Accueil Édition Abonné L’abandon de la « culture générale » au concours de l’ENA néfaste

L’abandon de la « culture générale » au concours de l’ENA néfaste

Les jurés du concours d'admission ont de bien mauvais retours


L’abandon de la « culture générale » au concours de l’ENA néfaste
© Patrick HERTZOG/AFP

Après avoir renoncé à évaluer la culture générale des candidats, les jurés du concours d’admission à l’ENA prennent conscience de son importance


« Considérer que tous les individus qui sont dans les starting-blocks, prêts pour la course, sont égaux les uns aux autres, relève de l’aveuglement volontaire. Le modèle égalitariste, a-historique, ignore les histoires sociales des individus et notamment leur héritage culturel. Selon les histoires sociales de chacun, sa classe sociale d’appartenance, ses réseaux, les citoyens n’ont pas un même accès à l’information, voire pas accès à la même information, ou encore à de fausses informations. Pour y remédier, nous proposons de faire figurer dans les listes de QCM des concours de la police de la gendarmerie, des pompiers, des fonctionnaires territoriaux, des questions relatives au champ de connaissance des jeunes des quartiers (histoire des banlieues, littérature des banlieues, psychologie des banlieues, cinéma, mondes musulmans…) pour enrichir les concours. »

Ce pénible jargon techno-managérial révèle la logique du projet « progressiste » pour la France. La citation, extraite d’un rapport intitulé «  La République à ciel ouvert  » rédigé en 2004 par Azouz Begag à la demande du Premier ministre Dominique de Villepin, annonçait une tendance de fond : l’avènement en France d’un nouveau modèle de société  multiculturaliste plutôt qu’assimilationniste, et égalitariste plutôt qu’égalitaire. Le discrédit jeté sur la culture générale, considérée comme un instrument de discrimination sociale, a bel et bien été l’un des moyens de détruire le modèle républicain, égalitaire et méritocratique.

Quinze ans plus tard, la suppression d’épreuves qui étaient autrefois un instrument de mesure de l’excellence ne concerne plus seulement le recrutement des forces de l’ordre ou des cadres moyens de l’administration. C’est désormais au sommet de la pyramide du service public, c’est-à-dire à l’École nationale d’administration, que l’on fait disparaître l’épreuve de culture générale, tandis que Sciences-Po supprime purement et simplement son concours d’entrée.

A lire: Touche pas à mon ENA!

Discrimination « invisible »

Dans les années d’après-guerre, les progrès réalisés par les sciences cognitives et la théorie de l’éducation ont permis d’établir une classification des niveaux d’acquisition de connaissance, allant de la mémorisation simple aux plus hautes capacités d’analyse et de synthèse. Or, comme de nombreuses critiques l’ont souligné depuis les années 1960, il est illusoire de vouloir séparer totalement savoir (acquisition d’information) et compétences (les facultés de traiter ce savoir). Tout est intrinsèquement entremêlé comme le fond et la forme, comme le langage et la perception du monde. Pourtant, l’idée d’une séparation entre des compétences – ces dernières étant supposées moins influencées par le milieu


Article réservé aux abonnés
Pour lire la suite de cet article et accéder à l'intégralité de nos contenus
Formule numérique dès 3,80€
Déjà abonné(e)  ? Identifiez-vous

Septembre 2019 - Causeur #71

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Sauver la planète…. en faisant payer les pauvres!
Article suivant Haïkus funèbres
est historien et directeur de la publication de Causeur.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération