Dans la même veine que « Metoo » et « Balance ton porc », l’instagrameuse Dora Moutot présente « Alors t’as joui ? », instrument de libération de la parole de l’orgasme (féminin).
Quand l’un des pires machos de Causeur m’a fait parvenir le lien de la vidéo que nous reproduisons plus bas, je me suis demandé s’il voulait ma mort ou s’il voulait que je leur ponde un article. Une fois remis de l’effroi bien légitime provoqué par la découverte du prêchi-prêcha impudique de Dora Moutot (l’actrice principale de la vidéo), je prends connaissance de l’objet de l’email : « Un phénomène qui vous inspire ? » Ce sinistre personnage voulait bien son billet persifleur. Alors je m’y colle. Et ne m’ouvrirai les veines que demain.
138 000 abonnés
Si les anecdotes de vie de Nadia Daam vous ont plu, si les dessins didactiques d’Emma vous ont ravi et que la pensée politique de Caroline de Haas vous a fait prendre conscience des injustices colossales entre hommes et femmes en Occident, réjouissez-vous! Avec Dora Moutot, le néoféminisme monte d’un cran dans le « subversif ».
Dora Moutot est ex-rédac chef du site d’infotainment Konbini. Ça pose déjà son homme (euh, attendez…). C’est elle qui est derrière le phénomène « Alors t’as joui ? », un compte Instagram devenu le haut-lieu de la subversion sexuelle contemporaine en quelques jours. Forte de ses 138 000 abonnés débridés, cette délicate créature se propose de « libérer la parole » sur l’orgasme féminin et invite les femmes à « revendiquer leur droit à la jouissance ». Pourquoi pas après tout, tant qu’elles font la vaisselle…
« Les gars, les femmes ne sont pas des platines ! »
Reconnaissons que parmi les fadaises collectionnées et relayées par Dora Moutot, il y a des trucs marrants, comme cette internaute « tchipant » et balançant : « Les gars, les femmes ne sont pas des platines ! », tout en mimant un « doigté » peu susceptible de provoquer le plaisir recherché par le beau sexe.
View this post on Instagram😂 « Les gars, les femmes ne sont pas des platines … » 🙏 Merci @safiaenjoylife
Dora Moutot, elle, n’est pas là que pour rigoler. Le temps de « déconstruire les mythes et légendes associées à la sexualité féminine » est advenu. Il est des « comportements masculins que l’on ne doit plus accepter » affirme la militante. Le principal reproche est adressé au mâle pas fichu de donner le plaisir que la femme exige séance tenante. L’épanouissement des femmes n’est pas moins important que celui des hommes, mais quand quelqu’un commence à vous dire qu’en termes de bagatelle, il y a des comportements à proscrire ou des permis de batifoler à valider, on est bien au-delà de la libération sexuelle. C’est autre chose… Et pour tout dire, on perd beaucoup de ce qui pouvait en faire le sel et motiver un tant soit peu la pénible mise en route de la machine pour aller jusqu’à l’orgasme.
« Où est le coupable ? »
Face au sympathique Ali Baddou et sa clique soumise, cette spécialiste du désir dévoile le scandale : les hommes sont globalement récalcitrants. Une vraie horde de douchebags qui ne fait que taper dans le fond du vagin des nanas alors que Dora pense, elle, qu’il faudrait s’occuper du clitoris, organe mal aimé et méconnu. Original ! Vous ne savez pas dessiner un clitoris ? Vous devriez avoir honte.
Le sujet a beau être « extrêmement intime » pour Ali Baddou (il est même « tabou », « sulfureux » et « disruptif », non ?), nos médiatiques épris de rupture se sont tous empressés de relayer, comme lui, la bonne parole de cette Nadine de Rothschild post-metoo: Elle, France 3, Europe1, BFMTV, France Info, LCI, Konbini, Brut, etc. France 5 va plus loin et se fend d’un micro-trottoir hallucinant pour justifier cette rééducation à marche forcée. Sur un marché, on interroge des ménagères pour savoir si elles ont déjà simulé l’orgasme. Ces dernières n’acceptant pas toujours de répondre ou se contentant d’un rire gêné, démonstration est rapidement faite qu’il y a un immense problème. 85% des rapports finissent par un orgasme chez les hommes et seulement 63% chez les femmes. Le taux remonte à 85 % chez les femmes lesbiennes… « Où est le coupable ? », rigole Moutot. Enfin, rigoler… ce nouveau visage de la Terreur, dont l’exaltation est alors à frémir, n’est pas bien loin de ressortir la guillotine ! Messieurs, vous ne pourriez pas être lesbiennes comme tout le monde ?
Deux combats d’avant-garde
Entre deux cours de maintien, Mère Moutot a identifié deux combats. Tout d’abord, supprimer le mot « préliminaires », celui-ci sous-entendant que la très surcotée pénétration est le moment important dans le sexe, préjudice faramineux fait aux femmes. Ensuite, les femmes qui simulent l’orgasme doivent désormais être passibles des tribunaux. En comparution immédiate, si possible. Le mec croit que la nana a joui quand ce n’est pas le cas, et un cercle vicieux s’installe (le vice, ce n’est pas le truc des néoféministes). Le mec pensera forcément être Rocco Siffredi même s’il s’y est pris comme un manche. Sur tous ces sujets sensibles, le citoyen a désormais soif de « transparence ». Et France 5 d’audience.
Qu’importe que l’évolution ait peut-être dessiné la femme ainsi et que sa jouissance soit plus difficile à obtenir physiologiquement. Dora Moutot se fiche de l’évolution. Sur France 5, son obsession d’égalité se transforme en exigence de similarité. Après avoir mis en place un concours de pleurnicherie ici ou s’être étalée là de sa libération d’un mal étrange – les pets – grâce à son « insatiable curiosité », elle ne lâchera pas le combat contre toute altérité sexuelle. Cette obnubilée de la parité la plus stricte – qu’elle mesure avec son niveau à bulle – veut « mettre le doigt sur le malaise pour le faire disparaître ». Le site Vice la qualifie de l’une « des personnes les mieux informées de France sur la libido féminine ».
En cette piteuse époque où les assignations identitaires (genre, orientation sexuelle, couleur, religion, etc.) ont remplacé des clivages politiques révolus, cette militante de cauchemar a trouvé un créneau médiatiquement porteur et pourrait reprendre la place laissée toute chaude par Caroline de Haas sur les réseaux sociaux.
Apostrophez-la, contredisez-la : sa petite boutique foutraque en a besoin pour fructifier.
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