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Ecomouv, la fausse piste


Ecomouv, la fausse piste

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Le Parti socialiste a perdu la Bretagne. Depuis un moment déjà, mais le sait-il ? La politique de l’autruche étant si confortable, on n’a pas écouté Hervé Le Bras quand il a souligné les ravages électoraux de la pantalonnade du « mariage pour tous » dans le grand Ouest ? Pas plus ce député socialiste breton disant : « il y a une accélération de plans sociaux dans un espace restreint, ce qui donne le sentiment que toute une branche de l’économie bretonne est en train de s’effondrer. » Ce qui compte, c’est de se plier à ce que dit Cécile Duflot, ou donner des gages aux adorateurs de Léonarda, tout en continuant à ramper devant Barroso. Donc, sans réfléchir, après que la parole présidentielle ait assuré qu’il n’y aurait plus d’impôts ou taxes nouvelles, mise en place de l’écotaxe. Et quand le baril de poudre explose, face à un mouvement qui fédère tout le monde, toujours sans réfléchir, on recule précipitamment et en désordre. Pour se retrouver dans une impasse politique. Alors que faire ? Vilipender la droite qui a instauré cette taxe au départ. Ça n’ira pas loin. Faire donner Mélenchon et le PCF pour injurier les manifestants bretons en échange de gentillesses municipales ? Plus personne ne les écoute.

Il faudrait une bonne diversion. Mais laquelle ? Le retour des otages ? Ça n’a servi à rien. L’espionnage américain ? Tout le monde s’en fout.  Il y a bien la vieille méthode: l’instrumentalisation de la justice et de la presse, les deux seules courroies qui embrayent encore. Revenir, encore et toujours, sur le terrain des « affaires ». La culture juridique et judiciaire des médias se situant en dessous du niveau de la mer, il sera facile de raconter n’importe quoi. Et on sollicitera le blog juridique dévoué qui produira ses habituelles, interminables et confuses analyses. Ce sera donc « La corruption sur le contrat Ecomouv ». Et hop, on fait donner les seconds couteaux  qui font état de « soupçons » sortis d’on ne sait où. La presse publie un article, le même partout, truffé à chaque fois des mêmes âneries. Et on intime l’ordre au procureur de Nanterre de rouvrir l’enquête préliminaire qu’il avait menée depuis deux ans et conclue par un classement sans suite… Docilement, il s’exécute avec une savoureuse motivation: «Au vu de certaines choses dites récemment, j’ai décidé de (…) rouvrir [l’enquête]. ». M. le procureur voit des choses que les autres entendent. Dont acte, mais lesquelles ? Dites par qui, vues où ? On ne saura pas. Il faut que circulent les gros  mots: « corruption , argent, connivence, tous pourris ». Et publier dans la presse amie de quoi alimenter le soupçon.

Alors de quoi s’agit-il cette fois-ci ? Pour percevoir cette taxe, la puissance publique, faute de capacités d’investissement et par refus d’embaucher de nouveaux fonctionnaires, a préféré en déléguer la perception. Ce qui est juridiquement tout à fait possible. C’est la voie du Partenariat Public Privé (PPP) qui a été utilisée. Pour construire un équipement public on va faire concevoir et réaliser les opérations par un professionnel privé dont c’est le métier. Celui-ci va construire l’équipement, l’entretenir, voire l’exploiter, contre le versement d’une redevance. On remplace une dépense d’investissement par une dépense de fonctionnement. Ce qui soulage le maître d’ouvrage public qui redevient propriétaire de l’équipement à la fin du contrat. Mais bien évidemment les sociétés privées  viennent pour faire des profits. Par conséquent, le prestataire sera choisi après une procédure de mise en concurrence suivie de négociations. Le calcul du montant de la redevance est une question très importante qui doit faire l’objet d’un soin particulier. Et c’est ainsi que de plus en plus, en France, on construit des écoles, des collèges, des gendarmeries, des hôpitaux ou des stades…

Évidemment, il n’y a que des cas d’espèce, et il est stupide, comme le fait la presse pour critiquer le contrat, de comparer des choux et des carottes. La mission d’Ecomouv était de mettre en place les outils de saisie (portiques, systèmes informatiques embarqués, plates-formes informatiques etc.) sur l’ensemble du territoire national. Ensuite de procéder au calcul, d’identifier les assujettis, de les contrôler et de prendre en charge la perception et le recouvrement. Ce contrat nécessitait des investissements initiaux importants (800 millions d’€) et la mise en place d’un outil technique et humain assez lourd, prévoyant naturellement l’embauche d’un personnel important chargé d’accomplir ces tâches. L’État a préféré ne pas y investir un centime et rémunérer l’opérateur par une ristourne sur les sommes perçues. Ce contrat a fait l’objet de procédures contentieuses qui ont abouti à sa validation par le Conseil d’État. Jusqu’à présent et à partir des informations dont on dispose, rien ne peut donner à penser qu’il y ait eu irrégularité ou fraude. Bien sûr, il n’est jamais impossible qu’un contrat de cette importance ait pu donner lieu à des contreparties occultes comme c’était le cas à la grande époque dans les années 80 ou le parti socialiste ne fut jamais en reste. Mais on ne démarre pas une procédure pénale sur un fantasme ou pour répondre aux injonctions de Mme Eva Joly[1. Mme Joly se présente complaisamment comme une grande pourfendeuse de la corruption publique. Ceux qui l’ont fréquenté au plan professionnel en sourient. Mais ce qui est étrange, c’est qu’il ne se trouve personne pour l’interroger sur la mission (rémunérée) qu’elle a accomplie pendant plusieurs années auprès d’un des chefs d’Etat africains les plus corrompus. Qui fut chassé à cause de cela par une révolte populaire.].

L’État, et c’est une prérogative exorbitante, a toujours le moyen de résilier unilatéralement un contrat, mais à condition d’en payer les conséquences. Dans cette affaire, la facture sera très lourde. Rembourser de leurs investissements la société attributaire et les banques ayant financé le montage. Prendre en charge les conséquences des licenciements massifs des salariés d’ores et déjà embauchés pour faire le travail commandé par l’État et aujourd’hui au chômage technique. Indemniser les transporteurs ayant déjà fait l’acquisition des dispositifs embarqués (entre 200 et 300 € par camion). Régler les 40 millions d’€ dus à la société autrichienne qui a fabriqué l’essentiel du dispositif des portiques. Et là il y a urgence. Car faute de ce règlement celle-ci sera contrainte de déposer son bilan. Excellente impression en Europe que de contribuer à la déconfiture d’une société  qui a d’ores et déjà équipé outre l’Allemagne plusieurs autres pays européens et qui est leader sur son marché. N’en jetons plus.

Il est hélas évident que l’amateurisme et la lâcheté ont présidé à la décision de suspendre l’écotaxe. La question des conséquences financières de la rupture de contrat n’a simplement pas été envisagée. Encore bravo.

Alors, on est bien en présence d’une grossière opération de diversion, qui, comme d’habitude ne servira d’aliment politique qu’au Front National. Toutes les déclarations pour disqualifier le contrat ne sont que des rodomontades. Cette opération vise à masquer non seulement une reculade politiquement délétère, mais également une catastrophe financière pour l’État. Ce mode de gouvernance instrumentalisant la justice en sollicitant  la complaisance d’une certaine presse, disqualifie encore un peu plus un gouvernement aux abois.

*Photo : SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA. 00668625_000009.



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