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Dominique de Villepin, l’homme de droite préféré de l’extrême gauche

Un antisionisme rabique?


Dominique de Villepin, l’homme de droite préféré de l’extrême gauche
Dominique de Villepin sur France inter. YouTube.

Les positions de Dominique de Villepin sur le Proche-Orient en font le chouchou de l’extrême gauche. Il était invité hier à la Fête de l’Humanité, où un meilleur accueil lui a été réservé qu’à l’ex-Insoumis François Ruffin lui-même! Il y a affirmé que « nos démocraties se sont égarées dans une surenchère sécuritaire et identitaire », et a estimé que la résolution de la question palestinienne était nécessaire à la création d’un « nouvel ordre mondial. » Comment expliquer que l’ancien ministre de Chirac, qui se revendique « non atlantiste » et « républicain », se retrouve sur la même ligne que les communistes ou les Insoumis concernant Israël ?


Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre, a délivré sur France Inter le 12 septembre un discours rageur sur Israël et Gaza qui fait écho à l’antisionisme des banlieues islamisées et à celui de la France insoumise. Selon lui, les journaux ne parleraient pas du conflit (!) : « On a Gaza qui est sans doute le plus grand scandale historique des… je n’ose même pas donner de référence, Gaza dont plus personne ne parle. C’est le silence, la chape de plomb. Je suis obligé de googler pour trouver une brève… Ah ! C’est la guerre ! Mais ce n’est pas une guerre tout à fait comme les autres, puisque ce sont des populations civiles qui meurent… »

L’extrême gauche pense que la guerre d’Israël à Gaza est un génocide

L’explosion des actes antisémites à la suite immédiate du pogrom du 7 octobre, avant même que l’armée israélienne ait commencé sa guerre à Gaza contre le Hamas, l’acceptation sans vérification des allégations du Hamas concernant le nombre de victimes civiles, l’affirmation absurde que le monde assiste à Gaza au pire génocide de l’époque contemporaine, tout cela ne peut se comprendre sans connaître les ressorts universels de l’antisémitisme et son histoire.

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L’islam et le christianisme ont eu besoin de soumettre la religion juive qu’ils voulaient remplacer. Mais face à la résistance opiniâtre des juifs qui ne voulurent pas se convertir, ils en ont fait un Satan inhumain, cupide, dominateur, rival de Dieu, tueur de prophètes. Par la suite, la nouvelle puissance des juifs libérés du ghetto et de la ségrégation par la Révolution française et Napoléon suscita des peurs et des jalousies et renouvela en quelque sorte l’image satanique du juif dont la réussite ne pouvait s’expliquer que par la perfidie et la ruse. Cette fantasmagorie déjà présente dans le christianisme et l’islam des origines restait présente en effet dans l’histoire de l’Europe, depuis le Moyen-âge où les juifs furent accusés de mille diableries, dont le crime rituel, l’empoisonnement des puits et la propagation volontaire de la peste. On retrouve cette vision paranoïaque des juifs dans maints écrits, dont le fameux « Protocole des sages de Sion », très diffusé aujourd’hui encore dans tout le monde musulman. L’extermination des juifs par les nazis fut justifiée par une sorte de légitime défense face au bolchevisme supposé dirigé en sous-main par les juifs et face au capitalisme apatride des banques juives. Mais depuis la Shoah, les juifs ont appris à se défendre en ayant à la fois un État et une armée, ce que nombre d’entre eux souhaitaient depuis l’affaire Dreyfus et les pogromes antisémites de Russie (les premiers sionistes). La diabolisation persistante des juifs dans l’inconscient collectif chrétien et musulman prit alors pour objet l’État des juifs et ainsi l’antisémitisme put se réhabiliter par la grâce de l’antisionisme, les juifs restant ainsi toujours identiques à eux-mêmes pour les antisémites : cruels et dominateurs, tueurs d’enfants et d’innocents, et avides de conquête universelle. 

Un petit État-nation anachronique à l’heure de la mondialisation heureuse

Par ailleurs, depuis 1967, il est devenu très difficile, pour les personnes appartenant aux milieux éduqués dans l’esprit du « plus jamais ça », du nouveau pacifisme européen qui abhorre les nationalismes étriqués et guerriers, et voit dans l’Europe et la mondialisation la chance d’un monde ouvert et libéral, de garder une vision objective sur le conflit israélo-arabe. Israël, pour eux, est un État répulsif sur le mode des États-nations du passé. À cette première tare s’ajoute pour ces personnes de culture chrétienne devenues plus ou moins agnostiques, la deuxième tare d’un État fondé sur une religion. En tout cas, c’est ainsi qu’ils voient Israël, en méconnaissant totalement les aspirations nationales du peuple juif qui ne sont pas nécessairement liées à la religion. Ils adoptent sans discussion le narratif palestinien de la même façon qu’ils nient la gravité des problèmes d’islamisation dans de nombreux quartiers de France. Ils ont gardé du christianisme, réduit à des « vertus devenues folles » à la fois un certain masochisme qui les conduit au suicide civilisationnel, une tolérance apitoyée et aveugle pour leurs pauvres et un antisémitisme soigneusement refoulé. Ils sont ce que j’appelle des demi-sachants qui ne connaissent le conflit que par des lectures biaisées et partiales, en conformité avec leurs propres préjugés. La gauche, de son côté, qui avait les yeux doux pour un petit Israël menacé par toutes les armées arabes, voit depuis 1967 Israël comme un Goliath surpuissant face à de pauvres et faibles Palestiniens, et cette fantasmagorie correspond à son amour irraisonné et aveugle pour les damnés de la terre. L’antisémitisme traditionnel dans les cultures chrétienne et islamique s’allie désormais à un antisémitisme de gauche pour condamner et diaboliser l’État juif.

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Plus gravement encore, les bien-pensants juifs et non juifs ont gardé un esprit occidental qui ne comprend pas l’Orient arabe. Ils croient que les Palestiniens veulent seulement un État à eux, cet État qu’ils ont depuis 1947 toujours refusé d’établir à côté d’Israël. Ils ne comprennent pas que l’objectif des Palestiniens, poursuivi obstinément, c’est justement de ne pas voir exister un État juif souverain sur ces terres qui, selon eux, appartiennent de plein droit à l’islam, un pays de « colonialistes », d’ « étrangers » illégitimes. Les dirigeants palestiniens ne sont pas stupides. Ils savent ce qu’ils veulent et feront tout pour atteindre leur objectif. Pour eux, c’est cela qu’ils appellent la justice pour la Palestine et pour cette justice, ils sont prêts à tout sacrifier. La gauche israélienne elle-même, désormais en perdition, et les Européens, ne comprennent décidément pas bien les enjeux de ce conflit centenaire.




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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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