S’adressant aux militants de son parti, Éric Ciotti écrit : « En ouvrant la voie à une alliance capable de rassembler tous les Français qui partagent de vraies valeurs de droite, je sais que j’ai porté la voix d’une majorité d’entre vous ». Ce matin, il avait fait fermer les portes du siège des LR et donné ordre aux permanents de quitter les lieux à 12 heures. Parmi les LR les plus outragés, on trouve en réalité des citoyens français dont le gaullisme est tout relatif… Analyse.
À quelques jours du 18 juin, en plein séisme politique, et alors qu’Éric Ciotti appelle à une alliance du Rassemblement national avec son propre parti, il est de bon ton, semble-t-il, de se réclamer du gaullisme, — mot magique en France ! —, principalement pour se donner bonne conscience et justifier toutes les outrances, les injures même, proférées contre le plus courageux, le plus honnête et le plus intelligent des Républicains.
« Le gaullisme, c’est d’abord un homme »
Conséquence immédiate de la chute du niveau scolaire ? — nul ne paraît vraiment connaître De Gaulle précisément, et chacun se réclame de sa pensée comme si elle était la bonne, la juste, la vraie, celle qui insuffla l’esprit de résistance, contre l’autre aux relents totalitaires. Mais au fait, parmi ceux de nos politiques se prévalant de l’esprit gaulliste, pour rejeter par principe (et sans autre argument) tout accord avec le RN, combien seraient capables de justifier les liens troubles du général avec l’Action Française ?… Surtout, combien ont lu ses Mémoires, et la passion de la France qui s’y déploie, par-dessus tous sentiments, tous partis, et parfois toute morale ?… s’il vivait aujourd’hui, ceux-là mêmes qui pensent assumer son héritage élèveraient contre lui le cordon sanitaire, afin de s’en protéger !
De Gaulle en vérité, tel Bonaparte avec qui on l’associe parfois, caractère d’une époque plutôt qu’intemporel théoricien, est principalement réductible aux circonstances particulières qui le firent agir. « Le gaullisme, c’est d’abord un homme », affirmait à la radio l’historien Arthur Chevallier le 20 mars dernier, avant de rappeler les dangers d’un élargissement de sa pensée trop systématique.
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S’il fallait pourtant définir le gaullisme absolument, il tiendrait en trois mots, qui constituent également la matrice de l’incipit fameux de L’Appel, premier tome des Mémoires : ce serait donc, d’abord et avant tout, « une certaine idée de la France. » Cette idée, plus précisément, c’est la France ne pouvant s’épanouir qu’au premier rang ; c’est la France devant demeurer grande sous peine de danger de mort, car « seules de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ». De Gaulle, dans la lignée de nos rois de France, de Richelieu ou de Bonaparte, avait parfaitement assimilé l’histoire de son pays, histoire d’un peuple divisé fier au-delà de tout, qui se délite avec le déclassement de ses élites, et que seule une centralisation égalisatrice permet de contenir ; c’est pourquoi le premier président de la Cinquième République ne dissociait pas la grandeur de notre patrie, de son unité.
Des LR outragés dont le gaullisme est tout relatif
Pour la grandeur de la France et pour son unité, De Gaulle était prêt à tout : témoin ce qu’il fit pendant la guerre ! Plusieurs fois, il refusa de céder aux conditions que ses alliés espéraient lui imposer, au risque de les perdre irrémédiablement — parce que ces conditions touchaient à l’indépendance même de son pays. Et lorsqu’il fallut s’allier avec la Russie de Staline, pour sauvegarder les intérêts de la nation, il n’hésita pas.
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Or, qui porte aujourd’hui un discours vraiment patriotique ? Qui ose encore se proclamer nationaliste, et préfère sans ambiguïté à l’Europe fédérale l’Europe des Nations ? Qui s’inquiète de la disparition de l’identité française, et de la submersion migratoire ? Qui s’émeut d’une division civilisationnelle sur notre propre sol ? Qui désire le plus ardemment que la France retrouve la place qui devrait être la sienne, au premier rang ?
Jadis Marie-France Garaud, décédée récemment, ou Philippe Séguin ; aujourd’hui, force est de le constater, les partis du Rassemblement national, de Reconquête, et maintenant Éric Ciotti avec ceux qui le suivront, plutôt que ces Républicains outragés dont le gaullisme est tout relatif, parce qu’ils associent le nationalisme à la guerre, et préfèrent, aux alliances stratégiques, des déclarations de principe héritées des élucubrations de la gauche mitterrandienne.
Messieurs les Républicains, lisez donc, ou relisez les Mémoires du général De Gaulle ; et si, comme Emmanuel Macron, vous pensez toujours que Nicolas Sarkozy est l’héritier de De Gaulle, et que le RN, d’extrême-droite, n’est pas la droite républicaine, rejoignez les rangs de Renaissance, ce parti atlantiste, anti-national et multiculturaliste : promis, on vous y accueillera les bras grands ouverts !