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Donald Trump: une nouvelle ère pour les cryptomonnaies?


Donald Trump: une nouvelle ère pour les cryptomonnaies?
Nashville, 27 juillet 2024 © Mark Humphrey/AP/SIPA

Longtemps réfractaire, le président américain Donald Trump s’est converti à la frénésie Bitcoin. Plongée dans l’univers des « cryptobros ».


« La monnaie de réserve mondiale devrait être le dollar. Et je ne crois pas que nous devrions avoir des bitcoins. Il faudrait que les cryptomonnaies soient régulées de manière bien plus sérieuse. Le bitcoin menace le dollar ! C’est une fraude », avait déclaré Donald Trump en juin 2021 lors d’une interview accordée à Fox News. À cette période, le bitcoin voyait son prix redescendre à 35.000 dollars et causer de nombreuses faillites personnelles d’Américains paniqués qui se débarrassaient alors de cet actif. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts, tant pour le taux de change du bitcoin qui atteint désormais les 100.000 dollars que concernant l’avis de Donald Trump sur ces actifs.

Une conversion tardive mais bien réelle aux cryptomonnaies

Donald Trump est désormais le premier porte-parole des cryptomonnaies. Pour les lecteurs qui l’ignorent, les monnaies cryptographiques sont des actifs numériques émis de « pair à pair » sans s’appuyer sur des banques centrales ou des intermédiaires. Elles sont représentatives du web dit « décentralisé » répondant aux idéaux libertariens et à la volonté d’une part croissante des populations de s’affranchir du contrôle des institutions. Le bitcoin est la cryptomonnaie de référence et la première d’entre toutes. L’émission des jetons de bitcoin se base sur la « blockchain » qui est cryptographiée. Les transactions et échanges se font aussi par le biais de ce système.

La capitalisation totale de l’ensemble des cryptomonnaies s’élève aujourd’hui à un peu plus de 3 trilliards de dollars, restant toutefois relativement volatile. Le bitcoin représente à lui seul 2 trilliards de dollars de capitalisation, soit l’équivalent de la valeur cumulée de tout le Cac 40. En août dernier, la capitalisation du bitcoin n’atteignait « que » 1.400 milliards de dollars, soit un accroissement de valeur de 100 milliards de dollars par mois depuis ! Des chiffres qui, s’ils paraissent très impressionnants, restent encore relativement modestes au regard des possibilités de croissance de ces actifs. Tout indique donc qu’à long terme, les prix de ces diverses monnaies augmenteront très certainement.

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La conversion de Donald Trump aux « cryptos » n’est donc pas si surprenante. Homme d’affaires à l’ancienne qui a construit sa fortune personnelle sur l’endettement et le bâti, il a été convaincu par le fait qu’il est possible de démultiplier très rapidement des actifs à condition d’être très bien conseillé. Car, l’économie de la cryptomonnaie est une économie d’initiés. Compte tenu de l’extrême volatilité des actifs, singulièrement les « altcoins » sur lesquels nous reviendrons plus loin, l’investisseur doit mettre en place des stratégies très élaborées pour ne pas tout perdre sur un « fomo » (fear of missing out, ou l’anxiété de tout perdre ou de ne pas gagner sur les marchés).

Le changement de cap de Donald Trump date officiellement de mai 2024, moment choisi par ses équipes pour annoncer que les dons en cryptomonnaies seraient acceptés pour le financement de sa campagne. Premier signe de ralliement des « cryptobros » autour du panache blond du New-yorkais, cette annonce a été suivie par de nombreuses décisions fracassantes. Ainsi, The Donald a déclaré il y a quelques mois que les bitcoins saisis par l’administration américaine pourraient être utilisés afin de constituer… une réserve stratégique en monnaies numériques. Si l’idée se concrétise, il s’agirait d’une première mondiale pour un pays du G20, seul le Salvador de Nayib Bukele ayant à ce jour une réserve monétaire numérique. Ce serait aussi un sceau de respectabilité pour les cryptomonnaies et le signe d’une future démocratisation. Seuls 40 millions d’Américains possèdent de ces actifs, ce qui est encore très peu.

En outre, les plus grandes fortunes de l’industrie des cryptomonnaies, à l’image des propriétaires des plateformes d’échange grand public comme Binance ou CoinMarket, ont financé la campagne de Donald Trump. Plus encore, on a dernièrement assisté à la poussée des « altcoins » et même des « shitcoins », du nom de ces jetons lancés à l’aide d’autres monnaies comme le Solana ou l’Ethereum.

L’avènement de la finance memetique

Le premier homme à avoir poussé une monnaie basée sur un meme est Elon Musk avec le DOGE COIN. Il a même repris le nom et le logo, un célèbre chien, pour son organisme chargé de lutter contre la dépense publique excessive. Que sont ces jetons ? Il s’agit d’actifs lancés sur des écosystèmes préexistants, parfois sur des plateformes qu’on pourrait apparenter à des casinos numériques où tout un chacun peut créer sa propre monnaie, citons notamment PumFun où en quelques jours à peine des petits jeunes ont pu devenir multimillionnaires grâce au jeton meme P-Nut représentant l’écureuil tué par les autorités vétérinaires durant la campagne électorale américaine.

Ce jeton Solana a été émis à un milliard d’exemplaires pour une capitalisation de départ de 7.600 dollars – comme tous les jetons de ce type -. Cela signifie qu’à l’origine, chaque jeton P-Nut valait 0.0000076 dollars. Trois semaines plus tard, chaque unité de P-Nut avait une valeur d’un dollar puisque la monnaie était capitalisée pour un milliard de dollars après son lancement sur Binance, ce qui a crédibilisé son modèle et relancé l’attractivité du jeton. Mais sur quoi s’appuie la valeur d’un jeton ? Tout simplement sur la confiance et la volonté des acquéreurs à voir sa valeur grimper. Ca ne correspond à absolument aucune création de richesse productive ni même à aucune utilisation. C’est purement spéculatif. On ne peut rien acheter avec du P-Nut ou du DOGE. On ne peut que les convertir pour obtenir d’abord un autre actif numérique – bitcoins, jetons Solana ou autre -, puis en suivant des espèces en monnaie FIAT.

Tout cela marche et prospère parce qu’énormément d’argent est désormais en circulation mais aussi parce que de très gros poissons misent sur ces monnaies pour faire des coups spéculatifs extrêmement rapides. Les « petits poissons », s’ils veulent enregistrer de beaux profits, devant surveiller les mouvements quotidiens des « baleines ». Donald et Melania Trump eux-mêmes ont sorti leurs propres jetons. Le « Trump » a permis de gros gains … mais aussi causé de grosses pertes quand certains joueurs ont « tiré le tapis ».

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Il y a dans ce marché alternatif parfois jugé toxique, quelque chose de grisant mais aussi relevant du domaine de la foi. Il s’agit d’une immense lessiveuse à monnaies FIAT, d’une multiplication des pains légale et sans aucune régulation, où des anonymes peuvent gagner trois à quatre millions en s’exhibant en live depuis chez eux pour lancer leur monnaie et où des rappeurs célèbres et des influenceurs comme Andrew Tate peuvent accumuler des fortunes. Il suffit en effet d’un tweet d’Elon Musk ou de Donald Trump pour qu’un jeton gagne 100 à 200 millions de dollars de capitalisation en quelques minutes.

Avec un peu de chance, vous auriez pu tomber sur « $Trump » sur Twitter le jour où le jeton a été lancé sur la blockchain Solana et transformer 1000 euros en 10000 en deux heures, ce qui n’est même pas une performance hors normes pour un jeton – la performance du Trump se situant plus dans les volumes d’échange que dans la montée de son prix -. Mais attention, les chutes peuvent être aussi brutales que les montées. Est-il éthique qu’une famille, dont le patriarche est le président de la première puissance mondiale, se fasse quelques centaines de millions d’argent de poche ainsi ? La question mérite d’être posée. Reste que la promesse de la fortune rapide ne peut que séduire certains individus.

L’idéal libertarien en apparence porté par Donald Trump s’inscrit aussi dans la libération de Ross Ulbricht de SilkRoad. La sortie de prison du fondateur de ce marché noir de la drogue sur internet, grâce à l’intervention du président nouvellement élu, a été extrêmement bien reçue dans les milieux des « cryptobros ». Une nouvelle ère s’annonce et les monnaies numériques risquent bien d’y prendre une place de la plus haute importance.




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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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