On ne sait pas si Hitler a déshonoré l’antisémitisme, mais Dieudonné semble bien parti pour ridiculiser l’antisionisme. À la tête d’un conglomérat de colistiers venus de tous les extrêmes et bien décidés à se réconcilier sur le dos des sionistes, il a exposé son idéologie : une vision du monde qui attribue aux juifs, pardon aux sionistes, tous les malheurs passés, présents et futurs de la planète, de l’esclavage à la grippe porcine en passant par l’apartheid et les ravages du capitalisme. Hollywood a même osé profaner la mémoire de l’esclavage en Amérique avec Autant en emporte le vent.
Hélas, on ne choisit pas ses ennemis. Fidèle à l’esprit de son article, et après être allée au charbon une première fois contre Soral, Elisabeth qui préfère combattre qu’interdire acceptait, à l’invitation de Sébastien Bardos du site fluctuat.net, de débattre avec Dieudonné, le 9 mai au Théâtre de la Main d’Or.
Nous décidons de l’accompagner. Notre amie Michèle Sarfati se joint à nous. Dans le théâtre, se trouvent une dizaine d’amis de Dieudonné. L’accueil est poli, on nous offre à boire, on se serre la main. Pendant que nous fumons une cigarette, Dominique Ducoulombier, l’un des membres de la liste, vient dire son admiration à Elisabeth pour avoir accepté la rencontre. « Vous aurez des problèmes pour ça », pronostique-t-il. Entendez, des problèmes avec le lobby. Manifestement, pour lui nous n’en sommes pas, pas tous les juifs c’est déjà ça. Nous nous prenons même à espérer que la rencontre pourrait avoir lieu. Après tout, nous avons tous (Gil excepté) fréquenté les mêmes écoles – de banlieue. À défaut de parler le même langage, nous avons la même langue.
Elisabeth et Dieudonné prennent place. La discussion s’engage. Nous vous laissons la découvrir.
Nous qui espérions quelques scoops sur le mystérieux lobby sioniste qui a la perversité de faire croire qu’il n’existe pas, nous resterons sur notre faim. Peut-on parler d’un monde commun quand on n’est pas d’accord sur le récit ? Faurisson ou Pétré-Grenouilleau ? « Vous avez vos historiens, j’ai les miens. » Si Elisabeth Lévy défend le droit des « antisionistes » à s’exprimer et participer aux élections, il n’est pas clair que ceux-ci feraient preuve de la même tolérance si d’aventure ils étaient au pouvoir.
Visiblement embarrassé par une pluie de questions pour lesquelles il semble dépourvu de la moindre réponse, l’ancien comique au bord de la noyade envoie comme des bouées de sauvetage ses mimiques éculées, ses blagues faciles et ses grossièretés navrantes.
Avant notre départ, un ancien responsable du FNJ nous offre deux fascicules, le Manifeste pour l’éradication du sionisme et Le lobby pro-israélien et la tyrannie du néo-libéralisme. (Contenant, entre autres délires, la liste des personnalités sionistes médiatiques dans laquelle Alain Finkielkraut suit Alain Afflelou, eh oui, c’est classé par prénoms. Dans la brochure, la liste n’est pas exhaustive, vous êtes invités à la compléter sur ce site…) Ils ont été publiés, précise-t-il, par l’ex-Verte Ginette Skandrani qui justement nous salue. Quel ciment peut bien sceller la réconciliation de ces deux là ?
Plus tard, nous nous demanderons à quel moment de cet « échange » Dieudonné a compris que l’avantage du one man show, c’est qu’on y est tout seul.
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