« Les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. » C’est en ces termes que les députés viennent de voter un amendement déposé par le garde des Sceaux, qui permet désormais de se séparer en quinze jours, sans qu’un juge intervienne. S’il y en a un que cette disposition aurait vivement mécontenté, c’est Balzac. Une des grandes inquiétudes de La Comédie humaine concerne la famille : « La base des sociétés humaines sera toujours la famille. Là commence l’action du pouvoir et de la loi », fait-il dire à son Médecin de Campagne (1833).
Balzac pourrait ainsi venir au secours de l’UNAF[1. Union nationale des associations familiales.], pour qui le juge, dans le divorce, « assure, par son indépendance et son impartialité, la protection du conjoint le plus vulnérable ». On trouve une parfaite illustration de ce rôle dans L’Interdiction (1839), quand la cupide marquise d’Espard s’empare de la fortune de son mari, bon bougre lunatique, en le faisant enfermer.[access capability= »lire_inedits »] Elle ne voit, pour s’opposer à ses desseins, que l’intègre juge Popinot : « Les juges, madame, reprit le bonhomme, sont assez incrédules, ils sont même payés pour l’être, et je le suis. »
Même remarque pour la Conférence des évêques de France qui affirme : « Le mariage est une institution au croisement de l’intime et du public. Le divorce sans juge occulterait ce caractère institutionnel du mariage au profit d’un caractère contractuel. » Cette fois-ci, c’est le Balzac de la Physiologie du mariage qui est à la manœuvre. Tout en souhaitant des réformes dans ce texte drôle et rabelaisien, il note cependant : « Le mariage peut être considéré politiquement, civilement et moralement, comme une loi, comme un contrat, comme une institution : loi, c’est la reproduction de l’espèce ; contrat, c’est la transmission des propriétés ; institution, c’est une garantie dont les obligations intéressent tous les hommes. »
Combat d’arrière-garde de quelques réacs, Balzac le premier ? Il faut croire que non. Le mariage hédoniste et le divorce comme produit de consommation ne plaisaient pas non plus au philosophe communiste Michel Clouscard dans Le Capitalisme de la séduction (1981), qui voyait une vraie hypocrisie « phallocrate » dans le désir « que la femme “réussisse” son divorce » pour mieux la lancer sur le marché du travail, « où on réussira à en faire une chômeuse ».
Urvoas est donc bien un vrai ministre socialiste d’aujourd’hui : la preuve, il est attaqué et sur sa droite et… sur sa gauche.
L’interdiction, Balzac, Folio.
Physiologie du mariage, Balzac, Folio.
Le Capitalisme de la séduction, Michel Clouscard, Éditions sociales.[/access]
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