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DSK, politique prisonnier


photo : World Bank Photo Collection

Nous étions partis pour écrire un billet léger, avec une attaque humoristique, appelant le lecteur à fredonner une chanson impérissable, composée par une nonne belge, connue sous son nom d’artiste : Sœur sourire. Le succès de la jolie ritournelle, qui parle d’un certain Dominique, fut planétaire, mais le sort de son infortunée auteur-compositeur-interprète, désespérant ! Toujours est-il que, jeune scout de France, le mollet ferme, le col ouvert, nous aussi, nous allâmes par les chemins, déchiffrant les signes de piste, et chantant à tue-tête, avec la patrouille : « Dominique, nique, nique… ». Le brave aumônier, qui accompagnait nos pérégrinations (ce n’était pas l’abbé Cottard), n’y voyait pas malice, et reprenait au refrain, de sa belle voix de baryton Martin : « nique, nique ». Le soir, sous la tente, nous échangions des histoires sales…

Bref, nous souhaitions rire, malgré tout, de la très vilaine affaire, qui vient de salir la réputation, jusque-là flatteuse, du mâle français, passé brutalement du niveau d’un Don Juan aimable, à celui d’un prédateur de la domesticité hôtelière. Mais le cœur n’y est plus ! L’image de Dominique S-K, sortant d’un commissariat de Harlem, le visage exsangue, menotté dans le dos, a refroidi notre causticité naturelle.

Cependant, comme demeurait en nous, inassouvi, le désir de nuire à nos contemporains, nous avons pensé, avec un lâche soulagement, aux très nombreux affligés et affligeants personnages, qui se succèdent depuis dimanche matin, sur les plateaux des chaînes de télévision. Voyez Martine Aubry, par exemple : elle devrait absolument postuler à un rôle de figuration, dans la prochaine adaptation cinématographique de « L’attaque des robots », tant elle nous paraît incarner la formule, fameuse, du regretté Henri Bergson, à propos du processus comique : du mécanique plaqué sur du vivant. Comme figée dans la représentation idéale de l’accablement humain, Mme Aubry, plus « mère » de Lille que jamais, semblait contempler le spectacle d’une désolation intérieure, à côté de laquelle le dernier tsunami japonais est une vaguelette de baignoire ! Dans sa grave déclaration, elle appela « à la décence nécessaire », pria les socialistes de « rester unis et responsables », puis rassura les Français : « Nous sommes là, les socialistes, pour [vous] entendre, pour [vous] comprendre, pour apporter des réponses à [vos] problèmes. ». Faut-il commenter cet effrayant maternalisme ?

La palme de l’accusation radicale, de l’exécution en place publique, revient à Bernard Debré. Sur son blog, le député parisien dénonce DSK avec une brutalité de type vichinskien[1. Andréï Vichinsky (1902-1954) fut le plus redouté des procureurs, sous le règne de Staline] : « […] c’est un homme peu recommandable […] ». Puis, s’adressant au réprouvé de Harlem (sans désir) : « Vous allez peut-être être condamné à une peine de prison. Bravo ! ».

Certes, les journalistes « spécialisés » n’ont pas déçu nos espérances ! Tous annoncèrent la probable absence, dans la course à l’Élysée, du candidat de la « fabrique ». Poursuivant leur chimère d’une République entièrement sous contrôle, ils formèrent le chœur de la déploration : ils se lamentèrent sur la probable absence du favori des sondages, du héros de la classe médiatique. Ils persistèrent dans l’idée que l’homme de Washington devait passer triomphalement les médiocres obstacles du suffrage universel. Sourds et aveugles, ils encensèrent une pure abstraction, une créature numérisée, imaginée par une officine de communicants, servie par des apparatchiks, affamés de postes et de prébendes.

Nous retiendrons, évidemment, les prestations des excellences du Parti socialiste. Sans aucun doute « briefées » tôt dans la matinée, elles présentaient toutes le masque de stupeur de ben Laden, au moment où les navy seals s’invitèrent dans sa chambre à coucher. Elles allaient répétant que ce qu’elles savaient du comportement privé de leur champion, le plaçait naturellement au-dessus de tout soupçon. Le présumé « Harlem globe niqueur » était donc la victime, sinon la dupe, d’une manière de complot, fomenté par l’Internationale des droites !

Mais le meilleur de tous, selon nous, fut l’ineffable Bruno Roger-Petit. Dimanche soir, il démontra, devant un journaliste du Figaro, à i-Télé, une mansuétude, à laquelle ses billets vengeurs et très bêtes du Post.fr ne nous avaient pas accoutumés ! Il en appela à la prudence, à l’examen minutieux des faits, aux possibles rebondissements. Il s’offusqua de l’hallali, il railla l’opprobre, il s’indigna de l’anathème. Fort bien ! Nous invitons simplement Roger-Petit à s’appliquer à lui-même ces excellents préceptes. Que ne les a-t-il suivis, lorsqu’il lançait, chaque jour, des accusations venimeuses contre Éric Woerth, alors qu’il ignorait tout du degré de culpabilité de ce dernier dans les affaires où il était mis en cause. S’est-il découvert une vocation de moraliste ? Il convient de démontrer, dans cette discipline de l’esprit, un talent qu’il ne possède point. En revanche, il a toutes les qualités d’un moralisateur. Bas de gamme.



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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