périodes de l’histoire culturelle de l’Europe –classique, roman, gothique, Renaissance, baroque et rococo, architecture « verre et acier » et architecture moderne du 20e siècle– et font ressortir les trois grands éléments architecturaux que sont les fenêtres, les portails et les ponts. Aucun motif ne représente un bâtiment ou un monument existant. Les billets ne comportent pas davantage de motif à caractère national. »

Une histoire culturelle de l’Europe qui se résume à des «styles architecturaux»: nos technocrates européens auraient-ils une vision d’abord matérialiste de l’histoire? Ont-ils seulement une vision de l’histoire? N’ont-ils pas d’ailleurs cette prétention, propre aux totalitarismes, de croire que leur Europe est l’aboutissement de l’Histoire? L’euro n’est qu’un aspect de l’effacement des nations souhaité par les élites européennes. Mais il est significatif. Aujourd’hui, non seulement les populations précarisées par la crise ne s’identifient pas à la monnaie unique mais elles sont de plus en plus nombreuses à la remettre en question. Ce fut sans doute l’erreur des technocrates européens: en construisant l’Europe contre les nations, ils ont hypothéqué les chances de succès du projet européen.

De la même façon, ils se sont attaqués à l’identité même de l’Europe: ils ont nié les racines chrétiennes de l’Europe lorsqu’ils ont refusé de les mentionner dans le préambule de la Constitution européenne. La référence aux racines chrétiennes aurait pourtant permis aux citoyens de mieux s’identifier au projet européen car le christianisme reste l’un des plus importants facteurs d’identification entre les peuples, au-delà des frontières nationales. Mais non: la conception de l’Europe qui domine est purement technocratique, débarrassée de toute référence culturelle ou historique. Peu importe que le libéralisme soit acculturé et n’ait plus, par conséquent, aucune morale. Peu importe, également, que les citoyens soient acculturés: c’est pour cela que les Albanais du Kosovo seront toujours préférables aux Écossais.

Les citoyens ne doivent pas avoir de racines: l’essentiel, c’est qu’ils consomment. Mais surtout, José Manuel Barroso qui avertit les Écossais qu’une Écosse indépendante ne pourra pas adhérer à l’Union européenne et Viviane Reding qui explique aux parlementaires français «qu’il n’y a plus de politiques intérieures nationales»: n’est-on pas en train d’assister à l’avènement d’une véritable technocratie, plus dirigiste que vraiment libérale, qui s’obstine à mépriser les identités, les nations et les peuples?

*Photo : AP21521263_000001. Scott Heppell/AP/SIPA.



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