Le CRAN, Conseil Représentatif des Associations Noires, est formel : quel que soit le résultat du vote de dimanche, il y a fort peu de candidats d’origine allogène sur les listes pour les européennes et il y en aura encore moins parmi les élus. Et comme le CRAN ne parle pas dans le vide, il a compté les Noirs, les Arabes et les Asiatiques ou plus précisément, ceux dont le « ressenti d’appartenance » laisse penser qu’ils sont noirs, arabes ou asiatiques. En effet, le communiqué fait état « d’une étude basée sur le « ressenti d’appartenance », c’est-à-dire sur les Français ressentis comme noirs, arabo-maghrébins ou asiatiques » et qui porte sur 69 candidats. S’agit-il de listes ou de candidats ? Et est-il question « du ressenti » des intéressés ou de celui des autres ? Ce n’est pas très clair. On pourrait chipoter sur le caractère scientifique de l’étude, mais c’est pas notre genre. Intéressons-nous donc aux résultats : 45 candidats divers au total pour les six listes principales, mais seulement 5 ou 6 qui ont des chances de siéger à Strasbourg, sur les 72 Français que compte l’Europarlement. Ce qui nous donnerait, nous aussi on sait compter, 8 % de divers parmi les élus.
Il paraît qu’on peut et qu’on doit mieux faire. Seulement, le CRAN se garde bien de nous dire quel est l’objectif à atteindre. À partir de quel pourcentage de divers pourra-t-on déclarer qu’il a été mis « un terme aux pratiques discriminatoires auxquelles ont recours, consciemment ou inconsciemment, les partis politiques dans le choix de leurs candidats aux élections, et en particulier des candidats en position éligible » ? Dans cet esprit de comptage ethnique, l’extrême droite pourrait s’émouvoir de la sous-représentation des Français de souche dans la liste antisioniste – quoi qu’elle-même y soit fort bien représentée. Peut-être bien qu’un combat impérieux contre un ennemi puissant est de nature à faire taire les divergences entre divers et non divers.
Quoi qu’il en soit, il ne faut donc pas croire ce que l’on voit : Harlem, Rachida et Dieudonné ne sont que les arbrisseaux qui cachent la forêt des préjugés enracinés. C’est mal.
Reste à savoir comment on pourrait pallier cette ignoble béance démocratique. Depuis quelques années, une solution magique existe, qui a l’insigne avantage de plaire d’ordinaire au chef de l’Etat : l’instauration de quotas. Mais là, problème : il y a déjà un quota de femmes aux européennes (comme d’ailleurs aux municipales et aux régionales) depuis l’invention des listes chabada : il faudrait donc démanteler cette mixité forcée pour garantir l’accès des issus de la diversité à l’hémicycle de Strasbourg ou, ce qui deviendrait très compliqué, la doubler par des exigences ethniques. Après une enquête approfondie de vos serviteurs, il s’avère que le CRAF (Conseil Représentatif des Associations Féministes) est plutôt hostile à cette solution, qui, en revanche, est accueillie assez favorablement au CRAI (Conseil Représentatif des Associations Intégristes). En revanche, toujours aucune réaction du côté du CRAA, le très discret mais influent Conseil Représentatif des Associations Abstentionnistes. Il est vrai que cette dernière organisation n’entretient pas de bons rapports avec le CRAN, dans la mesure où elle préconise ouvertement la reconnaissance du vote blanc. Quant au CRIF, il préfèrerait qu’on l’oublie un peu.
Mais Patrick Lozès ne rigole pas. Le patron du CRAN n’est pas du genre à critiquer pour critiquer, il a des vraies solutions et demande au président de la République de « prendre rapidement des mesures fortes » pour les mettre en œuvre. Pour commencer, il propose à tous les partis politiques de signer une Charte de la diversité en politique. Bon, une Charte, on en a vu d’autres, la plupart du temps ça n’engage à rien, c’est plutôt une déclaration de bonnes intentions. Sauf que pour déjouer l’hypocrisie régnante, le CRAN suggère que seuls les partis qui auront accepté de signer et qui satisferont aux « exigences minimales en matière de diversité » puissent bénéficier du remboursement de leurs dépenses électorales. Pour le CRAN, c’est à cette condition qu’on pourra enfin croire que les responsables politiques « militent activement pour la diversité ». On avait déjà vus les partis chasser la femme. Ils vont bientôt pouvoir se disputer la prime au Noir, à l’Arabe et à l’Asiatique – qui lui, n’a rien demandé.
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