Même si certaines de ses pistes de réforme sont discutables, le nouvel essai de Jean-Paul Brighelli, en tête des ventes, nous permet de sortir de la torpeur et des propos convenus sur l’éducation.
Il faut lire Brighelli. Encore ? Oui. Encore. Pourquoi ? Parce que lire Brighelli, c’est refuser la cécité, même la plus extrême, celle que l’on a envers soi-même. Dans L’école à deux vitesses, l’auteur nous donne à voir des faits, abrupts, sur l’implacable machine à reproduction sociale qu’est ce système scolaire, qui, pourtant, se rêve émancipateur.
Euthanasie pour le baccalauréat !
Chaque responsabilité y est disséquée et je ne vous cache pas que, parfois, il y a dans sa prose un côté gommage au papier de verre mais, après un temps de cicatrisation, vous en sortirez le teint frais. Ainsi, si chacun de nous ose, comme l’auteur nous y invite, sortir des postures idéologiques et du confort de sa routine, il verra un chemin possible vers l’amélioration. Il faudra, cependant, avant d’analyser les solutions qu’il propose, se frotter au miroir qu’il nous tend.
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Si vous êtes un frileux de la dilution, soucieux de l’entre-soi social, qui s’illusionne sur le mérite scolaire de « mon chéri, mon cœur » élève à Louis-le-Grand ou Henri-IV, vous vous honorerez en lisant attentivement le factuel et dense chapitre sur la question de la discrimination positive. Si vous pensez avoir enfanté un génie depuis sa mention au bac, ça va un peu tanguer dans le passage qui prône l’euthanasie de ce diplôme devenu « fiction ».
Bête et obéissant
Si vous êtes un enseignant, il vous faudra avoir l’honnêteté de reconnaître que votre connaissance du système vous a permis de sortir votre progéniture de la nasse où s’embourbe la très grande majorité de vos élèves. Vous devrez aussi oser regarder ce que la définition que nous donnons du « bon élève » a pu produire d’effets pervers. N’avez-vous pas souvent valorisé l’élève sage et « scolaire » plus que tendu la main à l’atypique au potentiel caché ? Et vous, ne serait-ce donc pas cette part docile et conforme de vous-même qui vous aurait permis de vous retrouver désormais sur l’estrade de la classe ? Pire encore, ce goût pour l’obéissance ne serait-il le terreau fertile sur lequel ont grandi sans résistance tous les renoncements qui ont mené l’école au bord du gouffre : programmes indigents, diabolisation de l’évaluation, appétence pour le ludique et l’événementiel plus que pour le Savoir et l’effort ? Enfin, votre goût du consensus et de la paix sociale ne vous ont-ils pas conduit à mollir de la posture sur le plan laïcité ?
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Gommage au papier de verre vous dis-je, car Brighelli, ce n’est pas pour les chochottes. Il y a même un passage d’une très grande violence : peu de lecteurs se remettront de la lecture du sujet proposé récemment en français au concours de professeur des écoles. Constater qu’il ressemble aux dictées-questions de votre CM2 de 1965 est un vrai uppercut. Mais au-delà de tout cela, il y a bien plus. Vous allez pouvoir lire ce dont des années de pilotage par effet d’annonce et courte vue vous ont privé : des propositions fortes. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’adhérer, je ne souscris pas à toutes moi-même, tout en partageant l’intégralité des constats de l’auteur. C’est précieux des pistes. C’est de l’espoir. Soyez pour ou soyez contre, mais lisez-les. Pour que vive la réflexion. Pour sortir de la torpeur intellectuelle et des propos convenus. Parce que la parole « d’un ancien voyou des quartiers Nord de Marseille », ça vous secoue les neurones.
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