Notre ministre de la Santé aime son job. Un peu fade sans être modeste, il est aujourd’hui en pleine lumière, auréolé par sa mission auprès du président Macron – notre guide. Des questions ?
— C’est un bon ministre de la Santé, non ?
— Oui, oui.
— Vous ne trouvez pas que c’est un bon ministre de la Santé ?
— Mais si, mais si.
— Vous préfériez Bachelot ?
— Mmh !…
— Kouchner ?
— Au secours !
— Douste-Blazy ?
— Ha ! Ha !
— Alors quoi ?
— La situation de l’hôpital public est désastreuse, vous ne trouvez pas ?
— Ce n’est pas pour me vanter mais il y a pire, on n’est pas en Slovénie !
— Ce gouvernement a toujours raison. Quand une erreur est commise, on nous enfume ou on s’excuse comme on crache un pépin.
Spécialité française : jamais de mea culpa, sauf sur la poitrine de votre adversaire.
— Il fait ce qu’il faut faire, et il ne dit pas ce qu’il ne faut pas dire – la médecine est un art incertain, la politique aussi.
— Justement, il aime trop son job.
— Quoi, neurologue ?
— Non, ministre de la « Guerre » ! Rien de plus grisant que d’affronter les vagues. Et une, et deux, et trois, on en est déjà à la cinquième. Et maintenant l’Omicron, yahou !
— C’est quand même une lourde responsabilité.
— Pour réussir, il ne faut pas être trop ouvert au dialogue, il suffit d’être sourd et content de soi – il n’a qu’à demander conseil à Macron.
Jusqu’à quand va-t-on prendre les infirmières et les aides-soignants pour des pommes ?
— Vous avez raison, c’est un scandale, mais les Français sont insupportables. On ne peut plus rien leur dire sans les entendre hurler – sous chaque revendication, une invective.
Aujourd’hui, il n’y a plus de différence entre le conformisme et la révolte, ça ne rime à rien. Regardez ce pauvre Mélenchon !
— De Profundis !
— Véran a l’air sincère, je trouve.
— On ne peut pas à la fois être sincère et en avoir l’air, vous savez bien.
— C’est un bon garçon – ses amis l’appellent « Bob » !…
— Il aime trop la lumière.
— À son âge, quand on a un tabouret dans la war room, on ne va pas se déguiser en soldat inconnu !
— Vous vous souvenez pourquoi on a viré Jean-François Mattei, le ministre de la Santé de Chirac, en 2004 ? À cause de la canicule : 15 000 morts ! Je vous parie que le bon Dr Véran s’épargnera ce désagrément. Il va devenir un héros national, comme John Glenn ou Gagarine…
— Il est beaucoup moins aimé que Joséphine Baker… À propos, vous avez déjà eu le Covid, vous ?
— Non, pas encore.
— Vous n’êtes pas vacciné ?
— Cela ne vous regarde pas ! Je fais ce que je veux. Zut alors, on est en république !
— Je ne vous le fais pas dire : dans ce pays, on a des droits mais aussi des devoirs. En Chine…
— Je me fous de la Chine !
— Ça vous ennuierait de remettre votre masque sur le nez ?… Mais vous avez raison, la dictature, ça ne marcherait pas chez nous, on est trop indisciplinés.
— Vous plaisantez ! On est les champions de la servitude volontaire. Les Français adorent le pouvoir absolu, à condition qu’il soit faible, c’est nul.
— Vous avez mal dormi, vous.
— J’ai eu ma troisième dose hier.
— À la bonne heure. Grâce à qui ?
— Je ne crois pas à la potion magique mais je me méfie, j’anticipe. Avec eux, ce qui est prévu est facultatif, mais ce qui est facultatif deviendra obligatoire.
— Mais enfin, c’est le virus qui décide – pas lui ni nous !
Vous savez bien que par définition toute vérité scientifique est réfutable, donc provisoire. Il est plus difficile d’être ministre de la Santé que d’être archevêque de Paris, ce n’est pas Dieu qui vous soufflera les bonnes réponses.
— Les statistiques ont remplacé les hommes, les grands corps malades ont supplanté les âmes, le sanitaire prime sur le salutaire. Alléluia !
La bonne réponse, on la connaît : ON N’EST PAS SORTIS DE L’AUBERGE, ce qui n’est pas une raison pour nous bassiner à heures fixes sur BFM !
— Il agit plus qu’il ne promet, il communique, que voulez-vous de plus ? Les vieilles dames de Passy l’adorent…
— Il ne supporte aucun contradicteur !
On est sommés de recueillir chaque miette qui tombe de sa bouche comme un oracle. Quand il n’a rien à nous dire, vite un micro !, on en est aussitôt informé. Et quand la situation sanitaire s’aggrave, on se sent honteux comme si on avait vomi sur la nappe.
— Vous aimeriez mieux un fakir comme Raoult ?
— Ne soyez pas idiot !
Je reconnais qu’il est habile – ni bêtement franc, ni franchement bête. Comme Macron ! Pour un peu, on croirait qu’il nous aime.
— C’est le virus qui est sournois, pas lui. Que craignez-vous ?
— On n’est pas des cobayes !
— D’accord mais quand certains osent comparer le pass sanitaire à une étoile jaune, avouez qu’il y a de l’abus.
— Ce n’est pas le Dr Mengele, je vous l’accorde.
L’esclandre, le dérapage, le pavé dans la mare, façon Dupont-Moretti ou Schiappa, c’est amusant mais ce n’est pas son genre. Eux, ils kiffent l’outrance. Lui ce serait plutôt le robinet d’eau tiède.
— C’est plus cool.
— Ah oui ?… « Faites ci ! Ne faites pas ça ! Lavez-vous les mains ! Votre masque ! Au lit ! Au trot !… » On nous traite comme des enfants. Vous trouvez ça cool, vous ?
— Selon une enquête récente, plus de 40 % des Français considèrent que les vaccins ne sont pas sûrs. Tragique, non ?
— Je vous confirme qu’ils sont inefficaces contre la connerie.
— Heureusement, il a de la chance, c’est une qualité, ça. Il a un peu menti sur la pénurie de masques au début mais moins que d’autres.
— C’est ça, le mensonge est une des formes de la liberté, tant que vous y êtes !
— Qui aurait fait mieux à sa place ?
— Aujourd’hui, hélas, on ne supporte plus les mauvaises nouvelles. Les gens ont besoin d’être rassurés et distraits en permanence. Il est là pour ça, c’est son rôle.
— Selon l’un de ses anciens camarades, Veran est « plutôt de gauche » mais il ajoute : « Tout est dans le plutôt » !
— Je vous répète qu’il imite le président en tout.
— Vous voulez dire qu’il est de droite ?
— Non, qu’ils ont les mêmes costumes !
— À votre avis, a-t-il une faille, une blessure secrète ?
— Oui, une ! Le ministre de la Santé, le vrai, s’appelle Emmanuel Macron.