Orban, Salvini, Bolsonaro… La déferlante conservatrice est en train de submerger le monde. Ce réveil, souvent religieux, peut être vu comme une bouffée d’air frais mais devrait aussi inquiéter…
Salvini en Italie, Orbán en Hongrie, Kurz en Autriche, Trump aux États-Unis et maintenant Bolsonaro au Brésil : la liste des hommes forts de la droite s’allonge chaque année en Occident. Le retour du balancier a été déclenché. Résurgence du politique, des souverainetés nationales, des grands mouvements de convergence : impossible de ne pas y voir une certaine renaissance.
Ne nous y trompons pas : la droite conservatrice déferlera probablement sur le monde dans les prochaines années. Le phénomène ne se limitera pas à l’Occident, et les empires comme la Chine et la Russie y verront sans doute une douce consolation. Une revanche sur le libéralisme postmoderne, dénaturé par la gauche, et sur le monde dépolitisé qu’il a créé. Une revanche sur des pays qui ont fait l’erreur de négliger le rôle de la culture pour leur propre survie. Le retour du politique, c’est aussi le retour de l’Est dans l’histoire.
Un réveil religieux
La remontée des droites aura des avantages et des désavantages. Dans l’ensemble, le réveil du conservatisme ne se fera pas sous le signe de la laïcité (comme parfois en France), mais sous celui de la religion. L’élection de Bolsonaro au Brésil en témoigne : le nouveau président s’est appuyé en grande partie sur la montée des églises évangéliques.
Au Brésil, les chrétiens évangéliques sont passés de 6 % à 22 % en 30 ans. En 2010, ils étaient 43 sur 200 millions. Les évangéliques sont encore plus nombreux aujourd’hui, et le Brésil demeure le pays catholique le plus populeux au monde. Malgré sa foi peu visible, Trump peut toujours compter sur le vote de nombreux chrétiens évangéliques, baptistes et autres. En Hongrie, Orbán en a déjà appelé à l’établissement d’une « démocratie chrétienne du XXIe siècle ». Quant à Salvini et Kurz, ils peuvent aussi compter sur un électorat plutôt religieux, ce qui n’a rien d’étonnant.
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Le maire évangélique de Rio, Marcelo Crivella, est maintenant connu pour son opposition au Carnaval de Rio, l’un des grands poumons économiques de la ville. Un événement que le maire considère comme un « festival de la chair », bref comme une orgie païenne à proscrire. À l’atmosphère pornographique succède la tentation de l’ordre moral. On dit que les contraires s’attirent. En voilà une autre manifestation.
Un baroud d’honneur ?
C’est loin d’être nouveau : où qu’ils soient, les conservateurs peuvent toujours compter sur la religion lorsque vient le temps de soulever les passions. En Occident, la christianophobie ambiante est parfaitement condamnable, mais le discours politico-religieux, teinté de morale, ne l’est pas moins. Dans le monde musulman, c’est encore plus évident : l’islamisme n’est rien d’autre qu’une révolution conservatrice. Au Brésil, une frange du mouvement évangélique multiplie les sorties contre les personnes homosexuelles. Après les puritains de gauche abreuvés au politiquement correct, revoici les puritains de droite – ou quand une morale fait directement place à une autre.
En Europe et en Amérique du Nord, la gauche s’est souvent acoquinée avec l’islamisme depuis Khomeiny, faisant d’elle une alliée objective des extrémistes. Mais certaines droites baignent encore dans un esprit théocratique, ce qui soulève des enjeux importants pour la liberté individuelle. Le retour du politique est une excellente nouvelle pour tous ceux qui souhaitent que les sociétés occidentales reprennent le contrôle d’elles-mêmes. Mais s’il prend la forme du romantisme ensorceleur, ce retour pourrait avoir des relents anti-libéraux. Il reste toutefois à voir si ce n’est pas un combat d’arrière-garde, c’est-à-dire un assaut final, vigoureux et vif, avant la mort de notre civilisation.
La gauche plaide non-coupable
Sans grande surprise, la gauche a déjà commencé à nier. « Mais non, je n’y suis pour rien, je suis trop bonne et vertueuse », clame-t-elle un peu partout dans le monde. « C’est en me reportant au pouvoir que nous pourrons mater cette impure révolte populiste », aime-t-elle encore nous rappeler. Comme si les peuples étaient incapables de prendre la mesure de son cuisant échec. C’est bien le monde créé par la gauche postmoderne qui est en train de s’effondrer. La sagesse populaire reprend du galon. Pour le meilleur et pour le pire.
Le soir même de l’élection de Bolsonaro au Brésil, un tout autre événement a retenu l’attention au Québec. Lors d’une grande remise de prix musicaux à la télévision, un jeune artiste habillé en sâdhu indien a inséré son trophée dans sa bouche, imitant ce qui se voulait être une fellation. Dénommé Hubert Lenoir, le jeune lauréat incarnait tout ce qu’il y a de faussement subversif dans la gauche actuelle. Tout ce qu’il y a de révolutionnairement conformiste, mais décadent en elle. Devant la survivance de ce « progressisme » soutenu par l’élite, doit-on vraiment s’étonner de la montée du conservatisme dans le monde ?
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