Le romancier et chroniqueur de radio est décédé d’une crise cardiaque le 16 juillet. La ministre de la Culture salue « une personnalité lumineuse, d’un humour sans pareil ».
Auteur d’essais iconoclastes (Requiem pour une avant-garde) et de romans (La Rebelle), Benoît Duteurtre avait naguère signé Chemins de fer, un récit aux allures de pamphlet, dont le thème principal était le démantèlement de la SNCF, service public converti de force aux dogmes de la flexibilité et du profit, pour lequel il n’y a plus ni usagers ni voyageurs, mais des clients.
Duteurtre disait bien, et avec humour, comment l’ancienne civilisation paysanne et industrielle, celle des fermes, des gares et des écoles où l’on apprend, disparaît, rayée de la carte par un système high tech, celui des « espaces propreté », des bases TGV pareilles à des stations orbitales et des 4×4 pour néo-ruraux. Avec lucidité, il décrivait la disparition des restes de l’ancien monde et l’avènement d’un tiers-monde délabré, souillé (tags et autocollants en volapük), à l’apartheid impitoyable. L’utopie rose bonbon d’une société paresseuse et libertaire cède la place à une réalité moins champêtre : une « économie d’escroquerie » justifiant les nouvelles servitudes au nom de l’idéologie du mouvement à tout prix.
Il récidivait tout récemment avec Le Grand Rafraîchissement, un amusant roman satirique sur notre postmodernité, et qui, à la suite de son décès aussi brutal que prématuré à 64 ans, devient une sorte de testament. Pince-sans-rire, Duteurtre imaginait que, après des années de canicules torrides censées faire payer à l’Occident un impardonnable péché d’orgueil, les températures repartent à la baisse. Nié dans un premier temps par les « experts », ce phénomène crée, par effet domino, toute une série de marches arrière.
Non sans courage, il s’attaquait, mine de rien, aux dogmes du « vivre ensemble ». Subtile, parfois hilarant, Benoît Duteurtre usait d’un style limpide pour décrire un monde qui marche sur la tête. Que la terre lui soit légère !
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