Par lâcheté, l’université française laisse s’effondrer le niveau général, ferme les yeux sur un islamisme conquérant, sans oublier les fraudes et incivilités de plus en plus courantes. Un naufrage programmé que refusent de vivre certains professeurs.
Parisienne de naissance, j’ai continué mes études supérieures aux États-Unis. J’ai commencé à enseigner alors que j’étais doctorante à l’université de Berkeley en Californie. Les conditions me paraissaient idéales : des classes de 15-20 étudiants, tous très motivés et persévérants, quasiment jamais d’absentéisme ni même de retards. À cette époque, le coût des études n’était pas aussi exorbitant qu’aujourd’hui mais impliquait néanmoins que presque tous mes étudiants eussent un emploi rémunéré le soir, le week-end et pendant les vacances. Aucun ne s’en plaignait et s’absenter ou perturber un cours était pour eux impensable.
« Je m’en fiche de vos cours, moi c’que j’veux, c’est la bourse. »
Berkeley est un campus de tradition progressiste qui milite sur tous les fronts depuis la lutte pour les droits civiques dans les années 1960, et qui reste très engagé dans une politique de discrimination positive : la sélection des enseignants-chercheurs et des étudiants s’opère selon des critères d’excellence mais aussi en fonction de quotas de genre et d’origine ethnique. J’ai assisté, incrédule, à l’émergence de nouveaux départements et cursus universitaires : Gender studies, African-American studies, Asian studies, Native American studies, Women studies et j’en passe. En tant qu’enseignante, il aurait été de bon ton que je sois féministe et, encore mieux, lesbienne (mais hélas, je ne suis ni l’un ni l’autre). Par chance, être blanche n’était pas encore considéré comme un péché.
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Les années passant, je me suis lassée de ce vase clos, dans lequel nous tournions sagement en rond comme des poissons dans un joli bocal exotique. J’ai choisi de rentrer en France pour sa liberté de ton, son irrévérence, son esprit critique. J’ai donc débarqué à Paris, forte de mes illusions, et j’ai intégré un UFR parisien du 6e arrondissement pour enseigner la civilisation britannique et américaine en licence. Et là, j’ai découvert un tout autre monde.
Des classes surchargées (jusqu’à 60 inscrits sur les listes d’appel) mais, m’a-t-on tout de suite expliqué, vu le taux d’absentéisme, je tournerais autour d’une vingtaine d’étudiants ; ce fut le cas, et souvent je terminais l’année avec à peine une dizaine d’entre eux. En revanche, les jours de partiel tout ce petit monde déboulait, quitte à rendre copie blanche, pour la simple raison que la seule obligation pour que leur bourse soit renouvelée est de signer la feuille de présence aux examens. Selon les chiffres de l’UFR et selon les années, jusqu’à 80 % des étudiants en première année ne passent pas en deuxième. Beaucoup redoublent ou triplent leur année. L’un d’eux, que j’interrogeais sur son absentéisme, me fit cette réponse : « Je m’en fiche de vos cours, moi c’que j’veux, c’est la bourse. »
Des élèves incultes et indisciplinés
Il se trouve que la quasi-totalité de ces étudiants est d’origine maghrébine et africaine et que de nombreuses filles sont voilées. Ils intègrent l’enseignement supérieur avec un bac pro, mais sont très vite complètement largués. Certes, ils n’en sont pas les seuls responsables, mais leur maîtrise de la grammaire est médiocre, leur champ lexical pauvre et sans nuances, leur culture générale pratiquement inexistante ; ils s’en rendent bien compte mais s’en fichent complètement, quand ils ne trouvent pas ça plutôt drôle.
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À ma charge donc d’abaisser le niveau d’enseignement pour être audible, mais aussi de leur inculquer les codes de politesse élémentaire : on ne tutoie pas son professeur, on ne fait pas irruption quand le cours est commencé sans frapper à la porte et sans demander l’autorisation d’entrer, on enlève la casquette et les écouteurs, on ne répond pas à des appels téléphoniques en cours (de surcroît en arabe), on ne se déplace pas pour parler à son pote à l’autre bout de la pièce, etc.
Des élèves qui insultent, menacent et trichent en toute impunité
À d’innombrables reprises, ces simples consignes ont donné lieu à des insultes et menaces (allant jusqu’à la formule : « Toi un jour, j’vais t’découper en morceaux »). J’ai fait plusieurs fois appel aux agents de sécurité pour qu’ils évacuent les énervés incontrôlables et menaçants. Lors d’un partiel, en mai, une bande d’excités a exigé avec grand fracas que j’annule l’examen et donne la moyenne à tout le monde puisqu’il faisait trop chaud à leur goût ce jour-là. Cette fois encore, j’ai dû faire évacuer l’amphi par les agents de sécurité. La scène avait été filmée par les caméras de surveillance, mais ma hiérarchie n’a pas jugé utile d’identifier les excités. Une fois de plus, personne n’a été convoqué et aucune suite n’a été donnée. Une autre fois, un étudiant est arrivé avec trente minutes de retard et comme je refusais de lui donner le sujet d’examen et lui demandais de sortir, furieux, il a jeté par terre tout ce qui se trouvait sur mon bureau en hurlant des injures. Les cas de triche avérée pendant les examens sont légion, mais ne sont jamais sanctionnés : selon ma hiérarchie, il est trop compliqué d’organiser un conseil de discipline.
Devant mon inquiétude grandissante d’être agressée quand les cours se terminent tard le soir et que les étages sont désertés, l’assistante pédagogique m’a conseillé de me munir d’une bombe lacrymogène, comme elle.
Islam et confiserie
Peut-être qu’un jour je trouverai le courage de rassembler en une compilation les innombrables moments de confrontation avec la bêtise, l’injure et l’ignorance crasse, sans oublier la lâcheté de ma hiérarchie. En attendant, et pour terminer sur une note plus comique, voici l’histoire du voile et du bonbon. À la fin d’un cours, je me retrouvai seule dans la classe avec deux étudiantes voilées, fraîchement arrivées en France. Affichant un sourire forcé que je tentai de rendre bienveillant, je me risquai à leur demander pourquoi, maintenant qu’elles étaient en France et donc libres, elles continuaient à porter leur voile. Petits gloussements gênés de leur part, puis l’une d’elles se décide à me répondre : « Imaginez deux bonbons : l’un est emballé dans un joli papier et donne envie, mais l’autre n’a plus de papier, il est moche et a déjà été sucé. Lequel choisissez-vous ? »
Ahurie et affligée, j’ai été prise d’un fou rire nerveux et me suis dépêchée de sortir ; elles aussi ahuries, n’ont pas compris ma précipitation.
P.-S. : J’ajoute que bien évidemment j’ai aussi rencontré d’excellents élèves qui m’ont donné le courage de continuer. Mais après vingt années de service, je tire ma révérence et pars m’installer en Italie.