Votez Donald!


Votez Donald!

En politique, j’ai pris l’habitude de me méfier de ceux qui rassurent l’opinion pour m’intéresser à ceux qui l’inquiètent. Souvent dans l’histoire de France, les visionnaires excentriques ont concentré les méfiances et les moqueries pendant que les gestionnaires à courte vue ramassaient les suffrages. On se souvient qu’en juin 1940, Pétain était plus acclamé que de Gaulle, qu’en 2002, Jacques Chirac mit le pays dans sa poche face à Jean-Marie Le Pen et, comme on n’apprend jamais rien, il se pourrait qu’en 2017, les mêmes trouilles et les mêmes paresses nous condamnent à perdre cinq longues années avec Alain Juppé. La tentation du centre est le recours des Français qui ne comprennent rien et qui ont peur de tout, de ceux qui préfèrent s’endormir avec Alain Duhamel plutôt que réfléchir avec Alain Finkielkraut.

Les Américains, qui ont de l’audace dans les gènes et le goût de l’aventure, placent aujourd’hui Donald Trump en tête dans les sondages pour l’investiture républicaine. Ça fait beaucoup rire au Petit Journal. C’est bon signe mais jusqu’à présent, ça ne suffisait pas à me convaincre que le type était taillé pour le job. Au début de sa campagne, je n’avais pas aimé toutes ses déclarations. Surtout celles qui généralisent. Même si je n’ai aucun mal à croire qu’un peuple venu du Sud sans qu’on l’ait invité soit surreprésenté dans les prisons pour des affaires de drogue, de crimes et de viols, on ne doit pas dire : « Les » Mexicains. Il faut dire : « Des » Mexicains. [access capability= »lire_inedits »]

Je n’avais pas aimé non plus ses propos à l’adresse d’Hillary Clinton, lui reprochant de n’avoir pas su satisfaire son mari. Il faut être ignorant pour avancer cela. Et grossier. Nous ne trompons pas nos femmes parce qu’elles ne réveillent plus nos désirs, mais parce que nous avons de l’audace dans les gènes et le goût de l’aventure. Or l’ignorance et la grossièreté sont trop répandues pour faire sortir du lot un candidat à la candidature suprême, même pour celui qui ambitionnerait de ne devenir qu’un président normal. Quand on promet de « make América great again », on ne peut pas être so far away des grandes figures qui ont fait l’Amérique. Même sans états d’âme avec les Mexicains et sans retenue contre les Indiens, le cow-boy savait rester un gentleman. Jamais John Wayne n’aurait laissé une dame marcher dans la boue en descendant de la diligence. Évidemment, ni dans Alamo ni dans La Chevauchée fantastique, les femmes ne se présentent aux élections pour être shérif à la place du shérif. Mais ce n’est pas une raison pour perdre son sang-froid, et un futur président devrait savoir que l’héroïsme s’arrête là où l’égalité commence.

Le terroriste est souvent un ex-voisin modèle

Je n’avais pas aimé non plus sa critique des interventions militaires menées par ses prédécesseurs, en particulier les regrettés George Bush. Comme il est facile aujourd’hui de condamner ces idéalistes, qui ont surtout péché par excès d’occidentalo-morphisme, prêtant à ces populations des aspirations démocratiques, des soifs de liberté et des rêves de paix. Peut-être eût-il fallu ne remplir que la première partie des missions, en Afghanistan comme en Irak, en éliminant massivement tout ennemi avéré et, par précaution, supposé, et en renonçant à la seconde qui ambitionnait de faire des survivants des démocrates. Peut-être eût-il fallu entendre ce général russe qui, au xixe siècle disait déjà que « L’Afghanistan ne peut être conquis, et qu’il ne le mérite pas. » Mais qui donc avait prévu que, dans le monde arabe, les alternatives aux tyrannies se révéleraient bien pires que les régimes autoritaires abattus, et que les printemps libéreraient surtout les islamismes ? En tout cas, pas ceux qui aujourd’hui rivalisent de sévérité pour condamner les erreurs passées de leurs adversaires.

Voilà pourquoi j’étais réservé sur l’opportunité de donner le poste à Donald Trump car il ne suffit pas, pour faire un bon président, d’effaroucher les bien-pensants, même si c’est une condition incontournable, ou d’avoir raison après tout le monde. Et puis est venue cette idée, peut-être devenue promesse depuis la publication de cet article, de ne plus laisser entrer les musulmans sur le sol des États-Unis. Je sais bien qu’il ne faut pas dire « les », il faut dire « des », j’ai compris la leçon. Oui, mais alors lesquels ? Telle est la question que Donald rétorque à nos indignations. Avant que des musulmans balancent des avions dans des tours ou que d’autres flinguent des handicapés, les uns comme les autres étaient de paisibles citoyens, des voisins sans histoires, des étudiants appréciés, ou des travailleurs honnêtes, car on ne peut, au pays de la troisième récidive et de la peine de mort, devenir terroriste après avoir fait carrière dans le banditisme. Comment faire, donc, pour distinguer les terroristes musulmans parmi les musulmans ? Et que faire si la mission s’avère impossible ? C’est en posant ces questions, que devrait se poser tout responsable politique qui s’est penché sur le vrai sens des mots « responsable » et « politique », que Donald est remonté dans mon estime. C’est en opposant à la liberté de circulation le principe de précaution (surtout utilisé pour nous empêcher de vivre libres, et qui pourrait bien, en l’occurrence, nous empêcher de mourir jeunes), qu’il est devenu mon candidat.

Vers un maccarthysme antidjihad ?

La solution est radicale, entière, brutale, américaine et nous paraît folle, comme tout ce qui nous vient d’outre-Atlantique avec vingt ans d’avance, pour nous apparaître comme moderne, vingt ans après. Ainsi, les Américains ont fermé, au temps de la guerre froide, leur pays au communisme. On se souvient du maccarthysme et des questions risibles posées par les douaniers aux nouveaux arrivants, immigrés ou touristes : Appartenez-vous au crime organisé ? Êtes-vous membre du parti communiste ? Ils ont su, sous la réprobation du monde entier, éviter d’être contaminés par cette maladie du xxe siècle. Nous avons eu, en France et en Europe, une autre approche. Nous avons fait le pari que cette idéologie dangereuse et liberticide se dissoudrait dans la démocratie et dans l’économie de marché. Et nous avons gagné. Chez nous, il ne reste du communisme qu’un parti crépusculaire et folklorique, une curiosité européenne où se retrouvent des écrivains chics, idiots utiles du village souverainiste – utiles à qui, on se le demande ? On les lit avec bonheur quand ils ne parlent pas de politique.

Mais alors deux questions se posent : le monde libre aura-t-il raison de l’islamisme comme il a eu raison du communisme ? Pouvons-nous attendre vingt ans pour le savoir ?[/access]

*Photo : SIPA. AP21852001_000055

Janvier 2016 #31

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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