Extinction ou submersion, faites votre choix !
Ah, si les êtres humains se contentaient de travailler, procréer et consommer, au lieu de se lester de toutes sortes de croyances, traditions et bizarreries, le monde serait simple. C’est précisément cette idée d’un homme interchangeable – une Matière humaine indifférenciée, dirait Renaud Camus – qui fonde le nouveau discours immigrationniste. Des chiffres et des êtres, voilà le programme[1]. L’Europe ne fait plus d’enfants, l’Afrique en a trop, il suffit de transvaser. En conséquence, l’immigration n’est pas un problème, elle est la solution. Le gouvernement aimerait en convaincre les Français, alors qu’il accouche dans la douleur du trentième texte législatif sur ce sujet depuis 1980.
Mauvaises nouvelles
Le ton a changé. Il n’est plus question de bons sentiments mais de retraites et d’intérêts bien compris. On ne nous raconte pas que l’immigration va revitaliser des sociétés sclérosées (par le privilège blanc sans doute), mais qu’elle va permettre à nos économies vieillissantes de fonctionner.
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Reste que notre problème démographique n’est pas une invention des immigrationnistes. En 2022, la croissance naturelle de la population a été de 56 000 personnes, soit le niveau le plus bas depuis 1946, et, à ce rythme, ce solde sera négatif dans dix ans. Si la population française croît encore faiblement, ce n’est pas parce que nous faisons des enfants mais parce que nous mourons plus vieux – et plus malades.
Face à ces mauvaises nouvelles, le camp anti-immigration se contente malheureusement de faire l’autruche. Les uns répètent qu’il suffit d’une véritable politique familiale pour que les bébés naissent en masse. Certes, il faut être aveuglé par l’idéologie pour réduire, comme l’a fait François Hollande, les avantages consentis aux parents. Reste que les politiques natalistes n’agissent qu’à la marge. Le vrai moteur de la natalité, c’est l’optimisme. Pour d’autres, c’est l’objectif même de croissance de la population qui doit être récusé, sauf qu’on ne connaît pas d’exemple dans l’histoire où le déclin démographique ne soit pas allé de pair avec une perte de puissance.
Pour autant, on ne fera pas avaler aux Français que l’immigration va les sauver de la faillite, alors que, ces trente dernières années, nous avons conjugué immigration massive et affaiblissement économique. C’est que nous avons importé, en même temps que des bras, des bouches à nourrir. Rappelons qu’au moins un tiers des Algériens adultes présents sur notre sol sont inactifs.
Alternative cruelle
Les flux nouveaux ne peuvent qu’aggraver le choc anthropologique déjà créé par les précédentes vagues migratoires et le changement de peuple qu’elles ont initié. Les êtres humains, ces enquiquineurs, ne se réduisent décidément pas à des bras, des bouches ou des ventres. Ils apportent avec eux des habitudes, des mœurs souvent incompatibles avec les nôtres, ce qui explique la défiance migratoire d’une majorité de Français, y compris d’origine immigrée.
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D’où le dilemme devant lequel nous sommes placés entre extinction démographique et submersion culturelle. Si on s’en tient à la froideur des chiffres, pour que la France continue à exister (on n’ose plus dire rayonner), il faudrait accepter que la France disparaisse en France.
Face à cette alternative cruelle, les slogans ne suffisent pas. À court terme, sauf à remettre tous les Français au travail, si nous voulons que des actifs financent et nos retraites et nos soins, il est probablement illusoire de prétendre stopper l’immigration. Mais il l’est tout autant de laisser entrer 250 000 personnes par an. Nous n’avons pas besoin d’immigrés non formés et incapables de s’intégrer, mais d’ingénieurs et de médecins qui viendront pour nos libertés et non pas malgré elles. Ce qui suppose d’arrêter de voir la consommation comme le turbocompresseur magique de notre économie.
Partager entre 67 millions de Français des richesses que nous ne produisons plus relevait déjà de la chimère ; alourdir le fardeau de la répartition de millions d’inactifs demande des dons dignes de Tom Cruise. Créons des richesses et ne laissons entrer que ceux qui sont capables de le faire avec nous. Sans nous haïr de préférence.
[1] Merci à Jean-Baptiste Roques pour cette excellente formule.
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