Le magazine L’Incorrect vient de réussir un joli coup, autant médiatique que politique.
Et qui a fait parler avant même la sortie en kiosque du numéro de mars du mensuel. Dans celui-ci, L’Incorrect mène un grand entretien réunissant les figures de la jeunesse des partis situés « à droite » d’Emmanuel Macron. La « jeune droite », puisqu’il faut bien l’appeler ainsi, et même si le terme de « droite » est précisément l’un des sujets de ce débat, est interviewée par Arthur de Watrigant, Wandrille de Guerpel et Jérôme Besnard. Elle évoque ses divergences et convergences sur tous les grands sujets du moment.
À tout seigneur tout honneur, Pierre-Romain Thionnet, 28 ans, président du Rassemblement national de la Jeunesse (RNJ), présenté comme un gaulliste social, a la tâche de représenter ici la principale force politique située à la droite de la majorité gouvernementale dans l’hémicycle (88 députés). Révélation de la jeunesse politique de la campagne présidentielle passée, Stanislas Rigault, 23 ans, est le président de Génération Zemmour et porte-parole de Reconquête ! dont il continue à porter le message malgré les déconvenues politiques du candidat Eric Zemmour. Enfin, Guilhem Carayon, 23 ans, porte-parole du parti Les Républicains (LR), après avoir été nommé à ce poste par son président Eric Ciotti, est défini comme libéral-conservateur, et vient d’une longue tradition familiale de droite (RPR puis UMP). Retraites, système de santé, éducation, immigration, Ukraine, tous les sujets sont abordés, permettant de se faire une idée bien précise des positionnements de chacun.
Sur la réforme des retraites, une alliance LR-Reconquête
Sur la réforme des retraites, Pierre-Romain Thionnet détaille la ligne qui est celle du RN dans la bataille. Il se montre catégoriquement opposé à la réforme gouvernementale, pointant les nombreuses injustices qu’elle porte, démontrant par le menu qu’elle n’est pas indispensable, détaillant les diverses autres pistes de financement existantes (démographie, productivité, réindustrialisation et lutte contre le chômage, notamment). Guilhem Carayon et Stanislas Rigault, eux, se disent tous deux favorables au principe du report de l’âge de départ à la retraite. Même s’ils y mettent toutes les nuances, et émettent quelques propositions alternatives, ils soutiennent évidemment, comme leurs partis respectifs, la réforme qu’Emmanuel Macron tente actuellement de faire adopter. Par soucis comptables principalement. La dette et les déficits chroniques (commercial comme de l’État) nous y obligeraient, par souci de préserver notre souveraineté, selon eux. Ce sera le point crucial sur lequel on observera une divergence nette entre le dirigeant du RNJ et les porte-parole de LR et Reconquête !
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Tous trois sont d’accord pour faire de la réindustrialisation de la France une priorité. Et même, pour mettre en œuvre une politique nataliste. Guilhem Carayon déplore : « Nous avons la natalité la plus basse depuis 1946 ! » Une politique « fasciste », en somme, pour Sandrine Rousseau et ses acolytes de la Nupes. Oui, c’est ainsi qu’ils l’ont décrite, lorsque des députés du RN ont récemment proposé cette orientation…
Santé, école et… immigration
Les trois jeunes sont également d’accord pour déplorer l’état dramatique de notre service hospitalier, même si Pierre-Romain Thionnet rappelle opportunément à Guilhem Carayon que les réformes néolibérales engagées par les gouvernements RPR-UMP des années 2000 portent une lourde responsabilité dans ce délabrement des services publics de santé.
La question de l’éducation arrive ensuite, et l’on s’aperçoit que chacun tombe spontanément d’accord pour affirmer que la politique d’immigration de ces dernières années est la principale cause du dysfonctionnement majeur que connaît l’Éducation nationale. Cachez cette réalité que Pap N’Diaye ne veut pas voir ! Ainsi, la politique d’immigration arrive spontanément et rapidement sur la table lors de ce débat : l’esbroufe perpétuelle de la « politique d’immigration » de Gérald Darmanin est mal perçue par MM. Thionnet, Rigault et Carayon, aucun n’y accorde le moindre crédit. En 2022, Emmanuel Macron vient de décrocher le record historique d’immigration légale entrant en France (325 000 immigrés légaux), et l’invasion migratoire semble fatalement devoir s’amplifier.
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Pierre-Romain Thionnet souligne que le RN n’avait aucune divergence programmatique avec Reconquête sur la question migratoire, durant la campagne présidentielle, hormis la question des prénoms. On perçoit bien, y compris chez Guilhem Carayon qui appartient à une droite plus modérée, une réelle conscience que l’avenir de la France se joue sur cette question de l’immigration légale. L’on ne peut qu’espérer dès lors que leurs partis respectifs se décideront enfin à l’arrêter, une fois arrivés au pouvoir.
Sur l’Ukraine, la droite gênée ?
La question ukrainienne arrive, enfin, et la gêne se fait palpable sur ce sujet. Signe peut-être de la séduction profonde sur la droite qu’ont exercé depuis 2000 le virilisme d’un Vladimir Poutine et la fierté russe retrouvée face à une globalisation américaine peu conforme à l’esprit de la droite française « tradi ». MM. Thionnet, Rigault et Carayon sont évidemment d’accord pour condamner l’invasion russe et soutenir l’Ukraine. « Sans armes offensives » pour Pierre-Romain Thionnet. « Sujet compliqué » pour Stanislas Rigaut. « Pas de solution facile » pour Guilhem Carayon. La droite française est bien emmerdée. Mais subsiste néanmoins l’espoir que la Russie pourra réintégrer la famille européenne « dans 15 ou 20 ans », pour Pierre-Romain Thionnet.
Sauver la France
Le bilan d’Emmanuel Macron est désastreux, c’est entendu. Pour la suite, Guilhem Carayon pense à Laurent Wauquiez, à qui il tresse les plus beaux lauriers. Pour Stanislas Rigault, l’avenir passe par une coalition des trois forces, à l’image de la spectaculaire victoire remportée en Italie par Giorgia Meloni, laquelle a su rassembler Matteo Salvini et Silvio Berlusconi dans un gouvernement d’union. Pierre-Romain Thionnet forme également l’espoir qu’ils se retrouveront tous sous la même bannière pour battre Emmanuel Macron et son successeur. On réalise que ces jeunes-là se connaissent, se comprennent, s’estiment, s’apprécient et qu’ils ont en commun d’avoir pleinement conscience des défis que la France doit affronter. Et l’on se dit que des divergences économiques sur la réforme du système des retraites ou des questions de personnalités pour incarner une candidature commune pèsent finalement bien peu à côté du devoir de sauver la France.
Le président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, s’est insurgé depuis contre la une de nos confrères
Mais la réalité des LR nous rattrapant, au galop, on se dit qu’il reste encore un peu de travail à faire chez ces derniers. Avant même la parution de l’entretien, le président LR du conseil départemental de l’Essonne François Durovray demandait la démission de Guilhem Carayon de son poste de porte-parole, suivi par la vice-présidente LR de la région Grand Est Valérie Debord… Pendant ce temps, Jordan Bardella, interrogé par France Inter, répondait qu’il souhaitait effectivement le rassemblement de tous les patriotes, le plus large possible. Bardella est légitime pour le demander : des trois partis impliqués dans la dernière présidentielle et participant à cet entretien, rappelons que c’est LR qui a fini à 4%…
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