Yannis Ezziadi, dieudonniste repenti, raconte dans cette lettre ouverte les ravages de la sphère «Soral-Dieudonné», et s’insurge contre les excuses de son ancien gourou.
« […] L’affaire Merah n’est qu’un FAIT DIVERS ! Par contre la communauté organisée Judeo-sioniste elle à un vrai pouvoir ! Quand on vois que BHL declanche se qu’il a declancher alors qu’il n’est rien du tout, quand on vois que Dieudonné est INTERDIT de media (et en plus pas par la loi car il a gagné la quasi totalité de ses proces …) La il y en à qui merite un soutient ! Quand on vois que lorsque un juif est agressé c’est forcement un crime antisemite et que lorsque un arabe est agressé par un juif on etouffe l’affaire ... »[1]
Yannis Ezziadi, 19 septembre 2012 à 12 h 49.
Voilà le genre de message que j’envoyais dans les années 2010, lorsque j’étais fan de Dieudonné. Celui-ci, j’ai 21 ans quand je l’écris. Il est destiné à ma cousine qui me demandait pourquoi je publiais sur ma page Facebook des messages de soutien à Dieudonné. Je ne sais pas à quelle manifestation je faisais allusion. Peu importe. On voit bien le délire dans lequel je me trouvais. Et je n’étais pas seul ! Parmi mes amis de jeunesse, connus au lycée, les Dieudonnistes étaient légion ! Comment ai-je connu cet humoriste ? Dans le vidéo-club de mon village. Le type qui le tenait louait les DVD de Dieudonné (qui n’était pas encore le directeur de « conscience » dégueulasse qu’il deviendrait). Mon Dieu qu’il était drôle, il faut le dire. Un acteur, un vrai acteur, avec un incroyable talent comique. Je me délectais, hilare, de ses seuls en scène.
Purée conspirationniste
Et puis, petit à petit, ce fut la dérive de Dieudonné. Dérive dans laquelle il entraîna son public, moi y compris. La cuvette était pleine de ses fans, attirés par ses spectacles à pisser de rire. Il ne lui restait plus qu’à tirer la chasse pour les entraîner dans ses égouts nauséabonds où des merdes immondes les attendaient avec impatience. L’humoriste se transforma en gourou conspirationniste. Il désigna le responsable de son malheur et des nôtres : la communauté organisée. Les juifs, en l’occurrence. Les « sionistes » comme il disait, comme il répétait en boucle jusqu’à en faire un écran de fumée pour cacher son vrai projet. Voilà pourquoi il ne faut pas trop s’attarder sur son obsession du « peuple élu ». L’antisémitisme de Dieudonné n’est qu’un point de détail de son histoire. Il n’est peut-être même pas sincère. Il a choisi cela comme il aurait pu choisir autre chose, populiste qu’il est. Non ! Son grand crime, c’est son crime contre la vérité : son complotisme. Des années durant, ce gros pourri a bourré des millions de crânes vides de sa purée conspirationniste. Et avec quel succès ! C’est excitant, il faut dire, de penser que des groupes secrets et puissants (judéo-maçoniques, pédo-satanistes, qu’importe) dirigent le monde sans qu’on s’en aperçoive. Plusieurs heures par jour, j’étais pendu à ses interminables vidéos sur YouTube. Ses sketchs mêmes étaient complotistes. Dans l’un d’eux, portant sur l’attentat de Mohammed Merah, il disait : « C’est vrai que c’est une affaire où on ne sait pas grand-chose. On sait que Toulouse, ça existe ça ! Mais le reste, non, zéro. On ne sait pas. Ça pue à plein nez. » Là aussi ! Là encore ! On nous cachait la vérité. L’affaire Merah était sûrement un coup monté. Et nous – les abrutis que nous étions ! –, nous plongions dans la piscine du scepticisme, du doute, et en ressortions pleins de théories complotistes et merdeusement fumeuses. Dans le même sketch, Dieudonné disait : « Al-Qaïda, c’est une boîte assez sérieuse. C’est une boîte américaine ! » Tout, je vous dis ! Tout était complot. Heureusement, Dieudonné nous présenta nos sauveurs. Les révélateurs de la Vérité. Ils s’appelaient notamment Alain Soral, Robert Faurisson, Thierry Meyssan ou encore Blanrue. Voilà les excréments dont je vous parlais, ceux qui nous attendaient impatiemment dans les égouts de notre gourou de comique. Sans lui, je ne les aurais jamais connus. Merci Dieudo ! Des centaines d’heures passées à regarder ce malade de Soral sur son canapé rouge. Je crois bien qu’en fait, je ne comprenais rien à ce qu’il racontait. Pendu à ses lèvres, hypnotisé, je ne captais qu’une chose : on était manipulés par une élite satanique qui maquillait la vérité. La vérité que lui seul connaissait et révélait. Je comprenais que je ne pouvais plus croire en rien, que je devais douter de tout, y compris de ce que je voyais, y compris des faits. J’étais persuadé que ce type était brillant et, surtout, qu’il était un rebelle, un insoumis à la communauté organisée judéo-pédo-satano-maçonnique qui dirigeait le monde. Si Soral s’était tué en moto, j’aurais été persuadé que c’était un coup de la communauté organisée, bien maquillé en accident. Petit à petit, Dieudonné nous menait dans un bunker blindé, cent pieds sous terre, bien à l’abri de la vérité. L’enfoiré ! Ses vidéos faisaient des millions de vues, ne l’oublions pas. La secte se formait, grossissait. En tournant le dos aux faits (faux et truqués), nous étions persuadés d’accéder à la vérité vraie. Celle qu’on nous cache. Tonton Faurisson, lui, s’occupait de nous démontrer l’inexistence des chambres à gaz. Lorsque je revois aujourd’hui ses démonstrations, qu’est-ce que je les trouve connes. Mais à l’époque, ça m’excitait. « Moi, vous ne me niquerez pas comme ça ! » pensais-je alors. Et que Dieudonné ne nous fasse pas croire aujourd’hui que Faurisson, c’était juste pour la provocation. Car ça, à la limite, je pourrais encore l’accepter. Mais non ! Lors de la mort du vieux négationniste mielleux que cette bande d’escrocs appelle « Le Professeur », Dieudonné a écrit : « Robert Faurisson nous a quittés, je perds un ami, un homme exceptionnel qui m’a beaucoup inspiré. Je sais que la soif de vérité à laquelle il était enchaîné est à présent apaisée, elle aura fait de sa vie une œuvre incomparable. Dans un monde normal, ta place serait au Panthéon. Nous ne t’oublierons pas Robert. Tu es le seul homme pour qui je vais m’imposer un devoir de mémoire. » Voilà ce que Dieudonné dit de Faurisson à ses fans en 2018, il y a cinq ans à peine ! Il leur laisse entendre que la vérité se trouve du côté du vieux menteur. Et pas dans un sketch ! Qu’il ne vienne pas se cacher sous la « gesticulation artistique ». Tout comme lorsqu’en 2013, il remet une « Quenelle d’or » au criminel Bachar Al-Assad. Ça aussi c’était artistique ?
Face à l’épidémie, un premier front
Il faut rendre à Marc-Édouard Nabe – antisioniste assumé – la primeur de ce combat contre le complotisme dangereux et épidémique de cette brochette d’ordures. Il fut bien le seul à voir et à dire le vrai danger. En janvier 2014, chez Taddeï – dans « Ce soir ou jamais » –, il venait annoncer la parution de son nouveau livre, Les Porcs, consacré à la démolition idéologique de cette bande de racailles. Près de 1 000 pages, qui précédèrent Les Porcs 2, 1 000 pages encore. Nabe y raconte d’ailleurs comment il s’est tiré du Zénith lorsque Dieudonné fit monter Faurisson sur scène, refusant de se faire prendre en otage et de se mêler à leur délire conspi. Plus que Les Porcs, Nabe consacra dans sa revue Patience un long récit à sa visite d’Auschwitz dans lequel il démolit les thèses négationnistes. Alors Dieudonné ! Nabe… il fait partie de la communauté organisée ? C’est un sioniste hystérique ? Que réponds-tu à cela ?
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Pendant dix ans Dieudonné et sa bande d’enflures ont pourri le cerveau de générations entières. Ils sont coupables de propagation du conspirationnisme en bande organisée. Coupables ! Aujourd’hui, leurs éléments de langage sont enracinés dans la bouche des esprits faibles. Jusque ces jours-ci, lorsque les réseaux sociaux s’enflamment au sujet de l’affaire Palmade. Derrière chaque tweet de con, c’est Dieudonné ou Soral que je crois entendre encore. L’AVC de l’humoriste qui serait un coup monté pour protéger un réseau pédocriminel de l’élite décadente : c’est du Dieudo bien glaireux tout craché ! D’ailleurs, aujourd’hui, dans ses vidéos, Soral soutient Karl Zéro (le nouveau Dieudo ?) et ses thèses pédo-conspis. Tous unis dans le complot !
Excuse-toi auprès des bonnes personnes…
Alors quand j’apprends il y a quelques mois que Dieudonné présente ses excuses, et qu’elles sont adressées la communauté juive… je garde sa bouillie complotiste en travers de la gorge. C’est une blague ? Est-ce bien pour cela qu’il devait s’excuser ? « Je tiens également à demander pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive (tiens, elle n’est plus organisée ? Ravi de l’apprendre !) avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère. » Mais ce n’est pas auprès de la communauté juive que tu dois t’excuser « Dieudo ». Si tu as blessé des gens par tes « blagues » sur la Shoah, ils s’en remettront. Ce n’est pas auprès d’eux que tu dois t’excuser en priorité, non, c’est auprès de moi. T’excuser de m’avoir manipulé durant des années. De nous avoir tous manipulés, nous qui te suivions aveuglément. De nous avoir menti. D’avoir transformé des centaines de milliers de personnes (si ce n’est des millions) en zombis conspirationnistes s’abreuvant à ta grosse mamelle empoisonnée. Moi j’en suis sorti. Mais combien y sont restés enfermés ? Combien ne ressortiront jamais les pieds des sables mouvants du mensonge et du doute dans lesquels tu les as attirés ? Ils sont embourbés jusqu’au coup par ta faute. Regarde-les s’enfoncer dans la boue de ta dégueulasserie. Combien ne retrouveront jamais le chemin de la vérité ? Regarde tes fans qui aujourd’hui te lâchent parce que tu as présenté tes excuses. Lis les commentaires sur tes dernières vidéos YouTube, celles où tu attaques Soral notamment. Une grande partie de tes admirateurs (d’hier !) t’accuse maintenant d’avoir baissé ton froc face à la puissance de la communauté organisée. Tu les regardes ces commentaires, au bas de tes vidéos ? Tiens, en voilà quelques-uns : « Dieudonné a fait une demande de pardon. C’est le conseil qui lui a été donné peut-être par l’Alliance. Cette demande est faite à contrecœur. Il sait peut-être des choses que nous ne savons pas ??? », « Tu deviens immonde dieudo… là tu perds des fans… ils t’ont retournés…[sic] », « Dieudonné nous met une quenelle inversée », « J’ai connu Alain Soral grâce à vous Mr Mbala Mbala, mais vu la bassesse de cette réponse je soutiens Alain car encore une fois il a raison. » Là encore, ils pensent que tes excuses c’est du bidon, que c’est un coup monté. Tu as créé des monstres. Ils vont maintenant te déchiqueter. Excuse-toi auprès d’eux si tu en as le courage. Excuse-toi aussi de tout le fric que tu as gagné en les caressant dans le sens du complot. Essaie de les faire revenir vers le chemin de la vérité. Ça, ça aurait de la gueule. Mais tu n’y arriverais pas. Cette horde de débiles conspis que tu as formée est incurable, il est trop tard, le mal est ancré en eux, c’est trop profond. Ramène-les avec toi au Cameroun ! Ne nous laisse pas ta merde sur les bras. Ce serait trop facile. Excuse-toi aussi auprès des juifs, oui. Mais pas auprès de ceux que tu as pu heurter par tes « Shoananas ». Auprès de ceux qui se sont fait agresser ! Tu le sais, Dieudo, que ton discours en a motivé des agressions… Excuse-toi aussi auprès des agresseurs à qui tu as bourré la tête de saloperies. Le pire, c’est que dans cette histoire, tu ne t’en tires pas si mal mon salaud. Même Élisabeth Lévy et Goldnadel semblent te pardonner. J’ai voulu leur ressortir tes vidéos les plus immondes de mensonge et de manipulation conspirationniste, mais elles sont quasiment introuvables. YouTube les a supprimées. Putain ! Grâce à tes ennemis, grâce à tes censeurs, les preuves les plus accablantes de ta monstruosité minable ont disparu. Dans quelques années, les négationnistes de ton horreur pourront réviser l’histoire de ta saloperie. Bravo la censure ! De Dieudonné, maintenant, il ne reste presque plus que ses excuses et ses vidéos contre Soral. Mais tu peux être certain d’une chose, c’est que moi je n’oublierai pas. Jamais. Tu es un minable petit businessman du complot. Un profiteur de la bêtise. Pour ton orgueil, pour ton portefeuille, pour ton désir de pouvoir, tu n’as pas hésité à manipuler des foules entières et à les rendre dangereuses. Tu es un voyou de populiste Dieudonné, un dangereux voyou de populiste. Un criminel de la pensée. Tu pars, mais ton mal reste. Je ne l’oublierai jamais, crois-moi. J’en fais même un devoir de mémoire.
[1] Les fautes sont d’origine….