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Robert de Montesquiou, le «baron de Charlus» dans le texte

"Du snobisme", Robert de Montesquiou (Editions Le Chat Rouge, 2022)


Robert de Montesquiou, le «baron de Charlus» dans le texte
Portrait de Robert de Montesquiou (détail) par Giovanni Boldini (1897). Musée d'Orsay D.R.

Pour le lecteur du XXIème siècle, la figure du comte Robert de Montesquiou-Fezenzac (1855-1921) ne survit qu’au prisme de Marcel Proust, dont le génie fit, comme chacun sait, de cet aristocrate mondain et fortuné le modèle du « baron de Charlus ». Personnage dont les lubies, les vices et les foucades traversent, à la fois pathétique et désopilantes, de part en part La Recherche du temps perdu. Ses traits, par ailleurs, ont eu la chance insigne de se voir immortalisés dans un tableau fameux de Giovani Boldini (1842-1931), peintre à la patte tout à fait Belle-Epoque, auquel le musée du Petit Palais consacrait cette année même une intrigante exposition. Conservée au musée d’Orsay, la toile représente Montesquiou en 1897, cheveux ondulés, cravaté de noir, ganté de gris, une canne à pommeau en main, le regard hautain, ses fines moustaches relevées préfigurant celles de Salvador Dali.

Imbu de son sang bleu

On a du mal à croire que cet insupportable dandy si imbu de son « sang bleu », plus snob qu’un concierge, plus vaniteux qu’un paon et plus « folle » qu’une drag-queen fut, en son temps, le centre du monde – ou plus exactement de ce qu’il est convenu d’appeler « le grand monde ». Du beau monde, notre homme en connaissait – de Huysmans à Sarah Bernhard, de Gustave Moreau à Whistler, de l’orfèvre René Lalique au céramiste Emile Gallé –  mais il était surtout fort connu, lui, et non seulement connu mais reconnu, fêté, admiré de tout le Faubourg Saint-Germain.

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Les Editions Le Chat Rouge ont une spécialité : exhumer patiemment, avec un soin bibliophile devenu rare aujourd’hui, toute une littérature « fin de siècle » délicieusement faisandée (à commencer par celle, longtemps sous-estimée, d’un Jean Lorrain). Voilà donc que paraît, sous le titre Du snobisme, un recueil de textes de Robert de Montesquiou, qui s’étagent de 1897 à 1912. Avec, en guise d’amuse-gueule, sous le titre inspiré « Le Grand –Paon à l’œil Rose », une copieuse préface pleine d’esprit signée Gérard Duchemin. Certes, l’éditeur ne s’en cache pas : c’est là « un ouvrage entièrement de notre main ». A savoir un pot-pourri de textes piochés dans l’œuvre composite du cousin de la comtesse Greffulhe. Des aphorismes, un hommage au peintre Aubrey Beardsley, une ode à William Blake, une célébration de Lalique et de Galllé, sans compter quelques proses amphigouriques au raffinement superlatif (Les Hortensias bleus, Le Lapidaire et le Refuge des dieux, sur Gustave Moreau, ou encore Les noces d’argent de la voix d’or, dédiée à Sarah Bernhard)…

Rien ne l’arrête

Pour vous donner une petite idée du style extraordinairement fleuri auquel sacrifiait cet esthète de la langue, on ne résistera pas à citer, entre cent, un passage : «  Et ce sera, Madame, l’une des pages les plus colorées et odorantes de vos récits de voyages qui nous seront promis, que ce lac lointain, tout chargé de barques et de musiques voguant et jouant pour vous, sur une eau si jonchée de fleurs que tout l’azur en disparaissait lui-même, noyé sous des pétales de roses ».

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Autant dire que quand il se lâchait, le Montesquiou, rien ne l’arrêtait ! Le littérateur se pensait poète. Du recueil baptisé Les Chauves-souris, la préface extrait deux strophes liminaires, qui font office de programme :

« Je suis le souverain des choses transitoires/ Etant le courtisan du Rare et du Ténu ; / L’Infinitésimal, en mon terme, a tenu, / Et, des mutations, je dirai les histoires. 
J’immobiliserai ce qui vibre un instant :/ L’arc-en-ciel qui s’efface aussitôt qu’il se bande ; / Et cette poudroyante et blonde sarabande/ De l’atome léger dans le rayon sautant »

On en redemanderait ! À quand un volume des « poésies complètes », au Chat Rouge ? En attendant, à défaut de nous rassasier, cette modeste anthologie met l’eau à la bouche.

Du snobisme. Robert de Montesquiou. Editions Le Chat Rouge. En librairie depuis le 25 août.

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