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On achève bien la République

Une tribune d'Axelle Girard


On achève bien la République
Une école à Boulogne Billancourt en mai 2020 © Lionel GUERICOLAS / MPP/SIPANuméro de reportage : 00962104_000057.

Les écoles hors contrat ont peur de pâtir de la lutte contre l’islamisme. Une tribune d’Axelle Girard, Directrice d’Educ’France


La mort programmée de la liberté de d’enseignement abîme la République et ajoute aux malheurs de son École.

Interrogé dimanche à une heure de grande écoute, l’actuel ministre de l’Education nationale déclare prendre des mesures concrètes pour éradiquer l’islamisme. Mais ni la loi Gatel, ni l’interdiction planifiée de l’école à la maison et demain peut-être des écoles hors contrat n’auront la peau des islamistes.

Nous avons fait ensemble le rêve collectif et éveillé de l’école publique laïque, gratuite et obligatoire. Mais l’école bien réelle n’a jamais autant échoué à former la jeunesse à la liberté. Quant à la bonne éducation, elle se paye. De plus en plus cher. L’ascenseur social s’est arrêté, et avec lui la puissance assimilatrice de la République, adossée au dessein d’une Nation désormais conspuée par le discours anti-colonialiste, cet autre révisionnisme.

Que s’est-il passé ? La France a cultivé l’Anti-République sur son sol.

Fille aînée de l’Eglise, la France a jeté un voile pudique sur ses racines chrétiennes, alors même que la Chrétienté a été le ciment d’une première « construction européenne » et l’opérateur, symbolique au moins de l’égalité entre les femmes et les hommes. Aucune autre religion n’a pensé aussi clairement cette égalité ontologique entre les sexes.

Révolutionnaire et porteuse des Lumières qui ont pavé le chemin des grandes conquêtes démocratiques tout au long des XIXe et XXe siècles, la France n’a pas repensé le sens concret de la République depuis la rupture majeure de 1905. Le compromis de la laïcité originale de la loi du 9 décembre, celui de la liberté de l’intimité et de l’intransigeance collective et sociale s’est changé en renoncement. Et ce au prix d’une tolérance toujours plus grande à l’égard de l’expression d’un « Islam » parfois dévoyé par des intérêts qui veulent l’instrumentaliser à des fins de déstabilisation.

Enfin, la France n’a pas réussi le pari de l’intégration apaisée des jeunes générations issues des anciennes colonies. Et c’est l’effet conjugué du manque de courage, de la collaboration politique avec des extrémistes religieux, mais aussi et avant tout de politiques paresseuses, sans ambition pour le logement, la Ville et ce qu’il est désormais convenu d’appeler « les quartiers » (autrement dit les ghettos du XXIe siècle).

À ces fautes collectives, culturelle et économique, va-t-on ajouter une faute politique en s’attaquant une fois de trop à la liberté d’enseignement, au prix peut-être de la survie de l’école publique ? Interdire l’école à la maison, s’attaquer à la simple liberté de pouvoir y recourir, ou non, sans faire appel à un médecin de l’Education nationale pour attester la situation particulière de son enfant n’a pas de sens. Sinon celui de porter un coup symbolique mais décisif à la liberté d’enseignement qui participe étroitement de la République.

Des dizaines de milliers d’enfants ne peuvent pas aller à l’école. Et pas uniquement pour raisons de santé. Rares sont les familles qui rejettent le principe de contrôles effectifs, réguliers et aptes, en l’état actuel des choses, à détecter les situations à problème.

S’il faut se réjouir des apports de la loi Gatel en matière de sérieux – donc de crédibilité – des écoles hors contrat, force est de constater qu’ils n’ont pas empêché le maintien de certaines « écoles », ouvertes malgré les décisions de justice de les fermer, ni le développement de structures clandestines, ni même et c’est extraordinaire, l’emprise de mouvements sectaires apparemment bien sous tous rapports, par le biais d’associations déguisées et de financements complexes.

Qu’on ne s’y trompe pas. S’attaquer à l’instruction à domicile, qui concerne 50 000 familles, c’est précipiter des centaines de milliers d’enfants dans les bras de l’école publique, minée par des classes déjà trop chargées et des problèmes toujours plus inquiétants d’inadaptation du système scolaire au profil d’enfants à besoins particuliers.

C’est aussi porter un coup fatal à la liberté d’enseignement puisque, derrière l’arbre de l’école à la maison, c’est l’ensemble du hors-contrat qui est visé à plus ou moins brève échéance, quoiqu’en dise un Ministre qui, un jour invite les parents à se regrouper pour créer des écoles, le lendemain vante les mérites d’une loi qui rend plus complexe l’ouverture de ces écoles…

N’en déplaise au Ministre de l’Éducation nationale : la Constitution reconnaît et organise la liberté d’enseignement. L’école à la maison et le hors-contrat en font partie. L’ennemi à combattre n’est pas la liberté, ni la République. C’est le séparatisme islamiste !



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Directrice d'Educ’France et directrice du développement de la fondation Kairos à l’Institut de France.

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