Jusqu’où ira-t-on trop loin dans la lutte contre la stigmatisation ? Le débat vient d’être relancé ce matin par le présentateur du JT de BFM-Business. Ouvrant son journal de 8h, comme tous ses collègues des autres chaines par la prise d’otages de Sydney, il a expliqué que celle-ci était due à « un homme aux motivations vraisemblablement politiques ». On n’en saura pas plus.
En l’état actuel des choses, cette façon de présenter l’info appelle quelques corrections factuelles.
Tout d’abord, il semblerait, d’après toutes les dépêches d’agences, que les motivations du preneur d’otages soient explicites. Certes, on ne peut écarter d’emblée l’hypothèse d’un joyeux fêtard imbibé de bière –on en boit beaucoup par là-bas. Donc mon estimable confrère aurait dû parler, soit d’un «homme aux motivations possiblement politiques » soit d’un «homme aux motivations manifestement politiques ». La seconde option paraissant tout de même beaucoup plus raisonnable, notre preneur d’otages n’ayant pas vraiment les mêmes préoccupations que le buveur de bière australien standard, à preuve, il a demandé, en plus d’une ligne directe avec le premier ministre australien, qu’on lui amène un drapeau de l’Etat Islamique.
Ce qui nous amène à notre deuxième correctif mineur. Toutes les dépêches indiquent en effet qu’avant même de disposer d’un fanion officiel de l’Etat Islamique, le preneur d’otages a, dès qu’il s’est rendu maitre des lieux, aussitôt affiché sur la vitrine du Café Lindt un drapeau noir où l’on pouvait lire un texte en arabe qualifié par tous les envoyés spéciaux de « profession de foi musulmane ». Compte-rendu de mes très faibles connaissance en langue arabe, cette dernière info reste à vérifier, mais il y a fort à parier que ladite inscription ne signifie pas « Joyeux Noël à tous » ou bien « Lindt, c’est pas bon, nous, on préfère les Ferrero Rocher! »
Il n’est certes pas à exclure qu’on ait affaire à un total cinglé. Mais un fou furieux islamiste est à la fois un fou furieux ET un islamiste. Ceci n’empêche pas cela. Une légère amodiation supplémentaire s’impose, ce qui donnerait donc , cher confrère, une ouverture du genre « Un terroriste aux motivations manifestement islamistes a pris des otages au Café Lindt à Sydney ».
Cela dit, s’il avait dit les choses aussi clairement peut-être se serait-il exposé à l’accusation de vous-savez-quoi. Or le vous savez quoi est un danger qui nous menace tous. Ainsi d’après les sites spécialisés dans la mesure du buzz, le hashtag #Illridewithyou est au moment ou j’écris ces lignes, le mot-clic le plus utilisé au monde. L’idée précise de ce tag « Je voyagerai avec toi » c’est de signifier aux musulmans porteurs de signes extérieurs de musulmanitude dans les transports publics qu’on ne changera pas de bus ou wagon (ou d’avion ?) à cause de leur djellaba ou de leur burqa. L’idée générale est semble-t-il de lutter, lâchons-le mot, contre l’islamophobie.
Pour l’instant, personne ne pourra accuser d’islamophobie mon très prudent confrère de BFM-Business. On espère néanmoins que la caractérisation du preneur d’otages sera réévaluée dans les JT à venir de la chaine, sans que le supposé djihadiste coupe quelques têtes pour prouver qu’il est bien ce qu’il est , et que certains ont un peu de mal à nommer.
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