Le programme pour l’école proposé par Éric Zemmour n’a pas tout à fait convaincu notre chroniqueur, qui en sait un peu plus long que le journaliste sur les problèmes de l’Education en France.
Le Z (comme Zorglub) a donc rendu sa copie : l’école sera celle de son enfance, ou ne sera pas. On rétablira le Certificat d’Études en guise d’examen d’entrée en sixième (ignore-t-il vraiment que le redoublement, qui doit être proposé quand il n’y a pas d’autre solution, n’est pas en soi une solution ?), les CPE redeviendront surveillants généraux. Et les élèves porteront une blouse grise — qui n’a jamais été obligatoire par le passé, et qui n’établirait que pour la galerie une égalité sociale qui ne se décrète pas.
Hmm… Il a oublié les coups de règle sur les doigts.
Interdire l’écriture « inclusive », certes. Mais après ?
D’autres propositions méritent que l’on s’y arrête. Supprimer le collège unique est une nécessité — reste à savoir comment on réorganise le premier cycle. Proposer des primes aux enseignants n’est pas absurde, mais ça ne se fera pas sur la base de l’évaluation de leurs compétences pédagogiques (qui en jugerait ?). La seule solution serait d’offrir des primes substantielles (disons 500€ par mois) à ceux qui accepteraient de travailler dans des académies déficitaires. Et à condition d’avoir largement remanié le processus de mutations, en multipliant par exemple les « postes à profil ». Mais c’est sans doute trop technique pour le Z, qui dispose pourtant, m’a-t-il dit, d’une « cellule Éducation » bourrée d’experts compétents.
Quant à l’idée qu’augmenter les salaires, les plus bas d’Europe, elle serait « démagogique », eh bien, essayez de vivre et d’enseigner en région parisienne avec 1500€ par mois : c’est ce que touche un néo-certifié après six ans d’études et un concours qui n’est pas donné…
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Le Z se fait des idées sur l’école privée, « qui fait un boulot formidable » : il est tout aussi contaminé que le public par des idéologies pédagogiques délétères. Il y a du bon et du mauvais privé, du bon et du mauvais public.
Et pour ce qui est de supprimer toute forme d’idéologie à l’école… En mettant un gauleiter derrière chaque enseignant ? En transformant les parents d’élèves en délateurs ? Non seulement la neutralité ne se décrète pas, mais elle est une pure vue de l’esprit, en Histoire ou en Lettres. Interdire l’écriture « inclusive », certes. Mais après ?
L’école devrait se soucier d’enseigner les maths et la grammaire, de réformer les programmes (mais qui les écrira ?) et de mieux former les maîtres « dans des Écoles Normales » : Éric, tu es sérieux ? Qui y enseignera ?
Supprimer les langues étrangères en primaire, certes — mais en expliquant qu’il ne sert à rien d’apprendre une langue quand on ne maîtrise pas la sienne. Bien sûr que j’approuve l’idée d’enseigner à nouveau les classiques. Mais il faudrait d’abord que les enseignants, recrutés dans des filières où on leur a davantage parlé de Lagasnerie que de La Fontaine, soient mieux formés. Et cela suppose une mise sous tutelle de l’enseignement supérieur, voire une réforme des règles de la fonction publique.
Le projet d’un « grand ministère »
L’idée d’un « grand ministère » n’est pas absurde, on devrait réunir Ministère de l’Education et Enseignement Supérieur sous la même houlette. Mais pourquoi vouloir y mêler la Culture ? D’ailleurs, a-t-on réellement besoin d’un ministère de la Culture ? Nous sommes le seul pays à en avoir un, et personne ne nous envie la rue de Valois. Quitte à être libéral, autant laisser les acteurs de la Culture se dépatouiller.
Bien sûr que la prochaine campagne devrait tourner autour de la culture, du sentiment de perte civilisationnelle, de l’identité culturelle. Mais l’école ne changera les choses, au niveau culturel, qu’en une vingtaine d’années au minimum : le temps scolaire est un temps long.
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Et pour cela, il faudrait préciser quel français on veut apprendre aux enfants (celui du Grand Siècle ?), quelles méthodes d’apprentissage de la lecture / écriture seront privilégiées. Et il est inutile de les imposer, 80% des « professeurs des écoles » n’ont aucune idée des méthodes alpha-syllabiques disponibles et hurlent au « caporalisme » quand Blanquer prétend leur imposer (à, Paris déjà) une méthode alpha-syllabique cohérente.
D’ailleurs, déjà que l’on a du mal à recruter des enseignants, quelles mesures, dans ces propositions superficielles, inciteraient un étudiant de Première année à se destiner à l’enseignement ? La promesse de primes en fonction de leur rectitude pédagogique ?
À propos, quid du Bac ? Un programme se lit autant par ce qu’il révèle que par ce qu’il occulte. Le Bac n’est pas tenable en l’état — et quels parents accepteraient des taux de réussite identiques à ceux des années 1960, 60% de réussite parmi des élèves de terminale qui ne représentaient que 20% d’une classe d’âge. Le Bac doit être remplacé par un vrai Certificat de fin d’études attribué à tout le monde — puis on laissera les universités se débrouiller avec les dossiers. Même le système des prépas doit être repensé, il a amené (à Paris particulièrement) des distorsions insupportables sous prétexte d’élitisme républicain. L’élitisme républicain ne consiste pas à regrouper des héritiers à Henri-IV. Il a pour objet d’amener chaque élève au plus haut de ses capacités. Et ça, ça ne se décrète pas, ça se construit.
Ce sont au final les propositions d’un amateur. Zemmour m’a dit disposer d’une « cellule Education » de haute tenue. Eh bien en vérité je vous le dis : ils rateraient l’examen d’entrée en sixième — sans parler de celui d’entrée à l’Elysée.
PS. Je ne commente pas les autres volets de ce programme, je n’ai pas de compétences en économie, ni en sécurité, ni… Contrairement au Z, qui comme les papes dispose désormais de l’infaillibilité.
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