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Droite: Bellamy, tête de liste et tête de turc

Qui n'est pas de droite aujourd'hui ?


Droite: Bellamy, tête de liste et tête de turc
François-Xavier Bellamy, Paris, 2020. ©NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Face à Marion Maréchal et Jordan Bardella, la talentueuse tête de liste LR aux élections européennes va vite devoir sortir les griffes et briller dans les polémiques politiciennes pour espérer se faire une place.


Qui n’est pas de droite aujourd’hui ? Ce titre ne se veut pas provocateur. Il exprime mon impression derrière la multitude des antagonismes souvent dérisoires qui encombrent la vie politique et font le miel de l’espace médiatique. À bien observer, si nous n’avons hélas pas encore une droite du courage, en revanche le courage de se dire de droite n’en est plus un. Tant cette identité qui mêle libéralisme et pensée conservatrice est devenue celle qui semble le plus correspondre au réel et à la politique qu’il devrait imposer pour une France redressée dans tous ses états. Cette conviction n’est pas contradictoire avec l’abus ridicule, vide de sens, de l’appellation « extrême droite », qui prétend placer sous un pavillon unique une diversité intellectuelle et partisane impressionnante. Elle n’est destinée qu’à favoriser la paresse des analyses et le conformisme des dénonciations. Je l’affirme d’autant plus volontiers que je ne me sens pas totalement partie prenante de cette droite qui sur les plans politique et médiatique, me fatigue trop souvent par sa prévisibilité et son manque d’audace. Plus apte à pourfendre, quelquefois brillamment, la gauche qu’à se constituer comme espace autonome et vraiment mobilisateur.

RN, LR, Reconquête: la guérilla permanente

Si je n’avais pas le sens du ridicule, je continuerais à me qualifier d’anarchiste de droite, tant cette dénomination, conciliant ma vision du monde et de la société avec mon désir d’intelligente subversion, me semble de loin la plus appropriée à l’état d’esprit d’un certain nombre de concitoyens. Ils ont pour dénominateur commun de croire au pouvoir de la politique et à la politique qui serait mise en œuvre par un pouvoir courageux, efficace et exemplaire.

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Rien ne me paraît plus absurde que cette guérilla permanente qui oppose Les Républicains, le Rassemblement National et Reconquête!. On sait que l’union des droites demeurera une aspiration inconcevable pratiquement, tant que les positions extrêmes d’Eric Zemmour seront un défi au caractère opératoire que doit avoir tout programme, que la présence de Marine Le Pen (malgré le formidable déblayage éthique et historique qu’elle a réalisé) interdira un rapprochement qu’elle ne souhaite pas et que la droite classique continuera à camper dans un refus peureux, persuadée par la gauche que ce que François Mitterrand a accompli avec le parti communiste, elle n’a pas, elle, au moins à le tenter. On voit un parfait exemple de cette aberration avec la campagne des élections européennes où le seul souci de Jordan Bardella est d’inciter François-Xavier Bellamy à changer de cap ; en laissant croire que les Républicains n’ont qu’un petit pas à faire pour rejoindre le RN, ce qui est faire bon marché du talent, de l’intelligence, de la constance et du bilan de celui qui a été désigné enfin comme tête de liste des LR. On constate que les qualités intrinsèques de Marion Maréchal et sa lucidité se sont dégradées depuis qu’elle est à Reconquête! et que malgré les rapports de force et de rivalité qui auraient surgi avec son maintien au RN, elle aurait mieux fait de ne pas le quitter et de le faire progresser de l’intérieur. Quand elle s’aventure à dénier à Bruno Le Maire, à Gérald Darmanin, à Marine Le Pen et à Jordan Bardella d’être des personnalités de droite pour ne créditer de ce label que Reconquête!, elle exagère. Elle se trompe également quand elle déclare que « François-Xavier Bellamy devrait logiquement être avec nous » (Le Figaro). De quel préjugé tire-t-elle cette accusation selon laquelle, après les élections européennes, LR rejoindrait le macronisme ? Elle n’en sait rien et leur prête une attitude équivoque que pour l’instant rien ne confirme…

Les Républicains loin de mourir ?

Je perçois que cette attitude bizarrement commune de deux adversaires à l’encontre de LR, n’a pour finalité que d’essayer de réduire encore davantage l’espace de ce parti, comme s’il était voué à l’étouffement entre ces deux forces dont l’une pour l’instant est largement en tête et l’autre en difficulté. Il reviendra à François-Xavier Bellamy de sortir ses griffes et d’accepter ce que les débats politiques, pour être efficaces et convaincants, imposent de vulgarité et de polémiques. Cette impossibilité aujourd’hui, à l’exception d’accords sur le terrain vite disqualifiés par la hiérarchie de LR, de songer à une union des droites, n’empêche pas cette famille politique largement entendue, avec son centre et ses extrémités, d’être prépondérante dans notre démocratie.

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Il est fini le temps où, qualifiée de la « droite la plus bête du monde », elle faisait tout pour justifier cet opprobre. Les Républicains ont beau être moqués qu’ils réussissent ou échouent, ils n’en restent pas moins l’incarnation, contre des adversaires inégalement importants qui aspirent à les absorber, d’une philosophie politique qui devrait se faire une gloire de savoir concilier humanisme et rigueur, cohérence et pragmatisme. Dans la forme j’ai apprécié la révolte d’une certaine droite face au grotesque ostracisme qu’on souhaitait faire subir à Sylvain Tesson, choisi pour parrainer le printemps des poètes. Tout ne passe plus, elle se rebiffe. Sur le fond et pour l’organisation, hommes, femmes et idées, j’ai parfois l’impression d’une France qui attend d’être représentée par un grand et vrai parti de droite. Orpheline mais emplie d’espérance.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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