Né sous X-Men
Vous trouvez Bond trop plan-plan. Le petit trapu Daniel Craig a beau rouler des mécaniques, le mythe sent la naphtaline. 007 est à ranger au rayon des antiquités. Cet agent secret en survêt ressemble à un retraité de la Silicon Valley : il conduit une Aston Martin et boit des vodka-martini sous les palmiers à l’heure où ses anciens collègues entrent en réunion commerciale. Ce sexagénaire bien conservé qui continue à raconter les vieilles blagues de Q au bar de la piscine est pathétique. Le permis de tuer ne fait décidément plus peur aux ménagères. Le réalisateur Matthew Vaughn, à qui l’on doit le tonitruant X-Men Le commencement, a versé des amphétamines dans le cocktail des espions à papa. Kingsman : Services Secrets fait exploser le genre convenu du film d’espionnage agrémenté d’une course-poursuite et d’une scène bâclée au lit. Le puritanisme américain n’aime ni les seins, ni les excès de vitesse. Vaughn aime tous les délires pourvu que ça pète en vol. Il a poussé l’exercice au paroxysme de l’action et du divertissement. Ce Tarantino élevé aux hormones bastonne pendant deux heures. Quelle dérouillée ! On craignait l’overdose et on en redemande. Les coups de feu (ça mitraille sec !) et les coups de pied (Bruce Lee leur dit merci) ne connaissent aucun répit. Si Kingsman n’était qu’un film d’effets spéciaux et de gros bourrins, il n’aurait aucun intérêt. Colin Firth, Samuel L. Jackson et Michael Caine ne font pas de la figuration. Ils ont de vrais rôles. Les méchants sont vraiment très méchants et les gentils peuvent vous pourrir la vie. En résumé, c’est l’histoire d’Eggsy (Taron Egerton), un jeune délinquant, qui croyait que les types en costumes de Savile Row étaient d’insipides cadres de la City et qui se rend compte que leur péché mignon, ce n’est pas le bridge mais le « free-fight ». Mention spéciale à Sofia Boutella dont le jeu de jambes est à couper le souffle !
Kingsman : Services Secrets de Matthew Vaughn – DVD Fox France
L’espion qui venait du Sud
Quel plaisir de revoir Roger Hanin dans cette pantalonnade de 1966 à mi-chemin entre Les Barbouzes et Le Coup de Sirocco. On ne dira jamais assez combien le Gorille de la Casbah était un acteur subtil à la présence solaire et au charme oriental. Il pouvait tout jouer, même avec l’accent pied-noir. Il est bon aussi que les plus jeunes d’entre nous aient une autre image en tête de l’acteur que celle d’un Navarro perdu dans sa tour de Chinatown. Carré de dames pour un as reprend les vieilles ficelles de l’espion français assailli par des jeunes femmes. C’était sexiste à souhait, délicieux de maladresses et adorable de naïveté. Jacques Poitrenaud pratiquait un cinéma à l’ancienne dans la veine des Eddy Constantine de la grande époque, avec un soupçon de OSS 117, le tout dialogué par un Dabadie grivois. C’était aussi le temps béni des coproductions où chaque pays imposait son actrice nationale. On ne perd pas au change : Laura Valenzuela représente l’Espagne, la divine Sylva Koscina l’Italie et la toute jeune Catherine Allégret la France ! Si vous aimez l’Andalousie (le tournage s’y est déroulé), Gainsbourg (il a composé la musique du film et on le voit à l’écran furtivement) et les Brigades du Tigre (François Maistre, le célèbre commissaire Faivre joue le rôle d’un malfaisant), vous serez comblé. Vive le cinéma d’avant !
Carré de dames pour un as de Jacques Poitrenaud – DVD LCJ Editions
Cet obscur objet du désir
« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander » pourrait résumer Zouzou, le film très réussi de Blandine Lenoir, sorti sur les écrans en fin d’année 2014. Mais, ce serait à la fois réducteur et mensonger, car la référence à Woody Allen manque de profondeur et de perspectives historiques. Le new-yorkais reste toujours en surface des choses, il tourne autour sans s’en emparer vraiment. Zouzou ne manque ni de fond, ni de burlesque. Il se tient à califourchon sur le fil des sentiments, entre pudeurs extrêmes et expressions franches, libératrices du désir. Blandine Lenoir, tout en nuances et force, sait parler des femmes, de toutes les femmes et de tous les âges (fait rarissime en ces temps de jeunisme cinématographique). On aurait pu craindre un cinéma militant, vaguement culpabilisant et sentencieux. La brillante réalisatrice a opté pour le ton de la comédie sans renier ses engagements. Dans une maison de campagne, une mère, Solange, la soixantaine, se retrouve face à ses trois filles (Agathe, Marie et Lucie) et sa petite fille de 14 ans (Zouzou). Elles vont parler à leur manière d’un sujet tabou : la sexualité. Très habilement, Blandine Lenoir dresse le portrait intime de plusieurs générations et renverse les stéréotypes. Et les hommes ? Ils ne sont pas absents. Olivier Broche, impeccable comme toujours, et Philippe Rebbot, grande révélation du cinéma français depuis Mariage à Mendoza, apportent une touche de douceur dans ce monde de « brutes ». Quant aux actrices, citons-les toutes, Laure Calamy, Jeanne Ferron, Nanou Garcia, Sarah Grappin et Florence Muller, elles sont terribles !
Zouzou de Blandine Lenoir – DVD Blaq out
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