En quelques dizaines de pages à peine, Enzensberger, philosophe et poète allemand qui a le bon goût d’être l’anti-Habermas, s’intéresse aux années Capone à Chicago. Comme il l’avait fait à propos du nihilisme russe dans Les Rêveurs d’absolu, il s’intéresse aux rapports désespérément consubstantiels de la politique et de la violence.
[access capability= »lire_inedits »]Chicago Ballade est à la fois un récit qui se lit comme un roman noir, mais aussi une réflexion sur l’étrange popularité dont bénéficia Capone, qui n’était jamais qu’un psychopathe doué pour les affaires. La thèse d’Enzensberger mérite qu’on s’y arrête : au-delà du folklore féodal propre au crime organisé et qu’il décrit ici parfaitement, Capone et sa bande étaient paradoxalement les garants d’une certaine paix sociale et d’une respectabilité bourgeoise qui rassura à une époque où le mouvement ouvrier américain prenait de l’ampleur.
Il montre aussi que la mafia, dans ses buts comme dans sa méthode, semble être un concentré chimiquement pur de l’économie de marché. Et de reproduire cet étonnant témoignage d’un professeur de l’université de Chicago : « Les entreprises de Capone correspondaient aux idées légales et morales des habitants. La situation était simplement la suivante : il existait une demande de certains biens et services qui ne pouvait pas être satisfaite dans le cadre de la légalité. C’est à ce moment que Torrio et Capone surgirent, et ils ont fait du bon travail. »
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