Dans son dernier roman, le maître de la littérature américaine imagine les conséquences d’une planète confrontée à des écrans devenus noirs. Anticipation, mais surtout méditation sur la nature du regard que nous posons sur le réel.
Les romans de Don DeLillo ont toujours jeté un regard pessimiste sur notre société occidentale. Depuis quelques années, l’auteur américain a, pour ainsi dire, amplifié le trait, en faisant de la mort le véritable enjeu de notre postmodernité. Dans Zero K, en 2017, il prenait pour thème le transhumanisme et la cryogénisation. Aujourd’hui paraît le non moins inquiétant Silence, roman extrêmement bref, mais d’une intensité stupéfiante. DeLillo imagine une soudaine panne d’électricité, qui rend tous les écrans noirs, et entraîne un dérèglement général de l’humanité. En 1943, l’écrivain français René Barjavel avait imaginé une telle dystopie, dans son roman Ravage. Don DeLillo va plus loin, s’il était possible, et radicalise le désastre technologique en en décrivant les répercussions immédiates à l’intérieur même de l’être humain.
Dans un futur proche
Tout commence dans l’avion qui ramène de leurs vacances à Paris un couple de New-Yorkais, Jim Kripps et Tessa Berens. Celle-ci est poète, et passe son temps à écrire dans de petits carnets tout ce qui lui arrive. Elle est obsédée par la mémoire, et symbolise sans doute pour DeLillo la figure de l’écrivain, celui qui rend témoignage. Malgré la panne qui survient en plein vol, juste avant l’arrivée à Newark, dans la banlieue de New York, et un atterrissage forcé, Jim et Tessa réussissent à rejoindre l’appartement de leurs amis Max Stenner et Diane Lucas, avec qui ils avaient rendez-vous pour assister, à la télévision, à un match de football américain,
