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Duteurtre, tel quel


Benoît Duteurtre.

Après avoir trempé une première fois Les pieds dans l’eau de ses souvenirs, Benoît Duteurtre nous livre un nouveau récit autobiographique. Etant né en avril 1976, j’étais à l’évidence prédestiné à aimer L’été 76. Il n’y a guère avant lui que Shakespeare dans Richard III – « Now is the winter of our discontent made glorious summer by this sun of York » – qui se soit risqué à évoquer le soleil de mon premier été. Tandis que je me familiarisais alors avec mon statut d’estivant primo-arrivant et que ma mère me faisait boire trois litres d’eau toutes les demi-heures, Duteurtre était déjà un jeune caïd catholique baignant dans les joies naissantes de son seizième été.

« Je venais de rater le grand prix du Charme. » Dès les premières lignes, en quelques mots, nous reconnaissons à coup sûr le charme et l’humour inimitables du style de Benoît Duteurtre. « L’absence d’attraction physique mutuelle nous rapprochait. » Qui d’autre que lui peut évoquer de cette façon son premier amour ? L’écriture de Duteurtre ressemble à une course-poursuite dans laquelle la nostalgie et l’auto-ironie se pourchassent tour à tour l’une l’autre, comme deux inlassables comparses.

Dans L’été 76, il réveille et peint avec une émotion pudique et beaucoup de force évocatrice le bouillonnement inquiet de l’adolescence, cet instant de grâce fragile où, de grands enthousiasmes en violents abattements, une personnalité humaine unique prend forme peu à peu. Au cœur du récit, un premier amour inattendu et atypique. Non seulement le jeune Benoît aime une femme, mais en outre celle-ci est une intraitable militante anarchiste, un peu plus âgée que lui, dont il admire la rigueur et la sévérité. Cette époque est décidément surprenante : le jeune homme est encore certain qu’il deviendra médecin de campagne, il est fasciné par Pierre Boulez, invente les aventures d’un Zarathoustra hippie et écrit des poésies plus hermétiques que Mallarmé dans sa période zébrée.

Hélène est un ouragan révolutionnaire qui s’abat délicieusement sur le jeune chrétien de gauche pacifiste et modéré, sans le gagner toutefois entièrement à sa cause. Leur amour possède un lieu privilégié. Leur communion sensuelle s’accomplit dans la découverte exaltée des arts : la littérature, la musique, la peinture, l’aventure des avant-gardes, qui sont la chair de leur chair. « Mon sentiment pour elle n’était pas exactement platonique : ce désir de sensualité frissonnante voulait seulement rester à la surface des choses ; il supposait l’effleurement et la suggestion plutôt que l’affrontement et l’étreinte. »

Au creux de L’été 76, Duteurtre raconte la naissance d’une sensibilité et ses premiers pas d’écrivain. Il évoque ses lectures de Giono en pleine nature, ses rencontres avec Monet, Debussy et Led Zeppelin. Sa fidélité à « un mélange de luxe et de vie pastorale ». La révélation de sa vocation d’ermite hédoniste, chez qui l’hédonisme ne rime pas avec l’avachissement mais avec le travail et l’amour héroïque et profond de la légèreté et de la forme.

Dans un « postlude songeur », Duteurtre nous confie son rêve de vie éternelle : la poursuite sans fin de cette splendide vie boiteuse, une délicieuse éternité de prose.

L'été 76

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