Malgré la conquête démocrate de la Chambre des représentants, le président Trump accroît sa mainmise sur le Sénat. Sa politique économique, à l’origine de l’embellie des bourses américaines, n’est donc plus menacée.
Sur le papier, le Parti républicain a subi une défaite relativement lourde à la Chambre des représentants, mardi soir. Depuis novembre 2016, les Républicains détenaient 241 sièges contre 194 sièges pour les Démocrates. En remportant 34 sièges et en n’en perdant qu’un seul (conformément à ce qu’avaient annoncé les instituts de sondage !), les Démocrates reprennent donc le contrôle de la Chambre avec 227 sièges, soit 9 de plus que la majorité de 218, contrôle qu’ils avaient perdu depuis les élections de mi-mandat de Barack Obama de novembre 2010 et qu’ils n’avaient jamais pu reprendre depuis lors.
Un Congrès traditionnellement républicain
En réalité, ces vingt-quatre dernières années, les Républicains auront contrôlé la Chambre pendant vingt ans. Les Démocrates n’ont eu la majorité à la Chambre que de novembre 2006 à novembre 2010. Cette période correspond aux élections de mi-mandat du second mandat de George W. Bush (ce dernier ayant été sanctionné par les électeurs en raison du fiasco de la guerre en Irak) et aux élections de novembre 2008 qui ont vu l’élection de Barack Obama. La gauche américaine vient donc de mettre un terme à huit années de contrôle Républicain de la chambre basse du Congrès.
A y regarder de plus près, les prédécesseurs de Donald Trump n’ont guère fait mieux. Traditionnellement, aux Etats-Unis, le parti qui remporte les élections présidentielle et législatives perd systématiquement les élections de mi-mandat. En moyenne, depuis le début du XIXe siècle, le parti au pouvoir a perdu 30 sièges à la Chambre et 6 sièges au Sénat. En dépit de son implication personnelle prégnante au cours de cette campagne électorale, Donald Trump n’aura pas réussi à créer la surprise en renversant l’histoire, tout au moins s’agissant de la Chambre des représentants, la perte de 33 sièges correspondant peu ou prou à la moyenne de ses prédécesseurs illustres.
Les Républicains confortés au Sénat
Concernant le Sénat, la performance fut au rendez-vous. Avec seulement un sénateur sortant perdu (dans le Nevada, où le candidat républicain fut un temps publiquement opposé à Donald Trump), 7 Sénateurs sortants réélus (dont notamment Martha McSally, ancienne Colonel de l’armée de l’Air, élue en Arizona et Ted Cruz au Texas au soir d’une bataille épique contre O’Rourke, une étoile montante Démocrate qui sera probablement l’un des prétendants à gauche pour la présidentielle de 2020) et surtout avec 4 Sénateurs élus contre des sénateurs démocrates sortants (dans le Dakota du Nord, en Floride, dans l’Indiana et dans le Missouri), le Parti républicain accroît sa majorité de 51 à 55 Sénateurs, contre 45 Sénateurs Démocrates. Dans la plupart de ces états clefs, la victoire s’est jouée à un fil. La gauche n’a pas été loin d’emporter également la majorité au Sénat. En tout état de cause, Donald Trump peut affirmer avec fierté que chacun des candidats qu’il est allé personnellement encourager en organisant des tonitruants MAGA Rallies (« Make America Great Again »), a finalement été élu. Depuis 1934, le parti du président nouvellement élu a augmenté seulement à quatre reprises le nombre de sénateurs aux élections de mi-mandat.
Du reste, il est assez rare que des élections de mi-mandat aboutissent à une majorité différente dans chacune des deux chambres du Congrès (« split verdict »). La dernière fois fut en 2010 lorsque le parti de Barack Obama perdit la majorité à la Chambre des Représentants et conserva de justesse la majorité au Sénat (en ayant perdu tout de même 6 Sénateurs !). Les électeurs ont donc renvoyé mardi soir une majorité démocrate à la Chambre mais ils ont refusé d’accorder cette majorité au Parti démocrate au Sénat, sans doute effrayés par le comportement des Sénateurs de gauche pendant les auditions du mois d’octobre dernier du candidat Brett Kavanaugh au poste de juge à la Cour suprême.
Aucune loi majeure ne sera adoptée
D’un point de vue législatif, cette distorsion de majorité constitue la garantie qu’aucune loi majeure ne sera adoptée pendant les deux ans qui viennent, la Constitution prévoyant que les deux chambres doivent se mettre d’accord sur un texte commun (“Legislative Gridlock”). En tout état de cause, les commentateurs soulignent qu’il était bien plus important pour Donald Trump et les Républicains de conserver le Sénat plutôt que la Chambre dans la mesure où le Sénat seul approuve non seulement les traités internationaux mais aussi les nominations des membres du gouvernement, des juges fédéraux et des membres de la Cour suprême. Le président a déjà nommé 82 juges fédéraux depuis son élection et a remplacé 2 juges sortants de gauche à la Cour suprême, la majorité droite/gauche étant désormais établie à 5 contre 4 au sein de la Cour suprême ; les Démocrates prient tous les soirs que leurs 4 juges restent en bonne santé au cours des deux années à venir ! Donald Trump ne s’y était pas trompé puisqu’il a clairement axé sa propre campagne des deux dernières semaines autour du Sénat. Le président, qui a vu dans cette soirée électoral « un énorme succès » va donc pouvoir poursuivre à la fois la transformation profonde du tissu judiciaire américain entamée depuis janvier 2017 ainsi que son agenda international.
Pas de destitution en vue
Enfin, la droite a réussi à limiter les dégâts s’agissant de l’élection des gouverneurs. Avant l’élection de mardi soir, seuls 16 gouverneurs sur 50 étaient démocrates, ce qui était un record historique. Au lendemain de l’élection, où seulement 36 des 50 gouverneurs étaient en lice, la gauche a réussi à prendre 7 gouverneurs à la droite (dont le Kansas, à 100 voix près !). La gauche rééquilibre les comptes mais reste minoritaire et compte désormais 23 gouverneurs contre 27 gouverneurs de droite. La droite l’a notamment emporté en Floride, en Géorgie et dans l’Ohio, au soir de batailles très serrées contre des stars montantes du Parti démocrate ainsi que dans des états traditionnellement à gauche comme le Massachusetts, le New Hampshire ou le Vermont. Les victoires dans des Etats comme l’Ohio ou la Floride sont de bon augure en préparation de l’élection présidentielle de 2020, ces deux états étant traditionnellement cruciaux pour la victoire à la présidentielle.
La vague démocrate tant annoncée par les élites et les médias n’a donc pas déferlé lors de ces élections de mi-mandat, qui auront été les plus chères de l’histoire des Etats-Unis (5,2 milliards de dollars ont été dépensés au total par les deux camps). Lors de leur séance du lendemain, mercredi 7 novembre 2018, les marchés financiers ont d’ailleurs applaudi le fait que la gauche ne remporte pas les deux chambres du Congrès par des gains des indices de plus de 2 %. La droite ayant conservé et même renforcé sa majorité au Sénat, les marchés ont désormais l’assurance qu’une procédure de destitution (impeachment) n’aboutira pas contre le président. Il est aussi acquis que la réforme fiscale de Donald Trump – qui a été à l’origine de la montée de 35 % de la bourse de New York depuis son élection – ne sera pas remise en cause par le Congrès.
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