Quand Donald Trump fait de la politique étrangère, le tableau contraste avec le portrait dressé chaque jour par les médias de Washington. À condition de ne pas avoir l’audace de s’afficher avec un russe. Agent dormant du Kremlin quand il réside à la Maison-Blanche, Trump est un héros du monde libre lorsqu’il partage son dessert avec le président chinois. A Mar-a-Lago, sa villa de Floride, il révèle à son homologue chinois, en direct et en exclusivité, sa décision de frapper l’armée syrienne. C’est un coup magistral. Une intimidation géniale. Il évoque une menace d’attentat de l’État islamique avec Sergueï Lavrov, c’est un crime de haute trahison, un geste irresponsable. Tout proche de la destitution un jour, Donald Trump est l’indispensable gendarme du monde le lendemain.
L’Arabie délaisse la France pour les USA
Lorsqu’il se déplace dans le Golfe c’est plutôt la vision sympathique du président américain qui apparaît. « Jackpot pour Trump en Arabie Saoudite » titre Le Point. « Ivanka Trump souligne des progrès encourageants« répond Ouest France. « Comment Trump veut mobiliser les religions du monde contre l’intolérance » décrypte La Croix. « Donald Trump accueilli en héros en Arabie Saoudite« conclut Le Figaro. 120 jours après son investiture, le premier voyage à l’étranger du président américain a été réservé à Ryad. Il est vrai que, contrairement aux alliés européens, le pays ne lésine pas sur la dépense militaire. Plus de 350 milliards de dollars de contrats promis aux industriels de la défense américains. Voilà de quoi modérer les propos de campagne du candidat républicain sur l’islam. Les promesses de ventes faites l’année dernière à François Hollande sont déjà oubliées. Comme la tempête d’indignation consécutive au « muslim ban » (décret qui épargnait déjà les Saoudiens…).
Trump parodie Obama
Jusqu’à présent, les présidents américains réservaient leurs premières visites officielles au Canada, au Mexique ou au Japon. Et puis c’était la première tournée européenne. Donald Trump qui se contrefiche des usages, vient saluer le noyau du wahhabisme avant de se rendre à Jérusalem et au Vatican. Il a évoqué devant le roi d’Arabie « les valeurs communes » à l’islam et à l’Amérique. Un syncrétisme troublant. Le combat du bien contre le mal, de la justice contre le terrorisme. Ça ne vous rappelle rien? Certes, Donald Trump a mis en garde contre l’extrémisme musulman, surtout quand il est iranien (ou yéménite). On était à peu de chose près dans l’épure du fameux discours au Caire de Barack Obama en 2009. Il n’y a pas de guerre de religion ou de civilisation. Seulement une guerre des modérés contre les extrémistes. Pour qui se souvient des louanges qui ont accompagné le discours « du premier président noir de l’Histoire des Etats-Unis » dans la capitale égyptienne, la faible audience de Donald Trump est évidente.
Schizophrénie américaine
Quoi qu’il en soit, le Donald s’inscrit dans la lignée de ses illustres prédécesseurs. Il les restaure même. Obama avait remis en cause l’alliance américano-saoudienne scellée par Roosevelt et Ibn Saoud sur le pont de l’USS Quincy. Les saoudiens et les israéliens s’étaient beaucoup inquiétés des négociations sur le nucléaire iranien. Trump aussi. Il n’a d’ailleurs pas félicité le « modéré » Rohani pour sa réélection à la présidence. Bien au contraire. Il organise sa venue à Ryad au lendemain de sa victoire. La coïncidence a de quoi troubler. Les premiers contacts avec le Prince héritier Ben Salman et le Président avaient été très bons. Ils vont sans doute le rester.
Généraux, diplomates et autres faucons du Sénat sont rassurés. Donald Trump poursuit la politique schizophrène des Etats-Unis: prêche des valeurs américaines au Moyen-Orient d’un côté et union sacrée militaro-industrielle avec le régime le plus rétrograde de la région de l’autre. Pour exhorter à un islam modéré, un premier voyage à Ryad, la capitale mondiale du salafisme, n’est pas crédible.
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