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Quand Dominique Forma va au Cap d’Agde

"Coups de vieux", un roman noir désabusé sur le vieillissement


Quand Dominique Forma va au Cap d’Agde
Dominique Forma. Crédit : Astrid di Crollalanza.

 


Sur fond d’intrigue policière autour d’un vignoble en faillite, Dominique Forma donne, avec Coups de vieux, un roman noir passionnant et désabusé sur le vieillissement.


Dans une autre vie, Dominique Forma a été réalisateur à Hollywood où il a fait tourner Jeff Bridges dans le thriller musclé La loi des armes (2001). Puis il est rentré en France où il a écrit des romans noirs et notamment Hollywood Zero qui racontait de l’intérieur la vie des seconds couteaux dans les grands studios. C’était drôle, cruel, documenté, subtil et surtout ça n’était pas un livre obèse comme tant de polars aujourd’hui qui ont souvent cent ou deux cent pages de trop.

Un polar comme on les aime

Est-ce là-bas qu’il a vu qu’un des ressorts possibles pour une bonne histoire policière, c’est un duo que tout oppose, façon 48 heures ou encore L’arme fatale ? En tout cas, c’est cette vieille recette toujours efficace qu’il applique dans Coups de vieux, un polar comme on les aime, c’est à dire qui se passe ici et aujourd’hui. On est du côté de Béziers et des plages de l’Hérault, en particulier au Cap d’Agde, capitale estivale de l’échangisme, de la partouze en plein air et autres libertinades. Tout commence par un meurtre et un incendie, simultanés. L’incendie ravage une boite de nuit haut de gamme en construction au milieu des vignobles. C’était le projet de Luc Dallier, héritier d’un château pinardier qui n’arrive plus vraiment à écouler sa production. Le soir de l’incendie, au même moment, André Milke, journaliste à la retraite, ancien mao castagneur et ami de Dallier va tenter sa chance dans la Baie des Cochons, cette partie du Cap d’Agde où les rencontres sexuelles en plein air et en fin de journée, sont des plus faciles. Il tombe sur une jeune femme offerte, entre deux dunes.

Secrets de famille, affairisme, drogue et sexe

Le premier problème, c’est qu’elle est morte. Le second, c’est que Milke la connaît : c’est la compagne de Dallier, Emma.  Avec ce point de départ, Dominique Forma nous tisse une intrigue bien menée qui mêle secrets de famille, affairisme, drogue et sexe. Mais Coups de vieux est aussi un roman avec des personnages d’une sacrée épaisseur.

Au premier chef André Milke, le gaucho et Clovis Martinez, ancien de l’OAS, aussi attachants l’un que l’autre avec leur spleen désabusé et leurs colères rentrées. Ces deux-là se connaissent depuis un bout de temps. Tout les oppose sauf l’essentiel, un goût chevaleresque et anachronique pour les causes perdues. Ils s’entendent comme chien et chat mais ne vont pas hésiter, ensemble et à leurs risques et périls, à dénouer un écheveau où Nicolas, le fils de Dallier, alcoolique mondain et toxico en décapotable, Anaïs Lylle, l’assistante du père qui cache derrière son efficacité des fêlures qui mènent vite à la trahison et Alexe, la libertine assumée, vont jouer chacun leur chance.

Il se dégage aussi de Coups de vieux une jolie méditation sur le vieillissement, sur la nostalgie, sur cette impression, passé soixante piges, qu’il est temps de s’apercevoir qu’on n’a plus rien à perdre.

« Il existe deux formes d’attraction sexuelle… »

Sans compter que Dominique Forma, qui excelle dans la peinture des désirs inavouables, et des pulsions incontrôlables, sait aussi, à l’occasion, avoir la plume d’un moraliste, sceptique, précis et indulgent comme savent l’être, parfois, les grands du roman noir. Qu’on en juge plutôt : « Il existe deux formes d’attraction sexuelle. Pas plus. La première rassure, la seconde bouleverse. La première nous ressemble. Nous évoluons en terrain répertorié. Elle nous confirme ce que nous sommes. L’autre ébranle nos certitudes, elle fascine, nous forçant à franchir le Rubicon. En terre inconnue, au sel du plaisir, s’ajoute l’épice de l’inquiétude. »

Coups de vieux, Dominique Forma (Robert Laffont)

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