Accueil Édition Abonné Avril 2021 Didier Lemaire: qui a tué Samuel Paty ?

Didier Lemaire: qui a tué Samuel Paty ?

Un texte de Didier Lemaire, le professeur de philosophie de Trappes



Douze personnes sont pénalement comptables de l’exécution de Samuel Paty, de l’assassin à la collégienne affabulatrice et son père le diffamateur. Mais ses collègues, sa hiérarchie, des décennies de politiques clientélistes – et finalement nous tous qui refusons d’être ce que nous sommes – en partagent la responsabilité morale.


On connaît l’assassin. Abdoullakh Anzorov. 18 ans, citoyen russe d’origine tchétchène. Arrivé en France à 6 ans, bénéficiant du statut de réfugié. Un jeune homme, comme il en existe tant d’autres, qui pratique l’islam de façon obsessionnelle. Il s’en prend aux juifs, aux athées, condamne la danse, Netflix et même le Caprice des Dieux qu’il juge « impur », car « polythéiste ». Scolarisé dans un lycée professionnel, il parsème son agenda de symboles religieux et de « Allah Akbar ». Il ne parle pas aux filles qu’il appelle « les femelles ». Exclu à la suite d’une violente bagarre, il travaille dans le bâtiment. Le 25 septembre 2020, il se met en chasse de personnes qu’il pourrait exécuter, puis prend contact avec deux djihadistes en Syrie. Après son passage à l’acte, le 16 octobre, il adresse au chef de l’État ce défi : « J’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad. »

On connaît également les présumés complices. Tous mis en examen pour « complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Ceux qui, par assistance, ont participé à l’exécution de Samuel Paty : trois proches qui l’ont accompagné pour l’achat d’une arme et l’ont transporté. Ceux qui, par incitation, ont désigné au bourreau sa victime. La jeune fabulatrice Z. Chnina qui accuse son professeur d’avoir « stigmatisé les musulmans ». Son père Brahim Chnina qui publie plusieurs vidéos dénonçant « l’islamophobie » de l’enseignant (il porte plainte pour « diffusion d’image pornographique »). Abdelhakim Sefrioui, l’activiste islamiste fiché S pour « radicalisation à caractère terroriste », connu depuis 2004 pour ses positions antisémites et ses accointances avec les négationnistes d’extrême droite. C’est lui qui lance sur les réseaux sociaux la campagne calomnieuse contre Samuel Paty. Enfin, cinq collégiens, âgés de 14 et 15 ans, qui désignent au tueur l’enseignant en échange d’argent. L’un d’eux explique, lors de son audition à la PJ : « Je trouvais ça bizarre qu’un mec paye 300 euros juste pour des excuses. Avec les copains on s’est imaginé des trucs, qu’il allait le tuer ou le kidnapper. Mais je le trouvais pas menaçant. »

À lire aussi : Sonia Mabrouk, réac aux dents blanches 

Sur un plan strictement juridique, il y aurait donc 12 responsables : le tueur et ses 11 complices. On aimerait s’arrêter sur les motivations névrotiques de la famille Chnina : la jalousie de Z. envers sa sœur jumelle, le goût familial prononcé pour la fabulation. On est glacé par l’absence de remords de la fillette. Après avoir fini par admettre ses mensonges, celle-ci déclare : « Si je n’avais pas dit ça à mon père, il n’y aurait pas eu tout ça et ça n’aurait pas pris cette ampleur. » De quelle « ampleur » parle-t-elle ? On est aussi troublé par la duplicité de nombreux collégiens. D’après des personnes bien informées, ils sont encore beaucoup en décembre à posséder sur leur téléphone une capture d’écran de la vidéo de la tête décapitée du professeur. Et que penser de ces collégiennes qui revêtent le djilbeb le week-end et s’habillent normalement la semaine pour ne pas attirer l’attention, la consigne de leurs parents étant de faire profil bas ? Et puis, quelle est la part de responsabilité de tous ceux – collègues, personnels administratifs, responsables syndicaux, responsables de l’Éducation nationale – qui n’ont ni soutenu ni protégé le professeur parce qu’ils croyaient que ces menaces n’étaient pas sérieuses ? On découvre que la FCPE, que Jean-Pierre Obin compte, à juste titre, parmi les organisations « entrées dans l’orbite islamo-gauchiste », aurait même « rappelé » au père qu’il pouvait porter plainte. Ces personnes ne savaient-elles donc pas, depuis la tuerie de Charlie Hebdo, qu’il suffit d’une prétendue agression verbale ou symbolique pour déclencher une tuerie ?

Hommage à Samuel Paty au lycée François-Magendie de Bordeaux, 2 novembre 2020 © Philippe LOPEZ / AFP

En effet, l’accusation d’islamophobie ou de blasphème ne sert pas seulement à faire taire toute critique de l’islam ou de comportements incompatibles avec nos lois comme nos mœurs. Elle est devenue une manière de désigner une cible. N’importe quel enseignant accusé publiquement d’islamophobie, qu’il enseigne à Trappes ou à Science-Po, sait ce qu’il risque. Car dans l’écosystème islamiste, il y aura toujours un Kouachi pour passer à l’acte.

Les conditions pour que cet assassinat ou plutôt cette exécution puisse être commise sont connues : une immigration non maîtrisée, une intégration manquée, un islam qui refuse les lois de la République, des territoires gagnés à la « communauté ». Mais ces conditions ne font pas des responsables. Et les responsables ne se limitent évidemment pas au tueur, à ses 11 complices ni aux poignées d’hommes et de femmes qui « ne savaient pas ».

À lire aussi : Le «grand remplacement»: fantasme et réalités démographiques

Alors qui donc a tué Samuel Paty ? La droite clientéliste qui achète des voix avec des subventions quand ça l’arrange, négocie avec des organisations criminelles fréristes, promet le karcher dans les cités, mais supprime 13 000 postes de policiers et casse la police de proximité ? La gauche, morte de ses lâchetés, qui a troqué l’universalisme pour le différentialisme depuis SOS Racisme relayant le discours victimaire qui fait croire chaque jour un peu plus aux « musulmans » que les Français sont leurs ennemis ? Ses alliés d’extrême gauche, islamo-gauchistes, indigénistes, devenus antisémites et racistes, qui réduisent les hommes à une appartenance tribale ? La République en Marche qui a fermé les yeux pendant quatre ans sur les progrès de l’islamisme et qui traite à coups de mesurettes le fléau qui menace notre pays ? L’extrême droite nationaliste qui ajoute encore un peu plus de bêtise et de haine dans une situation déjà périlleuse ? J’ai posé la question à un commissaire de police :

« Monsieur le commissaire de police, selon vous, qui a tué Samuel Paty ? »

Après quelques instants de réflexion, celui-ci m’a répondu :

« Le refus d’être qui nous sommes. »

Avril 2021 – Causeur #89

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Terrorisme: un projet de loi mal pensé de plus
Article suivant L’aristocratie victimaire
Didier Lemaire a enseigné la philosophie à Trappes, dans les Yvelines, pendant près de vingt ans. Après avoir dénoncé l’islamisation de la ville, il a publié aux éditions Robert Laffont "Lettre d’un hussard de la République" et fondé l’association Défense des serviteurs de la République.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération