Certes, nous ne sommes pas au bout des rebondissements. Certes, la situation peut évoluer de jour en jour. Mais certains lecteurs ont peut-être le sentiment, que les révélations sur les turpitudes de Mademoiselle Diallo ont mis à mal toute l’architecture de leurs raisonnements dans l’affaire DSK. Inutile de tourner autour du pot: c’est une sensation très désagréable. La femme de chambre serait une menteuse ? La belle affaire. Qui va s’occuper de tous ceux qui accusaient DSK, à présent ? Bien que l’heure soit grave, je ne vois aucune raison de céder à la panique. En matière de mauvaise foi, rien n’est jamais perdu. Voici quelques conseils simples qui devraient permettre à tout un chacun de s’en sortir honorablement en société.
1. La première et la meilleure solution consiste à rappeler que le rapport sexuel a bien eu lieu. C’est la tactique dite du hérisson : on se referme sur le fait. Au cas où l’interlocuteur ironiserait sur le caractère non délictueux du rapport sexuel consenti, le mieux est de passer aussi vite que possible à la phase suivante : celle de la posture gaulliste. Dites que vous vous faites une certaine idée de la fonction présidentielle, et que DSK vous a beaucoup déçu sur ce plan. Un candidat un tant soit peu respectueux des Français devrait quand même pouvoir ne pas sauter sur tout ce qui bouge, non ? Cette tactique vous permettra d’établir une remarquable continuité morale avec vos convictions précédentes, et, à ce stade, toutes les continuités sont bonnes à prendre.
2. La deuxième solution consiste à reporter la faute sur les médias. Comment peut-on se fier aux journalistes ? Un jour c’est blanc, un jour c’est noir. Ou plutôt : un jour c’est le Blanc, un jour c’est la Noire. Impossible d’émettre un jugement personnel correct dans ces conditions. Cette position repose sur une donnée incontestable, mais elle frôle le dépit, et l’aveu de faiblesse. C’est pourquoi il convient de l’éviter face à un pro-DSK coriace.
3. Une solution beaucoup plus osée consiste à avouer son propre immoralisme. Attention: je n’ai pas dit son erreur. Dites qu’il y a en vous un lyncheur, un homme tenté par les instincts les moins nobles de l’humanité. Comme DSK n’est pas un saint, lui non plus, vous voici déjà à égalité. Cette tactique du combat contre l’angélisme est très intéressante. Elle devrait vous offrir une marge argumentative confortable face aux culs bénis de sa réhabilitation.
Evidemment, toutes ces indications ne sont que des pistes. Le lecteur de bonne volonté pourra toujours allonger la liste en fonction de ses propres aptitudes à l’argutie. Quoi qu’il en soit, je pense que les anti-DSK devraient trouver dans cet exercice une occasion de se délivrer du stress consécutif à cette bien mauvaise nouvelle… Il va sans dire que les pro-DSK sont également invités à témoigner du culot de leurs adversaires. Qu’ils se rencontrent donc. Et rappelons-nous que la mauvaise foi est un sport : l’important, c’est de participer…
PS : au cas où vous seriez coincé, soit parce que vos déclarations antérieures ne laissent aucun doute sur votre positionnement anti-DSK, soit parce que votre interlocuteur est bien meilleur que vous – ce qui, hélas, peut toujours arriver – rien ne vous empêche de tourner toute l’affaire en dérision. C’est la technique préférée du geek. En ce cas, faites comme @afleurot, allez sur Tweeter et écrivez ceci : « DSK avait 7 téléphones portables. Diallo en à 5. Ça nous en fait 12. Et dire qu’on cherche toujours le mobile de cette histoire ».
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