Non contentes d’appeler à la délation généralisée, les militantes associatives exigent que dans les affaires de harcèlement, le législateur inverse la charge de la preuve, une des pierres angulaires de notre droit et de nos libertés.
À un conseiller qui l’interrogeait sur le remboursement de la contraception, le général de Gaulle avait répondu : « La République ne s’occupe pas de la bagatelle. » Les temps ont bien changé et, de nos jours, la République ne semble plus vouloir s’occuper que de bagatelle.
L’Etat, obsédé sexuel
Sous l’influence du multiculturalisme, du néoféminisme et du militantisme LGBT, la sexualité est devenue l’obsession de l’État et de sa législation. Donnant raison à Philippe Muray qui voyait dans l’envie du pénal la torsion normative de l’envie du pénis, notre droit est chaque jour davantage envahi de normes sexuelles : droit du travail, droit de l’éducation, droit de la santé, droit civil, droit commercial, droit administratif, droit de la presse et de la communication et, bien sûr, droit pénal, il n’est pas un domaine du droit qui ne soit touché par cette inflation. La « lutte contre » tel ou tel fléau sociétal est devenue omniprésente dans le discours juridique et il n’est pas un projet ou une proposition de loi qui, le plus souvent sous la pression d’associations militantes autoproclamées représentantes de « victimes », ne comporte pas les termes « lutte contre » dans son titre ou dans son exposé des motifs. L’intersectionnalité des luttes s’est ainsi incrustée dans le droit contemporain pour y corrompre tous les principes républicains.
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Il conviendrait, en effet, que les Français prennent conscience que les lois de notre pays, ainsi d’ailleurs que les normes européennes dont beaucoup de textes nationaux ne sont que le servile recopiage, sont très largement dictées à nos représentants par des lobbies de toutes sortes. Il n’y a pas que les groupes d’intérêts économiques et sociaux qui tiennent, en France, la plume du législateur, il y a aussi des associations militantes vindicatives et sectaires défendant des intérêts purement catégoriels, ou du moins ce qu’elles prétendent être l’intérêt des personnes dont elles s’érigent unilatéralement en mandataires. On ne compte ainsi plus les associations qui prétendent porter la parole des femmes et défendre leurs intérêts alors que leur représentativité est nulle et que leurs dirigeantes n’ont évidemment jamais été élues par personne.
Non, fixer une personne, lui faire un compliment sur son physique ou lui dire « Mademoiselle, vous êtes charmante » n’est pas du harcèlement
La composition des organes de ces associations, qui s’infiltrent dans tous les rouages de l’appareil d’État, révèle souvent des personnalités acariâtres et énervées, marquées par un fort ressentiment personnel ou des expériences douloureuses qu’elles soignent par un acharnement militant tendant à transformer leur vécu subjectif en combat objectif. Les procédés utilisés sont souvent très discutables, voire franchement malhonnêtes : production de résultats d’enquêtes opaques et approximatives, affirmations mensongères ou clairement erronées, chiffres déformés, études biaisées, sondages effectués à partir de questions et d’échantillons truqués, falsification d’informations par action ou par omission, commentaires abusifs et déloyaux. Les responsables d’associations féministes qui défilent ces temps-ci dans les médias, pour nous expliquer doctement ce qui est ou n’est pas du harcèlement sexuel, prennent manifestement leurs désirs pour des réalités juridiques qu’ils ne sont pas.
Non, fixer une personne, lui faire un compliment sur son physique ou sa tenue ou lui dire « Mademoiselle, vous êtes charmante » ou « Vous habitez chez vos parents ? » n’est pas du harcèlement, contrairement à ce que ces militantes indiquent sur leur site ou dans les campagnes publicitaires qu’elles diligentent. Qui sait que la première définition du harcèlement sexuel, censurée en 2012 par le Conseil constitutionnel, avait été écrite par une association féministe d’une parfaite opacité ? Qui sait que la seconde définition, inspirée du droit européen et comportant encore une rédaction très contestable au regard des principes fondamentaux du droit pénal, a été proposée par cette même association ? Qui sait encore que l’amendement prescrivant l’inéligibilité des personnes condamnées pour propos « racistes, sexistes, homophobes et handiphobes », récemment censuré par le Conseil constitutionnel, avait été rédigé par la Licra, qui harcèle les autorités publiques depuis fort longtemps pour obtenir cette mesure liberticide ? La loi dite de « moralisation » de la vie politique a fait l’impasse sur cet énorme phénomène de privatisation de la législation française par des groupes d’intérêt qui constituent certainement le principal fléau des démocraties contemporaines. Ceux-ci profitent généralement de la caisse de résonnance médiatique pour exploiter et instrumentaliser n’importe quel fait divers en jouant sur la corde émotionnelle, compassionnelle et parfois stupide d’une population ignorante et totalement dépourvue de culture politique et juridique, à laquelle l’on fait ainsi gober n’importe quel storytelling extravagant et mensonger comme, par exemple, celui de l’affaire Sauvage.
La « fièvre cafteuse des agitées du porte-plaintes »
Depuis la « révélation » totalement inintéressante du comportement sexuel grossier d’un producteur de cinéma américain (qui aurait fait l’objet d’une prétendue omerta que chacun s’accorde pourtant à qualifier de « secret de polichinelle »), nous avons le droit à un déferlement de haine stupéfiant dans tous les médias. La « fièvre cafteuse des agitées du porte-plaintes » (Philippe Muray) a pris des proportions d’autant plus terrifiantes que les harpies qui s’y adonnent prétendent comme il se doit parler au nom « des femmes » et jettent donc sur la gent féminine en général un discrédit épouvantable. Nous devrions sérieusement redouter que cette hystérie n’aboutisse à l’assimilation de toutes les femmes à de méchantes gorgones tout juste bonnes à dégueuler des crapauds et des vipères sur leurs téléphones portables. L’on ne peut s’empêcher de rapprocher ce torrent de boue du cas de la fameuse Femen qui avait simulé un avortement avec un foie de veau dans l’église de la Madeleine… La violence et la haine militantes n’ont plus de bornes. Une femme aussi, ça s’empêche !
Mais surtout, il se tient sur le sujet un discours juridique délirant qui s’aggrave chaque jour, tandis que les autorités politiques se laissent manifestement complètement déborder. L’on a pu assister en direct à la castration cathodique du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, sommé de ravaler ses scrupules moraux et de se dédire de façon minable et pathétique. De même a-t-on vu le garde des Sceaux se laisser apostropher par une poissonnière hystérique au sujet de l’imprescriptibilité des délits sexuels sur mineurs et n’oser répondre timidement qu’en invoquant un « risque d’inconstitutionnalité » présenté comme un obstacle technique, alors que la prescription est évidemment est l’un des principes essentiels de la philosophie pénale libérale. Les prétendus « débats de société » prennent des allures de café du commerce et de bac à shampoing, où l’on lit davantage le courrier des lectrices du supplément « Femina » du JDD que le traité Des délits et des peines de Beccaria.
« Soigner » les hommes…
L’insistance avec laquelle les militantes, toujours insatisfaites des résultats de l’arsenal répressif qu’elles ont obtenu, déplorent que les femmes aient « peur de porter plainte » et que les condamnations soient trop rares « faute de preuves », laisse entendre que l’étape suivante de leur combat consistera d’une part à rendre la dénonciation obligatoire par l’entourage et la hiérarchie et, d’autre part, à faire tout simplement condamner pénalement un homme sans preuve. C’est là exactement le critère du totalitarisme. Le Conseil constitutionnel avait évidemment exclu, dans une décision de 2002, que l’on puisse inverser la charge de la preuve du harcèlement en matière pénale, mais les militantes n’ont cure des principes constitutionnels libéraux qu’elles ont pour habitude de faire contourner, non sans insulter copieusement le Conseil constitutionnel au passage. Sans céder à l’invocation des « heures les plus sombres », on rappellera simplement que la dernière législation qui ait inversé la charge de la preuve dans notre pays était celle de Vichy : il appartenait, en effet, aux personnes signalées à l’administration de prouver qu’elles n’étaient pas juives au regard des critères légaux… À méditer. L’on observe enfin une propension de plus en plus répandue à vouloir faire « soigner » les hommes jugés trop actifs sexuellement dans des établissements spécialisés pour le traitement des addictions. Ça commence à drôlement sentir le goulag !
Le journal Le Monde du week-end des 22 et 23 octobre a réservé quatre pages à la mise en accusation sans aucune contradiction ni réserve des mœurs des mâles hétérosexuels, tandis qu’il consacrait trois autres pleines pages à l’éloge des heureux « prépeurs », c’est-à-dire des homosexuels utilisant quotidiennement un médicament préventif (400 euros la boîte remboursée à 100 % par la Sécurité sociale de façon parfaitement discriminatoire) leur permettant de multiplier les partenaires et les comportements « à risques » à l’abri de toute contamination. L’article est accompagné de ce commentaire médical : « L’erreur serait de penser que l’acte sexuel est rationnel. Il n’y a rien de plus irrationnel ; c’est l’évaluation d’un risque dans une situation de plaisir, et souvent le plaisir l’emporte. » Alain Finkielkraut a raison : la Pravda a l’indignation sélective. Jouir sans entraves n’est manifestement pas « pour tous ». Mais le plus grave est que l’État mette son glaive à la disposition de toute cette vindicte en piétinant les principes fondamentaux de la démocratie libérale et en cédant au populisme que l’on dénonce par ailleurs.