Mourir le 7 janvier, jour de la Saint-Charlie, la dernière provocation de Jean-Marie Le Pen
Albert Camus se plaisait à dire « J’ai une patrie : la langue française ». Incontestablement, Jean-Marie Le Pen manifestait aussi, et peut-être avant tout, son amour de la patrie – amour chez lui chevillé au corps – dans le beau souci qu’il avait du respect de la langue, de l’usage du bel et bon français. Qu’on fût d’accord ou non, on l’écoutait. On se laissait emporter par le flux parfaitement maîtrisé de la phrase, ample, cassante ou sèche, selon l’intention, et on partageait comme malgré soi la gourmandise avec laquelle l’orateur lâchait ses mots.
Le timbre était ferme, la diction assurée, la faconde chatoyante et l’ironie jamais bien loin. Des termes toujours choisis avec intelligence, avec précision, bien à leur place dans la mélodie de la phrase. Une syntaxe au cordeau. Un vocabulaire perlé, riche. Une langue en fête, quoi. Et surtout la saine et fraternelle préoccupation de se faire bien comprendre. Cela sans jamais descendre en gamme, sans sacrifier aux facilités du temps, aux viols permanents du langage que s’autorisent à l’envi les bateleurs encartés du moment. Je rêve d’une anthologie des discours, des propos, des répliques de Jean-Marie Le Pen dûment éditée et mise à la disposition des parlementaires, des élus d’aujourd’hui. Pour leur édification. Ils y gagneraient sûrement en qualité du verbe, et nous en agrément d’écoute. On peut rêver.
Il faudrait pour cela que nos actuels parlementaires aient l’humilité de bien vouloir constater la distance qu’il y a entre leurs éructations de cour d’école et les périodes oratoires quasi cicéroniennes de celui qui vient de passer ad patres. De celui qui vient de partir là où, tout antagonisme politicien aboli, il ne peut manquer de retrouver avec jubilation les Jaurès, les Maurras, les De Gaulle qui, comme lui, se faisaient un devoir intellectuel et moral de mêler en une seule et même passion, en une seule et même exigence l’amour de la langue et de la patrie.
Il y aurait bien des traits, des mots, des trouvailles, des saillies jaillis de sa bouche à retranscrire ici. Je me limiterai à cette seule réponse qu’il fit un jour à un journaliste. Réplique de théâtre d’ailleurs, plus que banale réponse : « Fasciste moi? Allons donc, je ne suis pas assez socialiste pour cela ! »
À défaut de s’inspirer de l’art oratoire de Jean-Marie Le Pen, nos élus du moment feraient bien de méditer ces quelques mots lâchés en riant à demi et qui sont pourtant d’une profondeur politique des plus éclairantes.
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