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Donald Trump, président de la Confédération des États… (dés)Unis

Trump fait peur aux alliés de l'OTAN, et à nombre de ses concitoyens du Sud...


Donald Trump, président de la Confédération des États… (dés)Unis
Donald Trump et Greg Abbott, Pharr, Texas, juin 2021 © Eric Gay/AP/SIPA

Entré en rébellion ouverte contre Washington, le Texas menace les États-Unis d’une nouvelle sécession. Une idée qui fait son chemin chez les Républicains à la veille des élections générales où les Américains sont appelés à renouveler leurs élus. En cas de nouvelle défaite, leur champion, Donald Trump, sera-t-il le nouveau Jefferson Davis fantasmé d’une nouvelle Confédération sudiste à venir ? 


Dépeignant une Amérique du Nord plongée dans une guerre civile terrifiante, le film « Civil War » du réalisateur Alex Garland, dont la sortie en salles est programmée dans deux mois, résonne déjà comme une production prophétique dans un pays plus divisé que jamais à l’approche d’élections générales cruciales.

Etats républicains frondeurs

Face à l’afflux de milliers de migrants traversant la frontière mexicaine pour entrer au Texas, cet État du sud des Etats-Unis a décidé en juillet 2023 d’ériger des kilomètres de barbelés et d’installer des barrières flottantes le long du Rio Grande.  Une décision qui n’a guère été du goût de Washington. On ne compte désormais plus les morts et blessés qui ont tenté de traverser ce mur du sang pour vivre le rêve américain.

Confronté aux gardes-fédéraux qui lui ont ordonné de démanteler son mur, Greg Abbott, le gouverneur républicain du « Lone Star State », a refusé d’obtempérer. L’affaire a été portée devant la Cour suprême, qui a statué que ceux-ci étaient légalement autorisés à intervenir avec une pince pour couper cette clôture en fer aux pointes acérées. Loin d’être décontenancé par cette décision, Greg Abbott a invoqué son droit « constitutionnel à se défendre et à se protéger contre cette invasion ». Accusant parallèlement le président Joe Biden de « refuser d’appliquer et de violer les lois actuelles sur l’immigration », Abbott a déclaré, dans une lettre publiée le 24 janvier dernier, que le « gouvernement fédéral avait rompu le pacte entre les États-Unis et les États », déclenchant ainsi une tempête médiatique et ravivant les discussions sur la sécession. En outre, 24 autres gouverneurs républicains ont conjointement signé une lettre de soutien au Texas, exprimant ainsi leur rébellion ouverte contre la Maison blanche. Vingt-six procureurs généraux républicains leur ont emboîté le pas en envoyant une lettre similaire au président Biden. « À l’heure actuelle, les cartels, les groupes terroristes et d’autres acteurs malveillants profitent du chaos à la frontière pour orchestrer un afflux massif de personnes. Les gangs utilisent le flux de personnes pour dissimuler leurs membres « prédateurs » lorsqu’ils entrent aux États-Unis », ont dénoncé ces hauts fonctionnaires.

Dangereuse politique

Pour ses détracteurs, Greg Abbott a ressuscité une ancienne théorie qui a encore pignon sur rue dans le Sud des États-Unis (Dixie). Il s’agit de l’idée selon laquelle le gouvernement fédéral tire son pouvoir des États, un argument autrefois utilisé par le politicien sudiste John Calhoun, originaire de Caroline du Sud, considéré comme le père de la sécession des États du Sud en 1861. Bien que ce point de vue ait perdu de sa vigueur après la guerre civile, il a récemment ressurgi avec l’avènement de Donald Trump, dont la présidence (2017-2021) a ravivé l’irrédentisme sécessionniste. Sanford Levinson, professeur de droit et de gouvernement à l’Université du Texas, affirme que la description de la crise frontalière par le gouverneur est « absurde d’un point de vue juridique et dangereuse d’un point de vue politique ». Il soutient qu’Abbott utilise délibérément à mauvais escient le terme « invasion » pour justifier le renforcement des troupes de la Garde nationale à la frontière du Texas, comparant cela à la situation où un président déploierait des troupes pour réprimer la « violence domestique » sur la base d’informations faisant état de violences conjugales généralisées.

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Successivement français puis espagnol, le Texas est devenu une possession mexicaine au moment où Mexico a obtenu son indépendance de Madrid en 1821. Peu peuplée et économiquement peu développée, la nouvelle république mexicaine a encouragé l’installation d’Américains afin de transformer l’État. Cependant, des tensions ont rapidement surgi entre les Mexicains et les 300 familles américaines, principalement autour de la question de l’esclavage. En 1835, cette confrontation dégénère en insurrection, se transformant en une véritable révolution contre le pouvoir du général Santa Anna. L’épisode le plus célèbre de cette guerre demeure le siège de Fort Alamo. Face aux rebelles, 600 Mexicains tombent au champ d’honneur contre les Texans, qui enregistrent seulement 200 pertes, dont le célèbre trappeur Davy Crockett. En avril 1836, la bataille de San Jacinto marque un tournant dans l’histoire du Texas. Battus, les Mexicains doivent accorder l’indépendance aux rebelles, qui proclament la République avant de rejoindre les États-Unis une décennie plus tard. C’est en tant qu’État esclavagiste que le Texas rejoindra la Confédération sudiste, liant ainsi son destin à celui-ci. Avant d’être réintégré à l’Union. Aujourd’hui encore, de nombreux nostalgiques de cette période conservent dans leur subconscient le traumatisme de la défaite. En pleine période du mouvement Black Lives Matter (BLM), ils ont réussi à empêcher le déboulonnage des symboles sudistes, contrairement à d’autres États voisins. En face du Capitole à Austin, un monument imposant rend toujours hommage aux héros de la guerre de Sécession.

Néo-sudistes

Ce n’est pas la première fois que le spectre de la sécession plane au-dessus des États-Unis. Bien que ce mouvement demeure encore largement minoritaire, il connaît une forte progression. Selon un sondage récent mené par Redfield & Wilton Strategies, 33% des Texans soutiendraient l’idée séparatiste, un chiffre similaire à celui enregistré en Californie, en Floride et en Géorgie. C’est d’ailleurs parmi les Républicains (66% d’entre eux y sont largement favorables selon une enquête réalisée dans 13 états du Sud) en 2021 que l’on trouve le plus de soutiens à cette cause néo-sudiste (certains mouvements se sont transformés en milices paramilitaires) qui n’hésite pas à agiter les drapeaux de la Confédération lors de manifestations anti-gouvernementales. Les mêmes aperçus lors de l’assaut donné au Capitole par les partisans de l’ancien président Donald Trump qui a tenté de se maintenir au pouvoir en 2021 après avoir échoué à se faire réélire… En 2017, une enquête dirigée par l’institut Zogby International a révélé que 68% des Américains se disaient ouverts à un « divorce national », selon les termes de la députée républicaine Marjorie Taylor Greene.

Cette confrontation entre Greg Abott et Washington n’est cependant pas anodine et dessine l’atmosphère ambiante aux Etats-Unis à la veille des élections générales de novembre 2024 où les Américains sont appelés à renouveler leurs élus. Grand favori de cette présidentielle, le républicain Donald Trump, dont l’ombre n’a jamais cessé de planer au-dessus de la Maison Blanche depuis quatre ans, conserve une certaine aura parmi une partie de l’électorat en dépit de ses multiples ennuis judiciaires. Ce nouveau duel à venir avec Joe Biden suscite des inquiétudes parmi les Américains, car les deux opposants restent constamment au coude à coude dans les sondages. En cas d’une nouvelle défaite de leur champion, les gouverneurs républicains pourraient-ils être tentés de proclamer la sécession de leurs États ? 

Dans ses discours, Donald Trump encourage régulièrement ses partisans à considérer leurs opposants démocrates comme des traîtres irrémédiables, des criminels, des satanistes, des pédophiles et des conspirateurs. En faisant volontairement germer l’idée d’une possible sécession dans l’esprit de ses électeurs, le tonitruant milliardaire, qui a récemment confessé que la guerre de Sécession était « horrible et fascinante à la fois » ne chercherait-il pas devenir le leader d’une nouvelle confédération sudiste vidée de tout son substrat yankee ? Une question qui pourrait se poser dans le cas où Donald Trump échouerait à se faire réélire président des États… (dés)Unis.




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Journaliste , conférencier et historien.

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