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Défenseurs de tous les paysages, unissez-vous!

Au nom du Beau


Défenseurs de tous les paysages, unissez-vous!
Le projet de complexe de loisirs et de commerces "EuropaCity", abandonné en novembre 2019, dix ans après son lancement. © AFP

Avec ses discours apocalyptiques et techniciens, l’écologie moderne ne prend jamais en compte la beauté des paysages. Pourtant, les combats pour la préservation des patrimoines et de la nature ne devraient faire qu’un.


Étoile de la mer, voici la lourde nappe,
Et la profonde houle et l’océan des blés,
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape. […]

Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire.

Dans son célèbre poème à Notre-Dame de Chartres, où se mêlent les blés de la Beauce, les pierres immobiles et les pèlerins rompus, Péguy a certes chanté une France éternelle, mais surtout mis en mot les émotions que chacun peut ressentir devant un paysage, un champ ou un bois. Il est loisible, sans doute, de trouver vieillis ces vers ciselés d’il y a un siècle, mais ce qui frappe surtout, c’est combien leur message nous est devenu étranger : le paysage était alors perçu comme un élément de civilisation, humaine et spirituelle, un facteur de beauté enveloppant toute la société des hommes sous un ciel habité. Aujourd’hui, il tend à n’être plus qu’une somme de bilans chiffrés et d’analyses phytosanitaires, pris sous une épaisse couche de fumée toxique.

Un des paradoxes les plus étranges de l’écologie moderne est ainsi sa capacité à ne jamais prendre en compte la beauté des paysages. De parler à longueur de journée du réchauffement climatique, avec sa litanie de catastrophes inévitables-si-on-ne-fait-rien ; d’horribles pesticides qui nous empoisonnent lentement ; de la biodiversité qui s’appauvrit forcément ; et en général de pollutions toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Mais de beauté, point. Ce discours eschatologique angoisse les habitants d’une planète-déjà-condamnée, tandis que de nouveaux Savonarole nous assomment quotidiennement de procès en comportement éco-irresponsable : le consommateur qui ose occuper la Terre doit se repentir, spécialement s’il est un Occidental. Mais de beauté, toujours point.

On ne niera pas qu’il faille manger sainement, boire une eau propre et respirer un air pur. On souhaite même que toute l’humanité pourra en profiter à bas prix, sans que cela crée des inégalités insupportables entre les peuples. Mais ne peut-on aussi parler de la beauté du monde ? Ne peut-on dire que c’est aussi cela que nous voulons sauvegarder et transmettre ? Que nous sommes certes des animaux, avec des besoins primaires, mais aussi, et avant tout, des êtres doués de sensibilité,


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Février 2020 - Causeur #76

Article extrait du Magazine Causeur




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Maître de conférences à l’université de Paris IV-Sorbonne et à Sciences-Po, spécialiste de l'architecture et de l'urbanisme en France à l'âge moderne (XVIe-XVIIIe) et historien de Paris, Alexandre Gady, 40 ans, défend le patrimoine par tous les moyens existants, notamment dans la revue Commentaire et à titre de vice-président de l’association Momus.

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