Dans un livre richement illustré, Résistantes 1940-1945, l’historienne Dominique Missika rend hommage aux femmes qui après la défaite, décidèrent de continuer la lutte.
Les hommes ne les virent pas toujours d’un bon œil, du moins au début, mais leur insistance à combattre le nazisme finit pas s’imposer, car elles surent montrer leur vaillance. De Gaulle, à Londres, dès juin 40, eut à décider si oui ou non on devait permettre aux femmes de s’engager dans les Forces françaises libres. Il déclara : « Nous sommes très peu nombreux. Partout où une femme peut tenir un poste, il faut l’accepter. »
Un rôle indispensable
Dominique Missika retrace l’action de toutes ces femmes de la Résistance, en nous donnant des exemples concrets. Elle évoque bien sûr les héroïnes les plus illustres, celles qui sont restées dans l’histoire : Danielle Casanova, Berty Albrecht, Marie-Madeleine Fourcade, Lucie Aubrac, Marie-Claude Vaillant-Couturier… D’autres ne sont pas complètement sorties de l’anonymat. Et pourtant, toutes eurent un « rôle indispensable ». Ne serait-ce que par le simple fait d’être l’épouse d’un résistant, sa mère ou sa sœur, ou son amie. Cette aide passive, et néanmoins complice, n’était pas négligeable. Il arrivait même que « certaines prennent l’initiative et entraînent le reste de la famille. » Doit-on rappeler que Vichy a développé un discours hostile aux femmes, les accusant même d’être la cause de la défaite ?
Lorsque la Résistance commence à s’organiser, les femmes vont être intégrées à des missions où leurs qualités propres vont faire des merveilles. Ainsi, nous dit Dominique Missika, les femmes, dans les réseaux d’évasion, sont « jugées plus habiles et discrètes » que les hommes. Il s’agissait ici de récupérer des aviateurs anglais abattus par les Allemands, et de leur faire franchir les Pyrénées jusqu’à l’Espagne, pour ensuite qu’ils soient en mesure de gagner l’Angleterre. Il pouvait s’agir aussi de faire évader des officiers français retenus dans des camps. C’est ainsi qu’une religieuse, la sœur Hélène Studler, à Metz, « met en place son propre réseau, aide ses [protégés] à fuir avant qu’ils ne soient dirigés vers l’Allemagne ou ceux déjà internés dans des oflags ou des stalags ‒ dont François Mitterrand et son ami Roger-Patrice Pelat. »
Le CVF : Corps des volontaires françaises
À Londres, de Gaulle, sous la pression notamment de la championne de tennis Simonne Mathieu, décide d’organiser une unité d’auxiliaires féminines. Ce sera le Corps des volontaires françaises (CVF) : « L’objectif est de remplacer tous les hommes aptes au combat par des femmes dans des emplois qu’elles peuvent exercer. » La France libre va par ailleurs confier à un personnel en grande partie féminin les écoutes radiophoniques. « Ce service est mis sur pied en trois mois par une Belge, Angelina Herincx, alias Kerguelen… » Il faut aussi noter qu’à la direction générale de l’information, travaillent « un grand nombre de rédactrices dont Miriam Cendrars, la fille du romancier et poète Blaise Cendrars ».
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De leur côté, les Anglais choisissent de créer un service de renseignement, le Special Opening Executive (SOE), pour lequel ils recruteront beaucoup de femmes de toutes nationalités, qui seront parachutées en France. Les gaullistes de Londres, par opposition, auront toujours des hésitations à envoyer leurs ressortissantes sur le terrain. Ces missions seront réservées aux hommes.
Et pourtant, dans la France occupée, les femmes résistantes auront des tâches diverses, qu’elles sauront mener à bien. Elles s’emploient par exemple au codage et au déchiffrage des messages secrets. Elles sont aussi opératrices radio, ou encore agents de liaison. Comme l’écrit Dominique Missika : « Une jeune femme, gaie et souriante, franchit plus facilement qu’un homme un contrôle. » C’est une femme, Marie-Madeleine Fourcade, qui se trouve à la tête du plus important réseau de renseignement de la Résistance, dénommé Alliance, avec un quart d’agents féminins. Autre exemple, resté fameux : la chanteuse Joséphine Baker « peut mettre à profit ses tournées dans les pays neutres pour transmettre ou glaner des informations. » Notons également l’importance des femmes dans la presse clandestine de ces années-là, avec des titres célèbres comme Combat, ou Les lettres françaises auxquelles participaient entre autres Aragon et Paulhan.
Une répression violente sans distinction de sexe
La répression allemande, en réponse, s’exerçait de manière impitoyable, sans distinction de sexe. Les femmes risquaient autant que les hommes. Ainsi pour Olga Bancic, membre de l’organisation clandestine Main-d’œuvre immigrée (MOI) et « intégrée dans le 1er Régiment des FTP-MOI de Missak Manouchian en 1943 ». Elle avait la responsabilité d’un dépôt d’armement. Arrêtée par la police française avec d’autres militants FTP-MOI, le 16 novembre 1943, elle est au cœur de la célèbre affaire dite de l’Affiche rouge. Olga Bancic, après un simulacre de procès, sera « déportée, d’abord à Karlsruhe, puis à la prison de Stuttgart où, le 10 mai à 5 heures elle est décapitée à la hache. »
Ces femmes résistantes venaient de trois horizons sociologiques principaux : chrétien, communiste et, bien sûr, juif. C’était peut-être la foi qu’elles portaient en elles qui leur permit d’endurer avec autant de courage, lorsqu’elles étaient arrêtées, les interminables interrogatoires, la torture, la prison, et enfin, pour quelques-unes, la déportation dans des camps, en particulier celui de Ravensbrück. Certaines ont résisté jusque dans ces camps, où une solidarité entre femmes était effective. Pour les plus héroïques, la résistance alors consistait à essayer à tout prix de rester en vie, et à garder en mémoire ce qu’elles subissaient pour pouvoir, plus tard, en témoigner. Comme le dira Germaine Tillion : « Si j’ai survécu, je le dois, d’abord et à coup sûr, au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et, enfin, à une coalition de l’amitié ‒ car j’avais perdu le désir viscéral de vivre. »
Ce livre de Dominique Missika, édité par Gallimard avec le soutien du ministère des Armées, est un passionnant document sur la place des femmes pendant une période de guerre. Le lecteur ne peut qu’admirer le courage spontané de ces « actrices de l’histoire », qui ont su apporter, en cette occasion, selon Dominique Missika, la preuve naturelle de leur efficacité, complémentaire de celle de leurs compagnons d’armes.
Résistantes 1940-1944, de Dominique Missika. Éd. Gallimard/Ministère des Armées.
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