Dupont-Aignan : petit souverainiste deviendra grand?


dupont aignan debout la républiqueObnubilés par la victoire du FN  et les déboires des deux grands partis « de gouvernement », les analystes politiques ont un peu mis de côté les résultats des 28 (!) autres formations politiques ayant concouru en France, parmi lesquelles Debout la République,  de Nicolas Dupont-Aignan, qui a pourtant réalisé un score honorable.

Dupont-Aignan est courageux. Énarque, sa carrière au sein de l’UMP était toute tracée et son ancrage local (député-maire de Yerres depuis 1997) lui donnaient une assise pour faire entendre sa voix au sein du parti. Ses candidatures à la présidence de l’UMP en 2002 puis 2007 en sont la preuve.

En 2005, il s’illustre déjà dans la campagne sur le Traité constitutionnel européen, en étant l’un des seuls chantres assumés du « non » à l’UMP, s’attirant des inimités dans sa famille politique. Il a d’ailleurs si mal vécu l’adoption du Traité de Lisbonne, qu’il la dénonça en 2008 dans son livre Le coup d’Etat simplifié[1. Dans lequel il expliquait notamment : « Il (le traité de Lisbonne) est en réalité la reprise à 100% – voire à 110% – d’une Constitution Giscard rejetée massivement par le suffrage universel. Ainsi, adopter cette Constitution-bis par le Parlement reviendrait tout bonnement à faire entrer nuitamment par la fenêtre ce qui a été congédié au grand jour par la porte.]

Las des guerres de clan et ne voulant pas se ranger derrière Sarkozy, il assume ses différends idéologiques et quitte le parti en 2007 pour fonder Debout la République. Depuis, isolé au sein de l’Assemblée nationale, il siège avec le statut ingrat de non-inscrit, symbole de son parcours politique. Fort de ses opinions tranchées, il est peut-être l’héritier le plus fidèle du gaullisme, ce qu’il aime à rappeler sans pour autant en faire un pin’s sur sa veste comme beaucoup d’autres.

Vu la méfiance grandissante vis-à-vis de l’Europe et des grands partis, son positionnement idéologique  aurait dû lui permettre de faire un bon score aux européennes. Malgré cela, à 20h dimanche, Dupont-Aignan ne fanfaronne pas. Il se félicite d’avoir doublé son score de la présidentielle, mais semble comprendre que  ceux qui évoquent un séisme politique ne parlent pas de lui….

Tenant de la ligne traditionnelle eurosceptique de droite, il survit dans l’ombre d’un FN qui phagocyte le camp souverainiste. L’honneur a donc été sauf mais NDA fait toujours cavalier seul, sans que cela soit une stratégie. Il a en effet tenté de fusionner ses listes avec celles du MRC, mais des désaccords importants ont fait échouer le projet. De nouveau, il n’était pas parvenu à rassembler derrière son nom les forces souverainistes.

La place laissée par Chevènement, Séguin ou d’autres est en train d’être prise par Marine Le Pen. Pourtant, à déchiffrer leurs programmes respectifs dans une élection européenne qui transcende les enjeux nationaux, le Front national et Debout la République paraissent proches. Sur la question monétaire d’abord, sur celle de la dette aussi, et même sur la prudence face à l’immigration non-maîtrisée. Sauf que, si les électeurs arrêtaient leur vote à la lecture de programmes des différents partis, ça se saurait. Il a, pour inverser la tendance, tenté plusieurs coups de com’ à l’image de son road-trip avec la kalachnikov avant le scrutin européen, sans que cela ne s’avère payant, même si ses meilleurs scores se trouvent chez les jeunes, démontrant sa compatibilité avec l’ère de la politique spectacle. Il a aussi enchaîné beaucoup de plateaux télé, bénéficiant indirectement de l’ouverture du débat lié à ce qu’on appelle la « dédiabolisation » du Front.

Mais le problème demeure. Dans l’imaginaire, DLR est perçu comme un FN sans les « petites blagues » de Jean-Marie – qui permettent aux frontistes « old school » de se sentir toujours un peu chez eux – et la gouaille de Marine.

Face à cette situation difficile, la stratégie de NDA n’est pas claire. Il faut dire que le dilemme est terrible : s’il lui est difficile de ne pas s’allier avec le FN, il semble non moins difficile de le faire sans y perdre son âme et sa spécificité gaulliste. Surtout au regard du rapport de forces entre les deux formations…

Pourtant, NDA a essayé un rapprochement avec le Front, s’adressant à ses électeurs sur Radio Courtoisie fin 2012. Cela fut un coup d’épée dans l’eau, son intervention se révélant anachronique autant sur la forme que sur le fond, puisque les auditeurs de Radio Courtoisie sont plutôt du vieux noyau du parti alors que le nouvel électorat du FN se compose essentiellement du« peuple de gauche ».

La meilleure stratégie serait peut-être celle du « gaullisme social » pour Dupont-Aignan, expérimenté sans grand succès en 1981 par Michel Debré. Refusant toute compromission sur ses idées mais maladroit dans ses tentatives d’alliance, bien que NDA aime rappeler à ses détracteurs que le FN a mis quinze ans avant de peser politiquement, il serait peut-être temps que Debout la République ressemble plus à une ruche qu’à un one-man show.     

Photo : WITT/SIPA/00682080_000016.



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