Faute de positionnement clair de l’État et de l’Éducation nationale, les maires sont laissés seuls face aux pressions communautaristes. Le cas de l’école musulmane IQRA en est un nouvel exemple.
A Valence les passions se déchainent autour de l’école musulmane IQRA et de la décision du maire de lui vendre un terrain afin que celle-ci puisse quitter l’enceinte de la mosquée Al Fourquane, où elle est hébergée actuellement. Toute l’affaire ressemble fort à une énième histoire de clientélisme électoral où, en échange des voix de la communauté musulmane, la promesse de vente d’un terrain par la mairie sert de monnaie d’échange. Une illustration classique de la puissance des islamistes, ici canal Frères musulmans, et de la faiblesse des édiles locaux. Sauf que beaucoup de choses ne cadrent pas dans le tableau. Et si cette histoire était surtout emblématique de la lâcheté et de l’incohérence de l’État et de ses représentants, qui laisse en première ligne les corps intermédiaires sans leur donner ni les moyens ni une doctrine pour agir ?
Un maire proche de Laurent Wauquiez
A Valence, la situation est différente des banlieues ghettos de la région parisienne où des villes importantes se gagnent avec un différentiel de voix assez réduit et où le « vote musulman » peut faire la différence. Il se trouve en effet que le maire de la ville n’a nul besoin de ce type d’apport de voix pour se faire élire. Aux dernières élections, il est passé au 1er tour, avec un score proche de 60%. L’homme a bonne presse et une forte équation personnelle. Cela se voit lorsque l’on compare son score aux municipales et le score de son parti LR aux élections qui ont suivi. La décrue est nette. Proche de Laurent Wauquiez, lequel est sans ambiguïté au sujet de la lutte contre l’islamisme, sa décision de vendre ce terrain a surpris jusque dans les rangs de LR.
On peut s’interroger sur ce qui amène ainsi des maires qui peuvent se passer de tout clientélisme pour assurer leur réélection à se faire ainsi piéger par les associations cultuelles islamistes. Le cas de Valence est emblématique.
Cette école IQRA, rebaptisée Valeurs et Réussite, dépend de l’association du même nom. Comme souvent dans ce type d’association, l’affiliation à la mouvance Frères musulmans n’est pas revendiquée. Pour voir quels sont les liens de cette association avec les islamistes, il faut creuser ses références, suivre ses leaders, voir les personnalités qu’elle invite et les liens qu’elle tisse. Un travail qui demande une certaine connaissance du milieu islamiste. Connaissances que n’ont pas forcément les élus locaux et employés municipaux. Or, ce sont les services de l’État, ici le renseignement territorial, la préfecture et le ministère de l’Éducation nationale qui sont chargés de les alerter.
Dans le cas de Valence, l’école islamiste existe depuis 2012. Selon une déclaration du maire faite en réponse à l’article de Charlie Hebdo qui a révélé cette affaire, l’école était inspectée chaque année et n’avait fait l’objet d’aucun signalement autre que lié aux conditions d’accueil des enfants. Les rapports étaient positifs quant à l’enseignement. La préfecture quant à elle n’avait jamais alerté sur la proximité du milieu associatif lié à la mosquée de Valence avec les Frères musulmans. Aucune alerte n’avait été donnée et aucun signalement transmis.
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Pourtant il n’était pas bien difficile pour les services de l’État de se rendre compte qu’un petit éco-système islamiste associant mosquée, école et autres associations au sein d’un Collectif pour la Reconnaissance de l’islam était en train de s’organiser. L’âme de ce regroupement est l’imam Abdallah Dlioulah, dont il est très facile de voir les accointances islamistes. Sa participation aux rencontres de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), sa proximité avec le guide spirituel des frères musulmans, l’imam Al Qaradawi, son soutien à un des représentants de la confrérie le plus célèbre, Erdogan, plus récemment à Hassan Iqioussen, ou sa mobilisation en faveur des instituts de formation d’imam (IESH) contrôlés par les islamistes en atteste. Pour autant, l’homme a été invité aux assises de l’instance de dialogue avec l’islam organisées par le ministère de l’Intérieur, en tant que représentant de la Drôme. Difficile donc sur le terrain de se faire une idée claire de l’idéologie des porteurs de projet au vu du silence de l’État et du soutien de l’Éducation nationale.
Dans ce cadre, rien ne permettait au maire de s’opposer à ce que cette école hors contrat poursuive ses activités et achète un terrain pour s’étendre. Les choses sont d’autant plus délicates qu’un discours politique émanant principalement de la gauche alimente l’idée que les musulmans seraient persécutés en France. Or, ce discours de victimisation fonctionne et est repris bien au-delà des rangs des islamistes. Autre problème, là où dans les autres religions les intégristes et les tenants d’une lecture politique de la religion sont marginalisés et déconsidérés, en islam ils tiennent le haut du panier, sont les plus riches et les plus influents, disposent d’états et de finance pour diffuser leur propagande. Ils sont parfaitement insérés dans le tissu communautaire et donnent le la. Les ecosystèmes islamistes mêlent croyants non radicalisés et frères musulmans très bien formés. Ajoutons aussi que les frères musulmans sont de purs politiques. S’il faut surseoir sur le port du voile dans l’école pour arriver à leurs fins, ils le feront, en attendant d’être assez puissants pour imposer leurs règles. D’ailleurs dans l’école de Valence en question, le port du voile n’était pas autorisé.
Une influence aussi subtile qu’efficace
Autrement dit, l’islamisme chimiquement pur n’existe pas et sur le terrain les choses ne sont jamais aussi claires qu’en théorie. L’écosystème associatif musulman de Valence baigne bien dans l’influence islamiste des frères musulmans, mais d’une façon suffisamment subtile pour que sans alerte de l’État, il soit compliqué pour le maire de résister à leurs offensives de séduction et à leurs revendications. D’autant plus compliqué que c’est au nom de la neutralité de l’État et de l’égalité de traitement que les revendications communautaristes sont exprimées. Elles mettent en avant à la fois soupçon « d’islamophobie », donc de racisme, et revendication de prise en compte légitime. Grâce au chantage au racisme systémique et à la réclamation de visibilité, les islamistes se font les porte-voix des musulmans et les interlocuteurs des pouvoirs locaux. Et de fait leur influence dépasse leurs simples rangs. Sans alerte constituée de l’État, les pouvoirs locaux ont peu de moyens de résister. Or, d’alerte de l’État, à Valence, il n’y eut point. Les services se réveillent maintenant car la polémique ayant éclaté, nul ne veut se voir accuser de n’avoir pas fait son travail. Ainsi la préfecture vient d’écrire au maire pour lui demander de revenir sur sa décision au vu des éléments dont il dispose à propos de l’extension de cette école, alors que celle-ci fonctionne avec l’aval des autorités depuis 10 ans…
Lors du Conseil municipal qui devrait avoir lieu ce lundi, le retrait de la délibération litigieuse est à l’ordre du jour, le Maire ayant reçu un avis circonstancié de la préfecture. Il aura fallu une polémique nationale et la crainte pour le ministère de l’Intérieur de se voir accusé de jouer un double jeu et de ne pas faire son travail de renseignement pour que le nécessaire soit fait par l’État. A Valence, ce n’est pas le clientélisme électoral qui explique la faiblesse de réaction face aux manœuvres des islamistes, mais bien la lâcheté et les incohérences de l’État.