Les tarifs douaniers ont toujours joué un rôle central dans l’économie des États-Unis. Mais à l’heure où les conflits se jouent autant sur les marchés que sur les champs de bataille, la politique américaine use et abuse indistinctement des tarifs et des sanctions financières pour dominer l’économie mondiale.
« Les Américains mettent une sorte d’héroïsme dans leur manière de faire du commerce. » Tocqueville l’avait bien compris, l’histoire des États-Unis est inséparable de leur histoire commerciale, donc fiscale. L’un des actes les plus célèbres de la république américaine se déroule sur un quai de Boston, une nuit de 1773, lorsque des caisses de thé sont jetées à la mer en signe de protestation contre la taxation britannique. Ce moment fondateur, la Boston Tea Party, cristallise une revendication de liberté politique, mais aussi une méfiance profonde à l’égard d’un État perçu comme un prédateur fiscal. Cette tradition va paradoxalement cohabiter, dès l’indépendance, avec une dépendance quasi absolue du gouvernement fédéral aux tarifs douaniers qui, pendant plus d’un siècle, sont la principale, souvent la seule, source de financement de l’État. Quant aux États, leur financement repose sur la fiscalité foncière, les droits de licence, l’imposition sur l’alcool ou les emprunts publics.
Dès 1789, le jeune gouvernement américain, porté par une société rurale et une économie agricole, instaure un premier tarif fédéral, modeste, autour de 8 %, destiné à assurer la solvabilité de l’État. Très vite cependant, la logique fiscale s’articule à une logique économique : il s’agit de financer l’État, mais aussi de protéger l’industrie naissante contre la concurrence étrangère. Dans la première moitié du xixe siècle, le tarif devient un outil de politique industrielle qui génère 80 à 90 % des recettes fédérales entre 1830 et 1860. Les frontières financent littéralement l’État fédéral.
Ce choix économique recoupe une fracture politique et géographique. Au
