Et finalement, ce fut le PS et Frédéric Barbier qui emportèrent la première partielle gagnée par la gauche en métropole depuis 2012. On pourra remarquer que sur ses bulletins, Barbier avait retiré le sigle du PS. Pas parce qu’il était encombrant, ce sigle – cela aurait été bien ingrat pour Valls et Cazeneuve, les stars du moment qui ont mouillé le maillot pour lui – mais parce qu’il a voulu jouer le front républicain, ce qu’il a indiqué dans son discours de victoire où il a remercié, notamment et explicitement, tous les ténors de droite, nationaux et locaux, qui l’avaient nommément soutenu contre Sophie Montel et le FN. Cela s’est joué à quelques centaines de voix, autant dire qu’il fallait bien ça pour empêcher l’arrivée d’un quatrième député d’extrême droite à l’Assemblée.
On aura beau dire, néanmoins, avec 48,6% pour le parti de Marine Le Pen, la candidate du FN a évidemment pavoisé, faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Pour elle, elle a en fait connu une magnifique défaite contre le système UMPS.
Seulement, ce n’est pas tout à fait vrai. Il n’y a pas eu de système UMPS contre elle. Il y a eu bien entendu le PS et l’ensemble de la gauche de la gauche (ou ce qu’il en reste dans ce coin-là), l’immense majorité de l’UDI mais pour l’UMP, c’est sans doute plus compliqué.
Il n’y a pas de raison que l’électorat de la 4ème du Doubs n’ait pas reflété la schizophrénie qui règne à propos de la stratégie à adopter à propos du FN et des alliances ou des reports possibles. Quoi de commun, par exemple entre un Alain Juppé et un Geoffroy Didier ? Le premier, instruit par quelques décennies de vie politique, semble avoir compris que le FN était pour la droite comme le Blob, ce chewing-gum extra-terrestre d’un film de série Z américaine des années cinquante : plus on parle de lui, plus on s’oppose à lui en essayant d’utiliser les mêmes moyens que lui, plus il grossit. Le seul moyen, c’est de fixer un cordon sanitaire infranchissable entre lui et les autres partis. Geoffroy Didier, lui, incarnerait plutôt, sans complexe, une vision plus italienne des choses. Finalement puisque l’UMP n’a plus rien de gaulliste (le gaullisme était cette spécificité historique d’une droite issue de la Résistance), autant s’allier avec des gens qui ont fait mine de s’assagir, d’avoir changé. Une façon d’alliance comme l’a connu l’Italie des années 90-2000 entre Berlusconi et Gianfranco Fini, un ancien leader du MSI, le FN italien qui avait abandonné toute référence au fascisme.
Entre ces deux extrêmes, Sarkozy a tenté une impossible synthèse prouvant qu’au moins dans ce domaine, il est moins doué qu’à l’époque où Hollande était premier secrétaire du PS. Son échec est patent depuis hier soir vingt heures. En politique, seule la victoire est belle. On pourra, et on va le faire du côté de l’UMP, relativiser cette « victoire serrée » de même qu’on avait relativisé la première place de Marine Le Pen aux européennes. Il n’empêche, dans une démocratie, ce qui compte, c’est qui a gagné, quel que soit le taux d’abstention, quel que soit l’écart. C’est celui qui a réuni le plus d’exprimés qui a gagné parce que c’est celui qui a su les motiver. Et c’est bel et bien l’UMP qui a le moins motivé les siens au premier tour et c’est bien le socialiste Barbier qui a su le plus motiver les siens au second. Ou, autrement dit, de même que le FN était le premier parti de France en juin 2014, le PS a gardé en février 2015 un siège que lui-même il jugeait perdu.
Alors, en tirer des conclusions générales ou des prédictions pour l’avenir serait bien imprudent. On peut simplement continuer à déplorer que le mode de scrutin majoritaire cache la réalité des vrais blocs politiques existant en France et qui n’ont plus rien à voir avec les partis existants : un bloc de droite dure regroupant le FN et la fraction post-sarkozyste de l’UMP ; un bloc libéral-social ou social-libéral qui va de Juppé à Macron en passant par Bayrou et Lagarde et un bloc de gauche à vocation « syrizienne » qui engloberait frondeurs socialistes, Parti de gauche, communistes, écologistes et autres alternatifs.
Et constater que dans cette élection dans la 4ème du Doubs, c’est ce bloc central qui a su mobiliser et gagner.
*Photo : ALAIN ROBERT/APERCU/SIPA. 00703949_000001.
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