Quarante-cinq avocats ont signé une pétition pour « sauver » les djihadistes français de Daech condamnés à mort en Irak. Ces bonnes âmes, qui ne voient les « déshonneurs » que quand ils sont loins, prétendent imposer leur loi au gouvernement irakien.
Un certain nombre de gens habituellement silencieux sur les guerres sanglantes menées par les États-Unis ou par la France comme en Libye et aussi, il faut le dire, en Syrie, ont jugé utile de prendre la pose et de se prétendre combattants infatigables contre la peine de mort. Des avocats ont en effet lancé une pétition pour demander à la France d’intervenir pour éviter qu’en Irak la peine capitale soit appliquée à des combattants coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Les avocats des diables
La justice irakienne a donc condamné à mort 11 français qui avaient rejoint Daech pour se livrer sur le territoire d’un pays souverain à une guerre barbare. Nous savons tous les exactions abominables commises par ces gens, qui ont quitté la France précisément pour les commettre et peut-être devrions-nous faire preuve d’un peu de modestie et de moins d’arrogance vis-à-vis d’un pays martyrisé depuis la guerre d’agression commise contre lui par les États-Unis et une coalition internationale que beaucoup de nos belles âmes avaient fermement soutenue. Ce crime relevant de la justice internationale n’a pourtant jamais été puni, alors qu’il a provoqué des centaines de milliers de morts, des centaines de milliers de réfugiés, et était à l’origine directe de la création d’une organisation terroriste qui a porté la mort jusque chez nous.
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On notera l’hypocrisie de tous ceux qui restent muets sur la responsabilité de ceux qui ont mis cette région à feu et à sang. Et sur celle de la France, dont il faut rappeler qu’elle a armé les djihadistes en Syrie. L’hypocrisie de ceux qui ne semblent voir aucun inconvénient à la vente d’armes à l’Arabie saoudite pour écraser dans des conditions abominables la population du Yémen. Et qui, bien sûr, ont trouvé parfaitement normale la répression de masse, policière et judiciaire, qui s’est abattue sur les gilets jaunes, à coups de violations des libertés fondamentales. Pour les signataires, tout ceci n’est pas grave, ce n’est pas de nature à porter « une tache sur le mandat d’Emmanuel Macron », mais en revanche, ne pas obtenir le retour des criminels djihadistes en France, ce serait affreux.
Plus c’est loin, plus c’est bien
Les violations des libertés publiques, les atteintes permanentes à la liberté d’expression, à la liberté de manifestation, les lois scélérates, les incroyables violences policières qui scandalisent l’opinion internationale, tout cela n’a aucune importance. J’avais relayé une pétition d’avocats français publiée comme celle-ci par Franceinfo. Elle dénonçait les conditions dans lesquelles était mise en œuvre la répression décidée par Emmanuel Macron comme seule réponse au mouvement social des gilets jaunes. Un petit pointage permet de constater l’absence de ceux pour qui la compassion et la défense des principes, sont à géométrie variable. L’engagement, plus il est géographiquement lointain, mieux c’est. On fera une exception pour le grand Henri Leclerc, ce qui ne surprendra personne.
J’invite à lire attentivement cette pétition qui prétend défendre des principes mais n’est en fait qu’un texte ronflant d’une étonnante arrogance, donneur de leçons tous azimuts, et finalement quelque part assez lâche.
On ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses combats
Il nous rappelle avec grandiloquence que la peine de mort a été abolie en France en 1981. Je considère pour ma part que cette abolition, dans sa dimension humaine et symbolique, fut essentielle. Et c’est pour moi une fierté que mon pays n’use plus d’un châtiment inutile qui rabaissait l’État au rang des assassins – on rappellera simplement qu’une vie entière entre quatre murs c’est également une terrible violence. Fort bien, mais nos vaillants signataires oublient de rappeler que cette abolition s’est faite dans un pays en paix, dans lequel le Code pénal, où était inscrite la sanction suprême effacée, est l’outil juridique dont dispose l’État pour combattre la délinquance, c’est-à-dire ceux qui violent les lois, et commettent des infractions dites de droit commun. Et ceux qui s’en servent s’appellent dans une société pacifiée la police et la justice qui défendent dans la légalité l’ordre public. Ces règles sont celles que le peuple français a souverainement adoptées pour le territoire où s’exerce cette souveraineté. Vouloir les exporter est très honorable si on les pense universelles et il faut diplomatiquement y travailler. Quoique pour l’instant, par exemple, il semble que Madame Parly, guère critiquée par les belles âmes signataires, préfère envoyer des armes à l’Arabie saoudite pour écraser un peuple voisin, plutôt que de lui recommander d’arrêter de décapiter au sabre tous les jours dans ses rues.
La justice irakienne à la lanterne
Le problème, c’est que l’Irak est en guerre et n’a connu que cet état depuis 16 ans. Que cette guerre lui a été imposée par l’Occident, seule la détermination de Jacques Chirac nous ayant permis d’en éviter le déshonneur. Ce pays subit donc aujourd’hui avec le djihadisme une guerre atroce et une grande partie de ses ennemis vient de l’extérieur y apporter la barbarie. L’Irak d’aujourd’hui est toujours en guerre, applique les lois de la guerre qui prévoient le châtiment des coupables de crimes de guerre, et cela relève de sa souveraineté de considérer que ces crimes-là peuvent encourir la peine de mort. Présenter tout ceci comme un problème de répression de la délinquance avec obligation d’appliquer nos propres règles est absolument malhonnête.
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« La France n’a pas voulu rapatrier ses ressortissants et a préféré les exposer à la peine de mort et à des procès expéditifs dont nous savons qu’ils méconnaissent gravement les droits de la défense », nous dit la pétition. Ah bon ? J’aurais plutôt pensé que le reproche que l’on pouvait faire à la France, c’était de ne pas avoir été capable d’empêcher un certain nombre de ses ressortissants d’aller en Irak y commettre des atrocités. Que les premiers responsables de cette exposition à la peine de mort étaient justement ces ressortissants. Et que c’est peut-être pour cette raison qu’un minimum de modestie et de discrétion s’imposait.
La loi, c’est eux
Et puis il y a cette phrase étonnante de prétention : « Des procès expéditifs dont nous savons qu’ils méconnaissent gravement les droits de la défense. » Ah c’est cela, tous ces gens savent, ils savent absolument, comment doit fonctionner une justice, que ce sont eux qui ont le bon système, les bonnes valeurs, les bonnes références et qu’on ne peut pas faire confiance aux Irakiens. Parce que ce sont des Arabes ? Mesurez-vous, chers signataires, l’arrogance coloniale, pour ne pas dire plus, de cette façon de donner des leçons à un pays souverain à ce point confronté au malheur ? Et puis dites donc, on ne vous a pas beaucoup entendu lorsque Saddam Hussein a été pendu, je ne me souviens pas avoir lu de pétition. Cette fois-ci, c’est parce que les condamnés sont Français ? Pendre Saddam Hussein, c’était un règlement de comptes entre sauvages, c’est ça ?
Au-delà d’une petite opération politicienne évidente, cette grandiloquence, cette hypocrisie, cette arrogance sont finalement le masque d’un « occidentalisme » idéologique, celui qui avait justifié et applaudi l’agression voulue par George Bush, celui qui justifie la mise à feu et à sang du Moyen-Orient qui dure toujours.
Et pour ensuite venir donner des leçons à ceux qui en sont les victimes.
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