Devant la faillite du système éducatif sous contrat, les écoles dégagées des impératifs de l’Education nationale se multiplient.
Les écoles privées hors contrat connaissent, semble-t-il, un succès grandissant depuis déjà plusieurs décennies. Pour comprendre le phénomène et savoir s’il est positif ou s’il faut s’en méfier, il faut d’abord se souvenir de plusieurs points. Le premier est, qu’en France, ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction. On peut tout à fait ne pas envoyer ses enfants à l’école pourvu qu’ils apprennent, d’une manière ou d’une autre, le programme correspondant à leur âge. L’Éducation nationale enverra alors, chez les parents, un inspecteur pour vérifier que cette instruction a bien lieu.
Le second point est que nous sommes dans un régime de liberté scolaire. N’importe qui peut donc ouvrir une école dès lors que sont remplies quelques conditions d’âge, de diplôme, de capacité juridique et sous réserve de diverses déclarations. Si l’école passe contrat avec l’État, alors elle se trouve « sous contrat » et l’Éducation nationale rémunère les professeurs qui doivent alors être pourvus d’un titre d’État, le CAFEP, par exemple. Le coût, pour les parents, est, de ce fait, fortement abaissé. C’est le cas de la plupart des écoles privées, confessionnelles ou non.
Les écoles hors contrat se multiplient
Ce qui est nouveau, c’est que ce sont les établissements hors contrat qui progressent. Jusque récemment, il n’existait pourtant, dans cette catégorie, que les « boîtes à bac », dernier recours pour les élèves exclus de l’enseignement public. On se souvient des Sous-doués passent le bac. Aujourd’hui, c’est bien différent et tout se passe comme si de plus en plus de parents tentaient d’échapper à l’emprise d’une école publique qui n’est plus celle qu’elle était et qu’elle devrait continuer d’être.
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C’était à prévoir, des établissements confessionnels rigoristes, intégristes et surtout islamistes en profitent pour se développer. Le précédent gouvernement – l’actuel paraît cependant dans les mêmes dispositions – a fait voter la loi Gatel (2018) pour se donner les moyens de contrôler la multiplication de ces écoles inquiétantes sans revenir cependant sur la liberté scolaire. Malgré cette loi, les établissements hors contrat se multiplient. Alors que l’on comptait 31 ouvertures d’écoles de ce type par an en 2011, on en dénombrait 122 en 2017.
La prise de conscience des parents
Cette multiplication n’est pourtant pas vraiment liée aux écoles musulmanes ni même aux écoles confessionnelles, d’autant que les écoles véritablement islamistes sont le plus souvent clandestines et parallèles et ne sont pas touchées par la loi. La plupart des écoles hors contrat qui se créent sont majoritairement non-confessionnelles. Il faut donc chercher ailleurs la cause de ce développement et considérer d’abord que ces établissements ont des résultats aux examens – et pas seulement – souvent très bons.
De plus en plus de parents ont pris de conscience de l’importance d’une bonne maîtrise des savoirs essentiels, mais aussi d’une bonne éducation dans un milieu favorable, adapté à l’étude et à l’éducation. L’Éducation nationale, depuis longtemps, est en faillite sur tous ces points ayant fait de l’école un lieu de vie plutôt qu’un lieu d’études. Les parents les plus avertis réclament eux du calme, de la tenue, un certain niveau de langue… sans quoi c’est l’avenir des enfants qui devient incertain. Qui n’a pas fréquenté une bonne école, un bon collège et un bon lycée n’entrera pas dans les formations qui assurent a priori le meilleur avenir. Les bacheliers sont choisis selon le lycée d’où ils viennent, sans considération de la mention obtenue au bac. Tous les lycées ne se valent plus : là est la faillite essentielle de l’Éducation nationale.
Mieux (ou plutôt pire) : la qualité d’un établissement scolaire ne tient pas aux enseignants qui y sont nommés, mais aux élèves qui les fréquentent. Si une proportion importante d’élèves incapables de suivre l’enseignement s’y trouvent, alors les professeurs se verront dans l’incapacité d’enseigner.
Le pédagogisme n’a plus la cote…
Il faut dire aussi que le pédagogisme n’a plus vraiment la cote. On l’approuve toujours, mais pour les enfants des autres. Les parents soixante-huitards qui préféraient leurs enfants heureux plutôt qu’instruits sont passés dans le troisième âge. Fini l’époque de l’enfant qui « auto-socio-construit » son savoir sans avoir à suivre un cours, qui s’exprime comme il veut sans apprendre à s’exprimer comme il faut, etc. Et comme le pédagogisme s’est emparé de la totalité du système éducatif, il faut bien aller voir ailleurs et chercher un établissement qui « fait comme on faisait avant ». Bref, un établissement qui enseigne. Qui enseigne les savoirs, mais qui enseigne aussi les règles de la vie sociale, qui montre qu’apprendre à se tenir, c’est apprendre à se tenir, c’est-à-dire apprendre à être maître de soi. Car savoir se conformer à un modèle, même « cool », est absolument sans intérêt.
Plus personne ne croit plus en l’école. On la sait tombée aux mains des idéologues, eux-mêmes très sensibles aux lobbies de la « libération sexuelle ». Ce dernier point inquiète particulièrement certains parents. Veut-on d’autres arguments en faveur des écoles hors de l’État ? Les enfants juifs doivent pouvoir fréquenter une école sans risques de harcèlement, voire pire. Les enfants issus du Maghreb doivent pouvoir fréquenter des écoles où il n’y ait pas que des enfants issus du Maghreb, les autres familles ayant déménagé du secteur scolaire.
…mais les pédagogistes sont toujours là
Mais l’argument le plus important reste que la même école pour tous, alors que le public scolaire est hétérogène, n’est une école pour personne. Vouloir tous les enfants dans les mêmes classes est une idée généreuse, mais irréaliste, même si le pédagogisme a inventé, dans ce but, la pédagogie différenciée, qui n’est qu’une acrobatie qui va d’échec en échec.
Alors puisque l’école reste entre les mains des idéologues, on ne peut que comprendre ceux qui la fuient. En attendant qu’une véritable école publique soit rétablie, qui accepterait de sacrifier ses enfants sur l’autel de la République ?
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