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Être ou ne pas être, en avoir ou pas?

Le billet de Dominique Labarrière


Être ou ne pas être, en avoir ou pas?
Image d'illustration.

Jusqu’à présent, les personnes transgenre devaient importer leurs sous-vêtements des États-Unis, en les commandant sur internet, apprend-on. Heureusement, en France, la marque Be Who You Are, qui propose des « sous-vêtements d’affirmation de genre », se décide enfin à « casser les codes ».


L’opportunisme marchand étant à peu près sans limites, voici que vient de se créer une ligne de sous-vêtements destinés aux personnes trans, celles et ceux qui se trouvent confronté(e)s aux affres de la « dysphorie de genre ». Selon la définition du Groupe Hospitalier Universitaire Paris (GHU, psychiatrie et neurosciences), « le terme dysphorie de genre décrit le sentiment de détresse ou de souffrance qui peut être exprimé parfois par les personnes dont l’identité de genre, l’identité sexuée ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance. » Préalablement le GHU rappelle la notion de base selon quoi le sexe renvoie aux « caractéristiques physiologiques qui différencient les hommes et les femmes, alors que le genre renvoie davantage à la dimension sociale et culturelle de la sexuation: les rôles, les comportements, tous les attributs qu’une société considère à un temps donné comme appropriés à un sexe. »

Ricanements

Il ne s’agit pas ici, bien évidemment, de contester le moins du monde le fait que se sentir homme dans un corps de femme ou femme dans un corps d’homme puisse être cause de mal-être, de souffrance, et que comme toute souffrance celle-ci nécessite un accompagnement, éventuellement une prise en compte et en charge. C’est l’évidence même. Dès lors, considérée de ce point de vue, il n’y a rien à redire quant à l’initiative « cache sexe » des promoteurs de la ligne de sous-vêtements « Be who you are », en bon français « Soyez ce que ce vous êtes »1. Des sous-vêtements dont le port permet, par compression des protubérances mal venues, de modifier l’apparence genrée de la personne. (Un esprit taquin et outrageusement réactionnaire pourrait faire observer que nous serions donc là plus près du «  Soyez ce que vous n’êtes pas » que du « Soyez ce que vous êtes »).

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Cachez ces seins que nous ne saurions voir et aplatissez-moi, je vous prie, ce renflement obscène de l’entrecuisse, voilà schématiquement l’enjeu. Je suis probablement en retard d’une civilisation ou deux car j’en étais resté à ce qui avait cours autrefois, dans mes jeunes années. À l’inverse, les gamines avaient plutôt tendance à bourrer de coton leur soutien-gorge afin de se Maryliniser et on considérait que le renflement pubien avantageux des danseurs étoiles relevait de la même arnaque. Sans oublier bien sûr celui si généreusement mis en avant du torero, qui donnait lieu celui-ci à cette plaisanterie inusable et très fine qu’on se colportait en ricanant bêtement: « C’est là-dessous qu’il planque les piles pour l’habit de lumière ». Autres temps, autres mœurs, dirons-nous.

Tous victimes de la société

Là où on ne songera plus guère à ricaner c’est à la lecture de la définition évoquée plus haut, concoctée par les éminences dites scientifiques du GHU Paris, et qui assène sans autre forme de justification, d’argumentation que « l’identité de genre, l’identité sexuée » ne relèverait aucunement de l’état de nature  – en avoir ou pas – mais à une « assignation » qu’exercerait dès la naissance la très perverse société, distributrice des rôles, des comportements, des attributs pour la seule satisfaction de supposés besoins.

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On touche alors à l’essentiel de la doctrine, du dogme : il faut absolument une victime et un coupable. Un opprimé et un oppresseur. Le reste ne serait que (mauvaise) littérature. La vérité de la nature ne compte pas. Au lieu de promouvoir l’apaisante acceptation de cette vérité de nature, et donc l’harmonie toute simple et indolore entre sexe et genre, on s’ingénie à cultiver le terreau du mal-être, de la souffrance. La souffrance pour tous, puisque tout être naissant et grandissant se voit désormais plus ou moins sommé de se poser un jour ou l’autre la question : être ou ne pas être, suis-je ce que je suis ? Ou m’a-t-on délibérément abusé, violé dans mon être même en me serinant dès la sortie du ventre de ma mère : «  tu seras un gars ma fille, ou tu seras une fille mon gars ! » Comme si l’adolescent, l’adulte en devenir ne portait pas en lui, avec lui, assez de doutes, d’incertitudes de questionnements comme cela sans aller lui en fabriquer un de plus – et de quel calibre !- tout à fait artificiellement, tout au moins dans l’immense majorité des cas ? Il faudrait quand même que nous nous mettions à nous interroger sérieusement sur ce penchant très actuel qui consiste à tout mettre en œuvre pour tourner le dos aux quelques chances que pourrait avoir notre humanité d’être une humanité heureuse. Enfin, un peu plus heureuse. C’est-à-dire davantage à l’écoute de la nature, pas seulement pour la sauvegarde du coléoptère des mares à canards, mais avant tout pour le petit d’homme. Il le vaut bien, comme il est dit dans la réclame.


  1. https://www.causeur.fr/wp-content/uploads/2024/04/communique-be-who-you-are.pdf ↩︎



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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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